8- Le drame dans le drame

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Entre le 1 mois et le 2ème mois sans Tom

J'ai obtenu six mois !

***

Evan est arrivé le vendredi soir fatigué, sans doute pour me rassurer, mais je n'étais pas d'humeur.

─ Pourquoi il ne t'a pas épousé ? Peut-être qu'il ne t'aimait...

Je lui ai mis un crochet du droit qui a dû lui faire mal.

─ C'est de la part de Tom. Dégage pauvre type.

Il baisse la tête, résigné. Je sais qu'il se rappelle comme moi que son frère l'avait poussé de la falaise. Un aveu que mon amour m'a fait sur l'oreiller.

Nous sommes tous chez le notaire pour l'ouverture de la succession. Je suis seul contre eux tous, les méchants toubibs, qui nous ont abandonnés toutes ces années et qui maintenant veulent tout me voler.

Je n'y crois pas ! Je pleure encore Tom, à peine remis de mon chagrin, conscient de la montagne qui m'attendait pour reprendre ma vie, mais ils tirent sur l'ambulance décidé à achever la victime. Je n'aurais jamais imaginé cela possible, tout appartient à son frère et à ses parents. Ce ne sont pas eux les étrangers, c'est moi !

Je ne mesure pas encore l'étendue des dégâts, mais tout est sur le compte de Tom : l'électricité, les impôts, les assurances, la voiture.

Mais qu'est-ce que j'ai fabriqué moi ?

J'ai clamé que Tom les détestait, il n'avait même plus leurs numéros. Ils ne se sont pas revus ces dernières années, alors que moi j'ai des milliers de photos et de vidéos qui prouvent que nous nous aimons et que nous habitions ensemble, dans notre maison.

Le notaire ne cesse d'évoquer le droit français. Il ajoute même des arguments stupides, je pourrais être un ami logé temporairement. Ils nient l'amour que Tom avait pour moi et me brise le cœur encore une fois.

Je devine à l'allure mesquine du notaire, faussement amical qu'il est homophobe.

Je suis considéré comme rien : "pas un mari, ni un ami". Le terme juridique c'est "étranger" à la succession. Eux sont sa famille.

Je pleure de rage et je rouspète, Evan passe son temps à me calmer et à tempérer les propos des autres.

Ils disent que Tom ne m'aimait pas et Evan rectifie en disant qu'il m'aimait.

Les mauvaises nouvelles s'enchainent, j'écoute le notaire chercher l'acte de la maison, c'est Tom qui l'a payé intégralement, mais il a acheté une ruine que nous avons retapé. Elle a pris de la valeur avec tous nos travaux. Peu importe ! Tout revient au propriétaire de la maison et ce n'est pas moi.

Sa mère parle déjà de la vendre et j'apprends que je suis censé partir dans les plus brefs délais. Evan la contredit et affirme que nous verrons en temps et en heure, maintenant c'est Elvire qui l'engueule.

Le notaire propose de m'accorder un peu de temps et surtout que tout le monde se calme, il commence à transpirer et à avoir chaud lui aussi.

Ils sont grands seigneurs : ils m'accordent six mois dans ma maison, pour me retourner. Après je suis prié de dégager.

─ ET L'ESCALIER de Tom je demande, réalisant qu'il va falloir le laisser, c'est la seule chose qui m'ennuie ! C'est bête ! C'est son œuvre maitresse, son chef d'œuvre, réalisé sur la base de mes dessins. J'y tiens plus que tout ! L'idée de ne plus le voir ou que quelqu'un le détruise se serait comme me tuer. Il faudrait que je le récupère et le cache, mais comment on fait pour cacher un escalier de huit mètres de haut et de plusieurs centaines de kilos.

J'avais réduit les antidépresseurs, mais j'ai quand même les oreilles qui bourdonnent et il va falloir que je réaugmente les doses.

Evan les fait taire. Il me presse la main et me dit que ça va aller, il me regarde.

Elvire gueule qu'il est trop faible.

Son père, dit que c'est à Evan de décider et qu'elle doit la fermer.

Bonjour la famille !

─ Nous allons passer à la Société, ergote le notaire épuisé, qui ne songe plus à faire semblant d'être amical.

La société était sur le terrain de la maison, donc le local appartient désormais à sa famille et pour les droits de la société, ils vont faire un découpage entre la ferronnerie et l'ébénisterie sur la base du chiffre d'affaires. Je ricane ahuri, de mon manque de chance ou de ma connerie : Depuis une année complète, j'ai levé le pied pour reprendre mes études d'histoire. Tom se réjouissait pour moi. Il adorait m'écouter quand je lui racontais mes cours.

Je me racle la gorge pour essayer d'expliquer mon problème : les comptes de la société sur l'année qui vient de s'écouler seront principalement de la ferronnerie. Je sens, quand j'essaye de me justifier en bafouillant, le regard agacé du notaire, celui désolé d'Evan et tous les autres victorieux.

Le notaire note dans un papier quelques mots avant de me répondre sèchement.

─ Le principe de séparation de la société sera juste et équitable ! grince t'il. On regardera les comptes sur la dernière année ! POINT FINAL !

C'est encore une balle en plein cœur. Il ne me restera même pas la société.

Je ne mens pas pourtant, quand je dis que Tom aimait me voir travailler. Il m'aimait, il m'a fait la cour plusieurs mois, il me l'a lui-même avoué. C'est tout bête, mais quand nous étions arrivés à Avignon, pensant lui faire une surprise je lui ai offert un repas Mac Do. J'étais persuadé qu'il aimait, mais non, il y allait uniquement pour me voir.

Une fois après la soirée d'halloween ou je l'avais embrassé il est arrivé au drive, nous n'avons eu que quelques secondes d'échange, mais cela m'a fait du bien. Puis il est passé régulièrement, et puis un soir alors que je fermais le restaurant je l'ai remarqué sur sa moto. J'ai supposé qu'il venait d'arriver.

─ Tu arrives seulement maintenant ? Les cuisines sont arrêtées !

Il est si sympa et je pouvais faire quelque chose pour lui.

─ Je vais te rendre heureux !

Je lui ai montré mon sac à dos, avec une vingtaine de burger raté qui allait à la poubelle, que j'ai récupéré pour chez moi. Il a rigolé et m'a raccompagné, quand il a vu ma chambre affreuse, il a grimacé, mais je l'ai prévenu je suis orgueilleux et ça m'allait. Il m'a serré dans ses bras, alors que nous n'étions pas encore ensemble.

Il voulait toujours me protéger et je le trahis en perdant l'escalier !

Mes amis m'ont pris un rendez-vous chez un avocat. Il se frotte l'arête du nez embêté et il me confirme désolé qu'il n'y a rien à faire. 

Nine & Tom [BL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant