Chapitre 6 - Horizon

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Un matin, Elias quitta sa chambre et trouva, comme d'habitude, la maison vide. Alexandre sortait systématiquement avant lui en ce moment, et le vieil homme devait l'avouer, il était curieux de savoir où il allait. Au début il pensait qu'il se rendait dans les champs, pourtant rien n'avait avancé. Ce matin-là donc, Elias partit à la recherche de son protégé, et de sa cachette matinale.

Il écuma d'abord les rues alentours, pensant le trouver en grande discussion avec un voisin, ou donnant un coup de main au premier venu. Mais aucune trace d'Alexandre. Il salua rapidement les quelques personnes qu'il croisa et sortit de la Basse-Ville pour se diriger vers la mer. Il aperçut quelques pêcheurs sur la côte, se rappelant soudain qu'il n'avait pas mangé de poisson depuis bien longtemps. S'il avait été simplement un peu plus riche ou s'il avait de vrais beaux produits à échanger, il pourrait se procurer un beau bar et le cuisiner à Alexandre. Tout en regardant les reflets ondulés du soleil sur les vagues, il se dit que ça ferait une belle surprise.

Elias longea la côte durant de longues minutes et pénétra dans un bosquet qui surplombait la falaise. Il commençait à se dire qu'Alexandre avait dû rentrer depuis le temps. Cependant, s'il avait eu son âge et qu'il avait eu besoin d'être seul, il n'aurait pas trouvé meilleur endroit qu'une petite forêt. Les branches se refermaient au-dessus de sa tête comme une bulle de protection. Il y régnait une agréable fraîcheur, ainsi qu'une étrange atmosphère de sérénité. Perché sur une branche basse d'un gros chêne, Alexandre vit arriver le vieux El qui le salua d'un signe de main.

-Eh bien qu'est ce que tu fais là-haut mon g... Alex, se corrigea le paysan.

-Je profitais juste du matin pour me poser un peu et réfléchir.

-À quoi tu réfléchis ? C'est bien un truc de jeunes ça de réfléchir, nous les vieux on est bon qu'à agir sans se soucier du reste.

-Si ça ne vous dérange pas, j'aimerais vous parler de certaines de mes réflexions. Si vous êtes prêt à vous en soucier bien sûr, ajouta Alexandre avec un sourire.

-Eh bah je t'écoute, mais à une condition.

-Laquelle ?

-Cet après-midi, t'as intérêt à bosser pour deux parce que réfléchir, ça va m'épuiser pour la journée !

Alexandre descendit donc de la branche et s'assit aux côtés du vieux paysan sur une grosse proéminence rocheuse. Un silence s'installa, qu'Elias n'osa pas interrompre.

-Vous savez, maintenant que j'ai appris à vivre ici, que j'ai commencé cette vie, je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que j'étais... avant. Qui j'étais, où j'étais, je n'arrive pas à expliquer que je sois arrivé sans que personne ne me connaisse.

Il marqua une légère pause.

-Surtout sur une île... C'est pour ça que je viens ici, je veux voir l'horizon, je veux voir si c'est de la-bas que je viens, plus loin que je ne peux le voir. Si ce ne sont les flots qui m'ont ramené, d'où je viens ? Je ne suis quand même pas tombé du ciel vous comprenez.

Elias eut soudainement l'impression d'avoir face à lui non pas un homme ayant dépassé depuis quelques années la majorité, mais un enfant perdu. Un enfant qui cherche la vérité par tous les moyens, et qui pour la trouver, demande à son père. El sut alors qu'il devait lui répondre, lui apporter des éléments de vérité, comme il les demandait.

-Tu sais Alex, dans la Basse-Ville beaucoup de rumeurs circulent sur toi... commença El.

Alexandre pivota lentement sa tête vers lui. Une expression de tristesse se lisait sur son visage.

-Je te rassure, tout le monde est ravi de te compter parmi nous ! enchaîna rapidement Elias pour atténuer ses dires. Mais il faut quand même avouer que c'est pas commun.

Il s'arrêta de parler, et regarda un instant la ligne infini qui séparait le ciel et la mer.

-Si tu veux là vérité, y a pas mal de gens qui pensent que tu viens de la Haute-Ville.

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