Oliver
A la fin de l'heure de classe, je me précipite au dehors. Un groupe de filles s'est formé devant la porte et certaines me posent des questions.
- D'où viens-tu ? Qu'est ce que tu peux bien faire dans un lycée comme le nôtre ?
C'était sans fin.
Parmi cette masse de jeune fille, j'essayais d'en repérer une, une en particulier. Je cherche du regard une tignasse rousse, des yeux émeraudes et un teint blafard. Bien évidemment, elle n'est pas là. C'est là que je la vois. Elle marche plus loin, dans le couloir, à la main, elle a son carnet. Celui dans lequel elle dessinait tout à l'heure. Bien sûr, vu le comportement et l'attention qu'elle ne m'a pas donné durant l'heure qui précède, ça ne m'étonne pas qu'elle ne fasse pas partis de ces groupies. Et je m'en veux de ressentir ça, mais je veux la tester. Je veux voir jusqu'où, jusqu'à quand elle me résisterait. Je prends une fille dans le tas pour lui demander comment elle s'appelle. C'est une grande blonde, plus grande que la petite rousse, aux yeux bleus, à la peau matifiée et aux formes généreuses. Elle est belle, c'est assurément mon genre de fille. Pourtant, ce n'est pas sur elle que mon regard s'est porté pour la première fois en entrant dans cette classe.
<< - Salut, dis-moi tu t'appelles comment ?
Elle me regarde, un sourire aux lèvres, les yeux brillants et le teint légèrement rougis. Mais sa réponse ne tarde pas.
- Anna.
- Donc... Anna, est-ce que tu sais comment elle, elle s'appelle dis-je en montrant de la main la rouquine.
Son visage montre une petite mine déçue, mais elle me répond, avec une petite moue.
- Emma, elle s'appelle Emma. Emma Williams. Mais elle est étrange, me prévient-elle. Personne ne lui parle et elle reste tout le temps dans son coin. A vrai dire, avant elle était super ouverte, mais depuis un moment, elle ne parle plus à personne.
-Merci... Anna. >>
Je relève la tête pour voir ou elle se trouve. Je l'aperçois, presque au bout du couloir, elle est légèrement penchée en avant, une main se trouve le long de son corps et son autre bras est, semble-t-il, replié sur son ventre ou contre sa poitrine. Son corps à l'air agité de soubresauts, comme si elle avait du mal à respirer. Je me rapproche précipitamment d'elle et lui attrape la main. Elle se retourne vivement, l'air désormais tout à fait calme. Je ne vois pas encore son visage tant elle a de cheveux qui le lui cache.
Une seconde plus tard, elle les soulève. J'ai l'impression de ne plus respirer, elle est jolie, vraiment jolie, mais pas de la même manière que la fille de tout à l'heure. Elle a un charme particulier, un charisme non feint, elle est simple, sans artifices. Je détaille son visage, une légère cicatrice lui barre le sourcil droit, des tâches de rousseurs sont peintes sur la courbe de son nez et sur ses joues creuses. Elle a aussi un petit grain de beauté, au coin de son œil gauche. De long cils et... et ....
- Mais ça ne va pas !
Elle se dégage de mon emprise, l'air tout sauf aimable. Elle me dit que l'on n'attrape pas les gens comme ça. Elle me menace même, cette petite chose aussi mignonne qu'un chaton qui essaye de sortir les griffes. Et malgré moi, je ris. Je ris parce qu'elle paraît incapable de mettre à exécution ses menaces, je ris parce que je l'ai vu, elle aussi, me scruter, à l'instant. Je ris surtout parce que j'en ai besoin.
Je lui demande ce qu'elle dessinait tout à l'heure, et ses lèvres se tordent en un sourire moqueur et malin. Elle me dit que ça ne me regarde pas. Je décide d'être franc et lorsqu'elle éclate de rire à son tour j'en suis étonné, frustré. Mais j'essaye de ne rien laisser paraître. C'est difficile, elle me provoque.
C'est alors qu'une idée amusante me vient à l'esprit. Une idée saugrenue qui pourrait bien la décider à mettre à exécution ses menaces. A se débarrasser de moi en me jetant à terre comme un vieux sac à patates.
- Tu veux sortir avec moi ?
Sa réponse ne se fait pas attendre. C'est non, un non ferme et sans appel, un non qui clôt la discussion, un non qui semble me prévenir de faire attention à ce que je dis, ce que je fais. Et je me tais. Je me tais parce que quelque chose dans sa posture a changé, elle a presque l'air blasé, ou menaçante... je ne saurais dire, je ne perçois pas bien ses émotions. Elle est comme m'a dit Anna. Insondable. Mais j'aime les défis, j'aime m'amuser. Et alors qu'elle s'en va, je reste planté dans le couloir. A la regarder disparaître dans cette foule de lycéens. Je serre les poings, mais je continue de sourire. Je déteste que l'on me dise non.
Je me redresse et me dirige vers le gymnase, c'est basket, je parie que ce sera amusant de la voir frapper la balle au sol, de la voir galérer à marquer des paniers. Et peut-être de venir l'aider pour lui montrer que moi je sais, et qu'elle, elle ne sait rien.
Lorsque j'arrive dans la salle de sport, le coach nous demande d'aller nous changer, je ne pense plus à elle quand j'arrive sur le terrain. Mon esprit est tourné vers les balles, les paniers et mon envie de gagner. Je m'échauffe, drible, tire, le poignet souple puis nous commençons les matchs. Les équipes ont préalablement été formées. Je me retrouve avec deux gars de petites tailles, un mec aussi grand que moi et un... que je ne saurais décrire. Ils me dévisagent, attendent que quelqu'un lance le match. Ce qui est rapidement fait. Nous menons de 6 points, je m'apprête à marquer un quatrième panier lorsqu'un des joueurs adverses me contre. Il reprend la balle et tente de l'envoyer à un de ses coéquipier, il le rate. La balle fuse à travers le gymnase et se dirige droit vers les gradins, vers une silhouette avachie sur les sièges, une silhouette que je n'avais pas remarquée. Quelqu'un hurle « ATTENTION ! » et elle relève la tête. Elle réagit au quart de tour et détourne le ballon d'un coup de main expert.
Je ne discerne pas le visage de cette personne. Je m'approche d'elle pour récupérer ce qui venait de faire office de missile, et me rend compte que c'est Emma. Aussi incrédule que ce puisse être. Elle ne sourit pas, mais elle a plutôt l'air d'être soulagée d'avoir pu éviter une pareille chose. Je la fixe, en fronçant les sourcils. Tout le monde est retourné sur le terrain. Je continue de la regarder, elle ne rompt pas le contact. Je le fais. Tout ce que je sais c'est que lorsque je quitterais les vestiaires par la suite, elle n'y sera plus.
Ce n'est que devant les portes du lycée que je l'aperçois une dernière fois. Elle semble discuter avec un professeur et affiche une mine boudeuse. L'une des deux parts et elle, elle reste figée sur le chemin terreux. Elle regarde vers le ciel, une de ses mains semble écarter sa chevelure de son facies. Elle paraît paisible. Les yeux clos, elle semble rêver. Je me détourne, me rendant compte de la longueur de cette contemplation, qu'est-ce qui me prend ?
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A nos cœurs brisés
RomanceLui il est libre, Elle, elle ne l'est pas, Elle, elle est malade, Lui ne le sait pas. * * * Emma et Oliver se connaissent depuis l'enfance. Lui a changé, et...