Oliver
Je me réveille avec une sacrée gueule de bois. Des effluves d'alcool se dégage de mes vêtements. Je regarde autour de moi. Heureusement, je ne discerne aucune présence féminine. Je me lève, en titubant. Il faut que je sorte. Je vais prendre une douche, l'eau s'écoule dans le creux de mes reins jusqu'à mon V, ça fait un bien fou. Je respire, me lave en frottant fort. De toutes mes forces. Comme si ces gestes frénétiques pouvaient effacer ma tristesse, et mes erreurs de la veille.
De mes erreurs, je parle des baisers torrides que j'ai échanger avec Anna. Cette fille... Putain ! Physiquement, c'est vraiment une déesse. Je sors de la salle de bain, une serviette autour de la taille. J'enfile un jogging, un t-shirt et un sweat. Je prends mon casque, en laissant un mot à ma mère pour la prévenir que je suis sorti. J'enfourche ma moto, démarre et roule vers la côte. J'habite à peu près à cinq kilomètres de celle-ci. Quand j'y arrive je me gare. Le soleil brille dans le ciel. Il doit être pas loin de dix heures. Je me mets à marcher le long du sable. Tout au bout se trouve une butée. Elle me rappelle très légèrement la grande falaise située au bout de la plage de mon grand-père.
J'adorais y aller la nuit pour regarder les étoiles. Les larmes semblent me monter aux yeux, je les refoule. Pas maintenant. Plus tard mais pas maintenant. Je hume cette aire vivifiante puis tourne la tête. En balayant la plage des yeux j'aperçois une silhouette. Elle m'est familière. Mon impression est renforcée par les cheveux roux qui recouvre le crâne de cette personne. Je descends les escaliers et me dirige vers elle en plissant des yeux. C'est bien ce que je pensais. C'est Emma. Décidément elle est partout !
Elle est assise, en combi de surf, à côté de sa planche. Je ne me demande pas plus que ça pourquoi elle se trouve sur la terre à la place d'être à dompté ses vagues déferlants contre le sable humide. Je cours et la vois se retourner quand je l'appel par son prénom. Elle fait une moue contrariée. Je la salue, nous entamons une discussion... peu aimable qui m'emmène sur des terrains glissants. Elle est jolie comme ça, les cheveux noués et le visage dégagé. Seules quelques mèches viennent encadrer ses doux traits. Elle a l'air triste, perdue. Mais je ne relève pas, même si au fond de moi, j'ai envie de la prendre dans mes bras pour la réconforter. Mais la réconforter de quoi ? D'un mal inconnu ? Elle me parle, me coupe la parole et me surprend avec une question.
<< - Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu veux apprendre ?
Je prends le temps de réfléchir, puis hésitant, j'avoue enfin.
- Pour mon grand-père. Il aime le surf, non plutôt, il adorait. C'était sa passion et aujourd'hui, j'aimerais le rendre fier en perpétuant sa mémoire de cette façon. >>
Un instant, un seul, elle semble s'émouvoir, mais elle reprend rapidement son air impassible et triste comme une montagne. Comment faisait-elle pour avoir l'air des deux ?
Puis elle reprend :
<< - Et pourquoi moi ?
Je lui réponds, malin.
- Et bien tu es la seule que je connaisse et qui puisse m'apprendre, gratuitement, en échange d'un service. Ce sont de bons procédés non ? >>
Elle a l'air frustrée puis se détend et un long silence s'installe. Une, puis deux, puis trois minutes s'écoules. Et sans me mettre en garde elle se met à me raconter quelque chose. Quelque chose qui a l'air important. Son regard est porté sur l'océan. Vide et vague. Je me laisse tomber à ses côtés, elle se raidit, mais abandonne le combat. Elle a l'air épuisé. Je penche ma tête en arrière en fermant les yeux et en commençant à écouter son récit, imaginant chacun des personnages, chaque scène.
<< - Avant il faut que tu saches quelque chose. Ici, il existe une vielle légende. Une très vieille légende. On appelle les surfeurs les enfants de la mer. Mais aussi les larmes de la mer. On raconte qu'il y a de cela bien longtemps, la mer à désirer des bambins. Elle avait besoin de compagnie. Seulement, elle ne pouvait pas en avoir. Elle a rendu visite à Poséidon, le suppliant de lui accorder son vœu. Et il faut savoir qu'ici nous pensons que les océans et Poséidon sont deux entités différentes. Bref. La mer, lui offrant un foyer, il le lui a immédiatement accordé. Malheureusement, elle noya l'enfant, ne sachant pas comment s'en occuper, lui-même étant terrien. Poséidon fut alors ivre de colère. Et pour la punir, il créa d'autres fils et filles qu'il maudits. Ces enfants ne pouvaient en aucun cas vivre dans les vastes océans, mais pour une raison évidente, ils restaient constamment, irrésistiblement et indéniablement, attirées par la mer. Au point que ce soit une torture pour eux de ne pas s'y rendre...
J'avais l'impression que le récit était fini. Je ne comprenais pas ou elle voulait en venir mais je lui demandais quand même :
- Mais la mer dans tout ça ? Elle les a eus ses enfants ? Donc ce n'était pas vraiment une punition, non ?
- Oui en effet. Elle les a eus mais elle, ce qu'elle voulait, c'était une compagnie constante, un amour constant. Et à chaque fois, ses enfants devaient partir. S'en aller. En la laissant seule face à son immense cœur rempli de solitude. Et elle a tellement pleuré, qu'elle a recouvert la plupart du globe terrestre de ses larmes bleues et salées. >>
Je n'ose plus parler. J'ai l'impression que ce sont des paroles sages, qu'une atmosphère de respect s'est installée. Je ne veux pas la rompre, j'aimerais rester là longtemps, éternellement. Aux côtés de cette fille, bizarre, intelligente et surprenante. Mais elle, elle a l'air d'avoir autre chose en tête. Elle se lève en un bond, souple comme un félin, puis s'étire de tout son long. Je remarque qu'elle est fine, ciselée. Putain, détourne les yeux. Je tourne la tête et quand je la reregarde, je la vois me sourire, penchée en avant, vers moi, la main tendue. Elle a sur son visage un grand sourire et ses yeux pétilles. Elle a l'air heureuse désormais. J'attrape sa main et elle tire pour m'aider à me relever. Elle titube sous mon poids et je la rattrape par la taille. Aucun de nous deux ne bouge, elle ne se dégage pas, peut-être ne s'en est-elle pas rendu compte ? Et moi-même, en voyant mes mains sur sa taille, je les retire brusquement. En voyant son regard orageux ou tourbillonne le vert forêt, je devine que j'ai bien fait. J'ai la légère impression qu'elle s'apprêtait à me briser le bras. Elle recule alors même que nos visages n'étaient qu'à une dizaine de centimètres l'un de l'autre. J'essaye de cachée ma moue déçue par mon sourire narquois, puis je vois qu'elle frictionne ses bras. Peut-être a-t-elle froid, il est vrai qu'il y a du vent. Je retire mon sweat.
<< -Mais qu'est-ce que tu fais ?!! >> Je le lui jette dans les mains, et sachant très bien qu'elle est trop fière pour l'accepter, je me mets à courir en direction de l'endroit où est située ma bécane.
<< - OLIVER JE TE JURE QUE ... >>
Je l'entends hurler mais elle ne me court pas après. Je souris et commence à rire aux larmes. Mon dieu ! Je suis vraiment con !
Et en rentrant chez moi, le cœur plus léger, je respire enfin, j'ai l'impression d'aller mieux, encore meilleur, et sans l'aide de la boisson. A la maison, le repas est prêt, elle a fait des pâtes carbonara. Ça fait longtemps, trop longtemps que je n'ai pas eu de repas de famille. Je l'embrasse sur la joue, m'assois et discutons. Ma mère me dit que nous n'allons pas vendre la maison des Pins. Que nous allons la garder en maison de vacances. Que c'est drôle, une maison de vacances alors même que nous sommes ici à proximité de la plage. J'en ris, je suis heureux. Je pourrais y retourner quand je le voudrais, m'y imprégner de mes moments de bonheur passés là-bas. J'ai envie de célébrer ça. J'ai envie de faire la fête. J'ai envie de l'appeler pour le lui raconter. Oui à elle, Emma.
Je reçois un message au moment où je pense à elle. Elle m'écrit :
" Oliver, je te jure que je vais t'égorger espèce de tête de con narquois. Je te rendrais ton pull au lycée, lundi et je t'enverrais aussi le sujet de notre travail. Bye. "
Je le repose en lui répondant un simple "ok" avec un petit emoji qui fait un bisou. Je la nargue et la provoque et cela m'amuse. Et je retourne aux conversations banales et politiques de ma mère.
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A nos cœurs brisés
RomanceLui il est libre, Elle, elle ne l'est pas, Elle, elle est malade, Lui ne le sait pas. * * * Emma et Oliver se connaissent depuis l'enfance. Lui a changé, et...