Chapitre 22

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Voici un chapitre que certains attendaient... bonne lecture ;) 

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L'obscurité laisse progressivement la place à un décors sans ciel, à la luminosité rasante et irréelle, comme si l'on avait ajouté un filtre nocturne sur une scène en plein jour. J'écarte les herbes plus hautes que moi, à la manière de champ de blé. Elles ne font aucun bruit en ployant sous mes mains qui les repoussent pour que je me fasse un passage.

Je connais cet endroit. Parfois, j'arrive à l'éteindre dans mes rêves. Je l'appelle le passage vers le Cosmos. Je ne suis pas dedans, mais j'ai conscience d'en être proche : si je lève les yeux vers la voie lactée, une impression de vertige me saisit et je me sens comme tractée. Si je me laisse embarqué, je finis invariablement dans le maelstrom du Cosmos.

J'évite, donc.

De toute façon, ce qui m'intéresse se trouve ici. Cet environnement appartient à Grincheuse, la lionne au caractère bien trempé. Je me plais à penser qu'il s'agit du lieu où elle vivait, quand elle avait encore une enveloppe sur terre. Les croyances des garous émettent l'hypothèse que leurs Anam Cara sont l'esprit animalier d'animaux ayant existé. Quand on naît garou, on fusionne avec un animal aussi jeune que nous : je suppose donc que ce sont des petits mort-nés, ou pas loin. On ne le saura sans doute jamais puisque les Anam Cara ne communiquent pas par la parole, et qu'ils ne se souviennent pas d'une vie qu'ils n'ont pas vécu.

Par contre, ceux qui deviennent garou plus tard, comme moi ou Ambre, on récolte des esprits – ou âmes, allez savoir – animales adultes, qui ont eu une vie avant nous. Grincheuse en est l'exemple parfait. Je suis sure qu'elle était une terreur dans sa première vie, d'où sa personnalité si... antipathique.

Mais je ne perds pas espoir de me lier d'amitié avec elle. Raison pour laquelle je me retrouve ici, à chercher entre les buissons une silhouette reconnaissable.

J'aperçois un mouvement sur ma droite. J'ai à peine le temps de me retourner pour faire face au danger qu'une masse gigantesque m'atterrit dessus. Je pousse un glapissement en basculant en arrière. On ne sent pas la douleur ici, puisqu'on est dans un coin de ma tête, à la frontière entre le conscient et le subconscient. Par contre, mon cerveau arrive à se persuader que j'ai mal, le con ! De la même manière qu'il m'informe qu'une langue horriblement rappeuse vient de traverser mon visage sur toute sa longueur pour y déposer une bave gluante.

J'essaie de repousser la masse qui m'écrase, mais ne parvient qu'à manger des poils. Bordel de cerveau qui fait de l'excès de zèle avec des détails inutiles !

Je mets encore quelques secondes supplémentaires pour comprendre d'où vient l'agression : un lion – et non une lionne – me prend pour son tapis – ou son lit. Un lion que je reconnais sans mal. Celui-là même qui cohabite avec Raad.

— Tu m'écrases, Grominet ! ronchonné-je en essayant sans succès de le déloger.

Plutôt que s'en aller, le lion se couche sur moi. Son ventre couvre presque tout mon corps et ses coudes me rentrent dans les côtes. Le monstre pèse une tonne, et il est sur mes putains de poumons, l'abruti !

— C'est pas vrai, Raad, rappelle ton chat avant que j'en fasse mon sac à main ! Raad, je sais que t'es là !

Impossible que l'Anam Cara de Raad soit présent dans ma tête sans son humain. Les deux sont indissociables.

J'en ai confirmation quand j'entends un rire derrière moi. Ma tentative pour me tordre le cou n'a pas grand effet, et mon souffle disparaît de ma poitrine quand le lion ne trouve pas meilleure idée que de se frotter contre mon ventre de son énorme de tête. Comme si j'étais un plaid duveteux. Lui, par contre, me ferait une très belle peau quand j'en aurais fini avec lui !

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