Chapitre 13

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On s'endort telle une portée de chatons les unes sur les autres et je passe l'une de mes meilleures nuits depuis belle lurette. Alors non, je ne suis pas restée humaine, mais comme les filles ont oublié de m'attacher et qu'elles ont dormi sous leur forme Anam Cara – c'est-à-dire que leur louve ont pris la place – , la mienne s'est jointe à la partie. Autant la tigresse qui vient squatter mon corps est aussi délicate et agréable qu'un buffle en rut – non je n'ai pas la moindre idée de leur degré de gentillesse, mais je trouve que l'image la représente bien - , autant les rares fois où c'est la louve, on est décidemment plus à détendu.

Elle n'essaie pas de manger les whippets ni de croquer mes amies. En fait, cette nuit là, elle s'est contenté de dormir paisiblement une partie de la nuit ; au matin, elle a fait un tour dans le salon, a uriné sur un coussin du canapé et mastiqué un coin de table. Ça aurait pu être pire.

Quand j'ai repris connaissance, Ambre était levée, Elisa partie à l'université, et j'étais vautrée au milieu d'un paquet de céréales éventré. En levant les yeux sur Ambre attablé au bar de la cuisine, elle s'est contentée d'hausser les épaules en me disant que je lui avais arraché le paquet des mains.

— Comment allait Elisa ? demandai-je en prenant la direction de ma chambre pour ne pas me balader cul nul devant ma coloc.

— Mieux. Je crois. Elle a refusé d'en parler.

Je grimace. Puis mon regard accroche le reveil de ma chambre et je pousse un crie.

— Joder, t'as vu l'heure ?! Je suis en retard, t'aurais pu me réveiller !

— Comme si c'était facile, marmonne mon amie en plongeant son nez dans son bol.

Je me prépare en quatrième vitesse, repasse par la cuisine, embrasse bruyamment la louve-garou sur la joue et récupère mon sac à bandoulière pour m'expulser hors de l'appartement.

— On se tient au courant pour ce soir ! hurlé-je à ma coloc avant de dévaler les escaliers sans attendre de réponse.

Mon téléphone en main, je réalise en lisant mes notifications que je n'ai pas de message d'Aaron, avant de me rappeler qu'il a pris un vol de nuit la veille. Mon estomac se tord, puis revient à la normale. Son absence ne pourra que me faire du bien.

Je débarque à la galerie avec trente minutes de retard et trouve porte close. Immédiatement, je suis persuadée que mon patron l'a fait exprès. Mais les lumières à l'intérieur sont toutes éteintes. Même en gardant la tronche collée contre la vitre, je ne repère pas le chien noir. Après deux appels téléphoniques à Volk qui restent sans réponses, je me demande s'il fait vraiment exprès pour me punir. Ce serait totalement son genre, tiens.

Nerveuse, je fais du surplace en vérifiant régulièrement que mon boss ne me guette pas vicieusement de la boutique, puis me fait une raison. En grommelant contre son caractère de cochon, je me dirige à pied vers le Starbucks le plus proche pour acheter deux grands mugs. Ignorant ce que mon patron peut bien aimer, mais désireuse de me racheter, je lui prends quelque chose de chaud et sucré, avec beaucoup de caramel et de chocolat. Au pire, c'est moi qui le boirais.

En retournant devant la galerie, je découvre une grosse berline noire à l'arrêt devant la porte, moteur en route, sans warning, qui ne semble pas plus préoccupée que ça des vélos et autres automobiliste obligés de la contourner. J'approche lentement en me disant qu'avec de la chance, on ne me remarquera pas. Mais bien évidemment, une fois à niveau des portières, une vitre teintée à l'arrière s'abaisse. La femme chic de la dernière fois, dont j'ai oublié le nom, m'interpelle :

Buongiorno Piccolina.

Je lui jette l'équivalent du regard dédaigneux par Ariel De Soto, qui n'a pour autre effet que la faire rire. Je hais son rire, il crise comme sur un tableau. Je n'aime pas cette femme, sans pouvoir me l'expliquer. Ah, si : sa condescendance. Je ne peux même pas lui échapper étant donné qu'à nouveau, la porte de la galerie refuse de s'ouvrir.

Little SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant