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Emma

« - EMMA OLYMPE WILLIAMS ! Descend immédiatement !

Je savais très bien que lorsque ma mère m'appelait par mon nom complet cela allait mal finir. Elle ne l'avait plus fait depuis un long moment, en fait... depuis l'annonce de ma maladie. C'était un peu étrange de réentendre cette menace dans sa voix, qui autrefois m'aurait causé plus de peur que de nostalgie aujourd'hui.

Je termine de brosser ma crinière rousse dégoulinante d'eau à la suite de ma récente douche, et me jauge de mes yeux verts dans le miroir. Mes cheveux sont abîmés, sûrement à cause du sel si présent dans l'eau de mer. Ça aussi ça me manquait, la mer... le surf. Je n'avais plus vraiment le droit de faire quoi que ce soit de physique. Et d'ailleurs, je me bâtais constamment avec mes parents pour ça. Je sais bien que je risque de crever aux moindres mouvements, mais ils sont parfois dans une paranoïa abusive. Certains me traiterons de je-m'en-foutiste. Toutefois, je ne crains pas de mourir. C'est la vie. L'aboutissement d'un cycle.

Mon visage avait repris sa pâleur chassée il y a de cela longtemps par le soleil qui frappait de ses rayons lumineux mon visage à chacune de mes longues balades sur l'eau et sur la plage. En dessous de mes vêtements, tous pris dans des tailles supplémentaires, se dessinaient timidement des abdominaux qui autrefois étaient bel et bien visibles. Seules de petites rondeurs venaient apporter un peu de stabilité dans ce corps étrangement dépérissant.

J'entends ma mère réitérer sa menace, je me précipite donc dans les escaliers. C'était enfin la fin de l'été et j'allais devoir faire face à la rentrée après avoir loupé une demi année de cours en présentielle.

Ma mère, mon père et ma petite sœur se trouvaient tous trois assis autour d'une table recouverte de plats. Ils avaient fait de gros efforts pour préparer tout ça. Juste pour moi. Comme si pour eux, chaque jour allait d'être le dernier. Comme si le soir, lorsque j'allais me coucher, ils n'auraient le lendemain matin, plus jamais l'espoir de serrer un corps chaud contre le leur.

Je m'attablais, en souriant et on se mit à discuter. D'étranges banalités, de simples discussions. Aussi concernant mon avenir. Mais pas mon avenir médical, non. Mon avenir professionnel. Je voulais être avocate. On m'a toujours dit, et ce depuis que je suis toute petite, que j'avais de nettes aptitudes dans ce domaine. C'est bien pour ça que je faisais partie du club de débat de mon collège il y a de cela deux ans. Enfin, là n'est pas la question, cela va bientôt faire un an et demi que j'ai cessé de me projeter.

Dans la pièce flottait de minuscules particules de poussières, à peine discernables. On pouvait les entrevoir grâce aux nombreux rayons de soleil qui pénétraient par les fenêtres de la maison. Et si une photo avait pu être prise, peut-être alors, oui peut-être, que nous aurions pu passer pour une famille normale. Aimante. Sans aucun souci.

Mais ce n'est pas le cas, ce n'est jamais le cas.

Et c'est lorsque les derniers rayons de l'astre disparurent, que j'allais me coucher. Avec pour seul objectif de survivre une année de plus et d'enfin m'offrir le droit de profiter.

A nos cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant