c'était un soir de janvier, ceux où le temps est si froid que la neige menace de tomber. ce sont les pires soirs, pires que la tristesse et le véhémence de ceux de novembre. les soirs de novembre nous les passions ensemble, juste pour éviter de se noyer dans leurs pluies béantes. les soirs de janvier, eux, pleurent l'absence la plus immense et je pense à toi avec une douleur que tu m'aurais intimer de feindre.
les soirs de janvier sont les derniers que nous ayons passé ensemble et ils ne laissent que des souvenirs doux amer et un goût d'inachevé. j'ai tout envoyé balader, j'ai tout gâché, je t'ai laissé t'effacer. les soirs de janvier sentent très fort l'odeur de l'essence et j'ai les sens déboussolés rien que d'y penser. les soirs de janvier puent la mort et les flingues déchargés. je hais les soirs de janvier, je les hais encore plus que les dimanches soirs ou ceux de novembre.
un soir de janvier encore plus triste que les autres, j'ai écrit ton prénom sur ma peau. et j'ai regardé le sang couler. un sang rouge, noir, bleu ou bien gris — je ne sais pas de quelle couleur est mon sang. comment savoir ? je l'ai longuement regardé couler et j'ai cru que j'allais mourir d'ennui à force de le regarder ; j'ai cru que j'allais mourir.
tous les soirs de janvier — ou n'importe quel autre soir — je nous revois encore, assis à même le sol sur le petit balcon de notre appart. on contemplait le soleil décliner peu à peu. il ne faisait même pas noir mais on regardait le ciel en attendant que la nuit nous tombe dessus. c'était triste mais c'était avec toi donc je disais rien ; j'aimais être avec toi, ça me suffisait. tu étais une étoile, un soleil, une direction et pourtant j'ai fini par te perdre.
tous les soirs de janvier — ou n'importe quel autre soir — je te revois allongé sur le canapé, une clope à la main, me servant de modèle à ton insu. je te dessinais ou te prenais en photo, au gré de mes futiles envies. j'enregistrais tous les plus petits détails — les plus beaux — les veines de tes mains, de tes bras, les cicatrices sur ton torse, tes grains de beauté, les quelques boutons d'acné qu'il te restait sur les joues, tes plus sensibles battements de cils. je me nourrissais de cette sainte beauté que même les dieux jalousaient. enfin, je ne crois pas en dieu mais toi si et je suis sûr que les dieux en qui tu croyais étaient jaloux de ton visage angélique, de ton corps parfait.
tous les soirs de janvier — ou n'importe quel autre soir — je te revois et je pleure. je pleure et j'écris ton prénom partout, je le grave dans les murs et sur les meubles. je l'imprime et le colle dans les rues et dans les cœurs. je le dis, je le hurle et il résonne dans paris, dans la vie. je le vis ton prénom, je le souffre aussi et le sang coule mais je me sens tellement plus vivant. ton prénom devient mien, tu redeviens en moi et je me sens de nouveau heureux ; rien qu'une seconde.
maintenant, tous les soirs de janvier — ou n'importe quel autre soir — je te revois et je pleure. je pleure parce que tu es mort un soir de janvier.