10 - ALICIA

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James Morrison - I Won't Let You Go

Mercredi 29 juin 2011

22 h 45

Alicia

Je soulève lentement les paupières et cherche d'une main le corps chaud d'Adrian, mais il n'est plus là. Je me redresse sur le lit tout en jetant un regard circulaire à la chambre.

— Adrian ?

Mon regard est immédiatement attiré par la lueur d'un feu de camp qui crépite quelques mètres plus loin, près de la terrasse. Les baies vitrées sont légèrement ouvertes sur l'horizon où la lune se reflète magnifiquement sur l'océan. Les rideaux dansent lentement sous la brise, rythmés par des notes de musique provenant d'une guitare. Je m'aperçois que celle qui était posée dans le coin a disparu. Serait-ce... ?

Curieuse, je repousse les draps et me lève en m'avançant lentement vers la commode pour enfiler un tee-shirt blanc. Puis je me dirige vers la fenêtre et la pousse délicatement sans faire de bruit, attirée par cette douce mélodie et cette voix particulière qui entonne les paroles. Je traverse la terrasse en bois et aperçois Adrian assis sur un duvet, face à un feu de camp, la guitare à la main.

Dos à moi, il chante I Won't Let You Go de James Morrison, tout en grattant les cordes. Les paroles sont tellement en phase avec ce que nous partageons ensemble que les larmes me montent aux yeux sans qu'aucune ne coule pour autant. Ma sensibilité me perdra !

And if there's love just feel it... And if there's life we'll see it... This is no time to be alone, alone yeah...

Je le contourne et m'approche lentement de lui, fascinée par sa voix dont le timbre est très particulier et légèrement éraillé. Elle m'arrache des frissons, déclenchant en moi une vive émotion. Je penche ma tête de gauche à droite, entraînée par le rythme de la chanson qui glisse dans la brise marine de ce soir d'été. Les apparences sont parfois trompeuses... Cet homme cache une âme de poète, d'artiste. Il chante merveilleusement bien, et la tendresse avec laquelle il me regarde à présent me fait frissonner de la tête aux pieds. Adrian joue les dernières notes de la chanson tout en me souriant tendrement.

— Que fais-tu ici ? lui demandé-je en jetant un œil curieux au feu de camp, puis au duvet sur lequel il est installé.

— J'ai du mal à trouver le sommeil la nuit... J'ai perdu l'habitude de dormir dans un lit et d'être enfermé dans une maison. Je préfère dormir à la belle étoile..., me répond-il, gêné, tout en me faisant signe de m'asseoir près de lui.

Il s'écarte pour me faire de la place. Je le remercie et m'installe à ses côtés, décontenancée par sa dernière confidence. Serait-il angoissé à l'idée d'être enfermé dans une pièce ? Je connais les diverses blessures psychologiques de la guerre. Pendant mes études, Solène et moi avons suivi un stage en milieu militaire, et il nous a bouleversées. À la suite de cela, nous nous sommes spécialisées dans les urgences médicales et avons intégré celles de l'hôpital de Southport. Je ne me voyais pas entrer dans un centre médical militaire, du moins, pas à cette époque. Aujourd'hui, cela m'émeut et me touche profondément... Peut-être parce que je suis en train de tomber amoureuse d'un soldat de l'armée américaine. Je sais à quel point ces hommes et ces femmes ne reviennent jamais indemnes de leurs missions : ils sont meurtris à vie dans leur âme. Je crains pour Adrian, j'ai peur qu'il ne se perde également dans l'abîme de ses souvenirs de guerre...

— Tu es là depuis longtemps ? demande-t-il en posant sa guitare près de lui, tout en me sortant de mes pensées.

Je secoue la tête tout en tentant d'effacer les images qui assaillent mon esprit, toutes plus horribles les unes que les autres.

ADRIAN U.S. ARMYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant