Debout sur la voie, je le regardais dans les yeux, les rails non loin de nos pieds. Je pouvais deviner son souffle saccadé, malgré la distance qui nous séparait. Aucun nosait parler, de peur que nos mots ne fassent écouler le temps plus vite que nous le voudrions. Le soleil était déjà endormi, alors que nous défions lastre de la nuit de rester éveiller aussi longtemps quil puisse lêtre. Cette nuit était de couleur bleue univers, mais dun espoir aussi sombre que puisse lêtre les quelques morceaux de verres noirs provenant sûrement de bouteilles brisées. Un silence pesant flottait autour de nous. Seul le claquement des gouttes de pluie se faisait entendre dans la gare comme à son habitude déserte. Entre les rails, à environ une dizaine de traverses plus loin, il savança dun pas lent jusquà nêtre plus quà neuf traverses devant moi. Nos regards nont cessé de se confronter, de se dédire puis de se dévorer. Il mit fin à notre transe en relevant la tête vers le ciel. Ses yeux furent frappés de plein fouet par les gouttes deau se posant violement sur son visage si pâle mais aux joues rosies par le froid hivernal. Il souffla bruyamment, et lâcha dans un murmure à peine audible :
-Alors cest comme ça que tu écris la fin de ton histoire ?
Son visage ne bougeait pas, telle une poupée, malheureusement au visage fissuré par le temps.
-Un auteur choisit toujours la mort de son personnage principal, jai choisi la mienne.
Je vis ses poings se serrer et sa mâchoire se contracter, avant dentendre un cri roque. Ses bras bougeaient au rythme de son âme, hurlant ses regrets à la Lune. Ses yeux se sont fermés et ses jambes fléchies. Il tremblait, et la température nétait point la cause de cet effet. Je nai stoppé de le regarder, je ne trouvais pas le courage ni la volonté me rétracter de cette vue. Je souris légèrement, avant de couvrir mes mains par lextrémité de mes manches, un geste devenu machinal. Une fois le silence revenu, il baissa la tête vers moi, avant de me regarder droit dans les yeux, bouleversant mon corps et mon être tout entier. Mes bras le long du corps, je fis comme lui quelque temps auparavant. Désormais il na plus que huit traverses entre nous.
-Laisse-moi écrire ma fin, sil te plaît.
-Si ta vie est un roman, quel est son genre ?
Je naimais pas quand il me répondait par une question, mais cela ne la jamais arrêté. Je souris à celle-ci, tout ceci me donne une impression de déjà-vu.
-Une tragédie
Il baissa la tête, abandonnant mon esprit et la possession de chacune de mes pensées. Le sourire disparu de mon visage, et mes larmes naissaient dans lanonymat, noyées par la pluie inondant mon visage blême.
-romantique.
Il releva le regard brusquement dans ma direction, une lueur despoir se dessinant sur son visage. Je lui souris faiblement, mais sincèrement. Il pencha la tête sur le côté. Ce simple geste me fit sourire de plus belle, comme si toutes les merveilles du monde soffraient à moi, juste sous mes yeux.
-Ququoi ?
Il balbutie ses mots, ne comprenant pas directement leur signification. Il savança. Huit. Sept. Six. Cinq. Quatre. Trois. Deux. Au fil de sa démarche, ses pas devenaient de plus en plus précipités, il assimilait mes paroles, jusquà sarrêter dans son élan, se demandant si mes mots prononcés jadis nétaient quillusion. Cette fois, cest à moi de faire le dernier pas, je pris une grande inspiration avant de marcher lentement vers lui. Il ne resta plus quune traverse entre nos deux êtres. Nos bras restaient fixes, le long de nos corps. Lidée de lier nos mains me traversa lesprit, mais disparu vite, cela nétait point dans nos habitudes.
-Tu as changé mon histoire, tu la réécris. Merci davoir participé à ma tragédie romantique. Grâce à toi jai eu un beau récit, Owen Laytern.
Cest toujours à la fin de lhistoire que le personnage principal se rend compte de qui il est vraiment, ainsi que limportance de son existence dans ce monde. Et si, selon Molière, les commencements ont des charmes inexprimables, selon moi, les fins ont le mérite dêtre vécues.
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Mon histoire mal écrite
Romance"Alors je plaide coupable. Tu sombres avec moi dans mon procès. Car c'est de ta faute si mon chapitre se transforme en romance à l'eau de rose. En plus, c'est de ta faute si mon point se retarde sans arrêt, puisque c'est de ta faute si j'ai encore e...