A la personne qui se reconnaîtra.
Tu me prends à part et me demandes "Est ce que ça va ?". Ma réponse fuse automatiquement "Oui et toi ?". Tu me regardes fixement, droit dans les yeux, et ta bouche laisse sortir ces quelques mots : Non, vraiment, est-ce que tu vas bien ? Et même si je ne laisse rien paraître, je suis contente que tu aies remarqué que peut-être je ne vais pas bien. Je suis contente car quelqu'un a enfin vu ces blessures que je porte depuis trop longtemps mais qui semblent invisible aux yeux de tous. Je suis contente mais je ne veux pas t'embêter avec mes problèmes. Ce ne sont pas les tiens.
Est ce que tu vas bien ? Cette question trotte dans ma tête. J'aimerais te répondre que non, je ne vais pas bien, j'aimerais te dire que je ne comprends pas comment je pourrais aller bien dans un monde où je me fais insulter chaque jour, juste, car je suis moi même. Dans un monde où je me suis fait harceler pendant un an, dans un monde où l'homophobie, le sexisme, le racisme règnent en force. Comment ferais-je pour aller bien dans un monde où l'on préfère voir deux hommes/femmes s'entre-tuer plutôt que s'embrasser. Dans un monde où la Terre est mourante, mais au lieu de la soigner, on lui file du poison. Non, vraiment, je ne vois pas comment je pourrais aller bien dans un monde où je me fait mégenrer tout les jours, juste parce que j'ai des putins de cheveux courts.
Mais j'ai peur que si je te dise ça, que pour toi, ce ne soit pas une raison pour être dans l'état où je suis, et tu aurais surement raison. Pour toi, j'en ferais à coup sur des tonnes. Et pourtant, pourtant, c'est ce quoi m'empêche de dormir toutes les nuits. C'est ce qui m'empêchent de vivre. C'est ce qui m'empêche d'être comme eux, naïve. J'aimerais te dire que j'ai l'impression d'être la seule à voir le mal, ou en tous cas à le voir aussi présent. Que j'ai l'impression d'être seule. Perdue. Dans un monde trop cruelle pour une âme sensible comme moi. Je voudrais te dire que tout les soirs je pleure, je pleure à cause de l'homophobie et de la déforestation, je pleure à cause du sexisme et de la pollution, je pleure à cause du racisme et du dérèglement climatique, avec une seule question en tête pourquoi personne ne réagit ?
Et toutes ces pensées sont de trop pour mon cerveau. Elle tourne en boucle sans s'arrêter, de jour comme de nuit. Elle me donnent envie de me frapper la tête contre les murs. Elles me donnent envie de tout lâcher, de tout arrêter, de tout abandonner... Tu es peut-être une des seules personnes à me les faire oublier ne serait ce que quelques secondes.
Je m'égard, à ta question me revient en tête : "Est ce que tu vas bien ?" Non, je ne vais pas bien, je n'en peux plus de la connerie humaine, et je suis en rage contre l'humanité, je suis en rage contre moi-même.
J'aimerais te répondre cette longue pensée qui m'a traversé l'esprit en quelques secondes à peine. Mais je sais que ces mots s'effaceront de ma bouche, avant que j'ai pu les prononcer . Alors à ta question, les seuls mots qui s'échappent de mes lèvre sont " Oui, je vais bien".
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Pages noires
PoetryRecueil de poèmes, textes sociétales et actuels, (écologie, guerre, santé mentale, politique).