Chapitre 4

478 23 10
                                    

Ian était content que l'école ait pris fin, mais il n'arrivait pas à échapper à la bande de
Dudley qui venait chaque jour à la maison. Piers, Dennis, Malcolm et Gordon étaient tous
grands et stupides, mais comme Dudley était encore plus grand et plus bête qu'eux, c'était lui
qui était le chef. Et les autres étaient ravis de pratiquer le sport préféré de Dudley: la chasse au
Ian.

C'est pourquoi Ian passait le plus de temps possible hors de la maison, à se promener dans
les environs en pensant à la fin des vacances qui représentait pour lui une minuscule lueur
d'espoir. Car en septembre, il entrerait au collège et, pour la première fois de sa vie, il ne
serait plus dans la même école que Dudley. Dudley irait à Smelting, un collège privé où
l'oncle Vernon avait fait ses études. Piers Polkiss y était inscrit, lui aussi. Ian, pour sa part,
devrait se contenter du collège du quartier. Dudley en était ravi.


—Là où tu vas, on met la tête des nouveaux dans le trou des toilettes, dit-il à Ian. Si tu veux
t'entraîner, monte avec moi dans la salle de bains.


—Non, merci, répondit Ian, ces pauvres toilettes n'ont jamais vu quelque chose d'aussi
atroce que ta tête, ça les rendrait malades.

Et il prit aussitôt la fuite avant que Dudley ait compris ce qu'il avait dit.
Un jour de juillet, la tante Pétunia emmena Dudley à Londres pour lui acheter l'uniforme de sa
nouvelle école. Elle déposa Ian chez Mrs Figg qui fut moins pénible qu'à l'ordinaire car elle
s'était cassé la jambe en trébuchant sur un de ses chats, ce qui avait quelque peu refroidi la passion qu'elle leur portait habituellement. Ian fut même autorisé à regarder la télévision en
mangeant un gâteau au chocolat qui avait dû séjourner quelques années au fond d'un placard.

Le soir, Dudley parada dans le salon pour montrer à toute la famille ses habits flambant neufs:
un frac marron à queue-de-pie, un pantalon de golf orange et un canotier. Les élèves de
Smelting avaient également une canne dont ils se servaient pour se taper dessus quand les
professeurs ne les voyaient pas. C'était, parait-il, une façon de se forger le caractère.

En contemplant son fils ainsi accoutré, l'oncle Vernon déclara que c'était le plus beau jour de
sa vie et la tante Pétunia éclata en sanglots en disant qu'elle n'arrivait pas à croire que ce
garçon si grand, si élégant était son petit Dudlinouchet adoré. Ian préféra ne rien dire. Il
avait l'impression de s'être déjà fêlé deux côtes à force de réprimer son fou rire.

Le lendemain matin, au petit déjeuner, une odeur pestilentielle se dégageait d'une grande
bassine posée dans l'évier de la cuisine, Ian s'approcha et vit de vieux vêtements qui
flottaient dans une eau grisâtre.


—Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il à la tante Pétunia.

Elle pinça les lèvres, choquée qu'il ait l'audace de poser la question.

—C'est ton nouvel uniforme, dit-elle.

—Ah bon ? s'étonna Ian en regardant à nouveau la bassine. Je ne savais pas qu'il fallait le
faire tremper dans l'eau.

—Ne fais pas l'idiot, répondit sèchement la tante Pétunia J'ai teint en gris des vieilles affaires
de Dudley. Ça te suffira bien comme uniforme, il ne sera guère différent des autres.

Ian en doutait, mais il était inutile de discuter. Il se demanda à quoi il ressemblerait, là-
dedans, le jour de la rentrée. On aurait dit des morceaux de peau arrachés à un vieil éléphant.
Dudley et l'oncle Vernon entrèrent dans la cuisine en fronçant le nez à cause de l'odeur que
répandait la bassine. L'oncle Vernon ouvrit son journal comme à l'ordinaire et Dudley donna
sur la table un coup de sa canne dont il ne se séparait plus.

AnimalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant