Chapitre 12

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On traine une bonne heure au bar, ou peut-être encore deux ou trois heures pour finir nos verres – et surtout en recommander. On s'est mise d'accord sur la marche à suivre, et je me félicite qu'on soit toutes sur la même longueur d'onde. Pas de grosse reloue en vue pour casser l'ambiance, elles sont de mon côté : à savoir, me trouver une solution. Et ça, c'est drôlement agréable. Ma sœur aurait freiné des cinq jambes – elle en aurait récupéré une en plastique pour le mimer – si elle avait été là.

Parce que notre plan, faut le dire, il est carrément foireux. Déjà parce qu'on doit rencontrer dès le lendemain soir le type à l'allure d'enfant – dixit Elisa – susceptible de nous aider. D'après elle, il sait tout faire et roule sur l'or, et en plus, c'est un « être puissant ». On a bien essayé de lui tirer les vers du nez pour en savoir plus, mais elle nous a dit qu'elle préférait attendre qu'on y soit pour nous prévenir. Ça sent l'entourloupe grave, mais comme elle l'a si bien dit « Si je vous préviens maintenant, vous risquez de tout faire capoter parce qu'il n'aime pas qu'on sache sa nature : donc s'il vous la dévoile, ce sera de son fait. Si je vous en parle maintenant, je nous mets toutes en danger... ».

Ah ça c'est clair que ça nous met dans de bonnes conditions ! Mais comme je suis à peu près prête à faire absolument tout et n'importe quoi... Inch'Allah comme on dit.

Ambre a grincé des dents aussi, avant de s'avouer vaincue face au regard apitoyé d'Elisa. Elle lui a sorti le coup flingueur du « tu ne me fais vraiment pas confiance ? ». Je crois qu'à partir de là, on peut se dire qu'elles sont définitivement amie étant donné qu'Ambre a capitulé. Non sans ajouter, toutefois, une menace bien sentie du type « S'il nous arrive un truc, assure toi que je ne puisse pas revenir d'entre les morts pour t'en faire baver ». Phrase qui m'a fait visualiser une Ambre en pleine séance de striptease pour « faire baver » Elisa.

Si si, tout va bien dans ma tête.

Ce que j'aime avec le Old Rabbit Club, c'est qu'il est vraiment à deux pâtés de maisons de chez nous. Pratique pour rentrer bourrer. Enfin, bourrée, du coup, je suis la seule à l'être quand on prend le chemin du retour. Heureusement pour moi, Elisa se fait une joie d'accompagner ma chorale de Noël – totalement fausse et hors période, au passage – en me soutenant d'un bras passé sous le mien, tandis qu'Ambre déblaye le passage devant nous. Traduction : elle s'assure que les gens changent de trottoir pour éviter à Elisa de me faire prendre des slaloms.

Je ne pense pas avoir bu à ce point-là, mais Ambre est tatillonne quand il s'agit de prendre soin de moi – ou d'Elisa, en fait.

C'est peut-être la raison pour laquelle elle se dresse, ténébreuse dans ses vêtements sombres, pour se confronter à une silhouette nous bloquant l'accès à chez nous. Je la reconnais avec un temps de retard en me penchant pour dégager Ambre de ma vision.

Aaron.

Les deux loups-garous s'observent en silence. Ils doivent communiquer à coup de message magique parce que ça dure au point que même Elisa commence à s'agiter à mes côtés. J'essaie de l'entraîner pour doubler Ambre, mais elle me stoppe aussitôt. Mais c'est quoi ce bordel ? Ambre et Elisa adorent Aaron, pourquoi est-ce que tout à coup elles m'empêchent de le voir ?

Alors que je m'apprête à ouvrir la bouche pour saluer Aaron, celui-ci détourne enfin son regard en soupirant, avant de passer une main dans ses cheveux que je sais diablement doux.

— Si c'est pas ce soir, c'est demain, dit-il.

Demain quoi ?

Le dos d'Ambre se détend. Elle hoche la tête et passe devant lui en le lorgnant de côté avec une expression que je définirais comme belliqueuse si je me souvenais de ce terme.

Little SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant