Chiche

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Le lendemain je suis retournée en cours, cette fois en avance pour éviter des croiser Grace. Elle n'a cessé de m'appeler hier. Mais je ne voulais pas décrocher. Je voulais que les paroles de ma mère soient les dernières choses que j'ai entendues avant d'aller me coucher. Et c'est ce qu'il s'est passé. Je n'ai pas écouté de musique, pas allumer la télévision. « Je t'aime tellement ». Cette phrase tournait en boucle dans mon esprit et je priais pour qu'elle n'en ressorte jamais. Et ce fut le cas ce matin. Au réveil je me souvenais encore de cette phrase. Mais le temps qui défilait floutait peu à peu son intonation pour la réduire en souffle presque inaudible.

Ma première matière de la journée est la philosophie. C'est drôle, de Freud à Descartes, personne ne parle de l'importance de notre histoire sur nous-même. Ils évoquent le temps, les sciences, notre inconscient... Mais jamais l'écriture volontairement de nos chapitres. Si Freud a raison, alors mon histoire ne m'appartient pas entièrement. Elle est écrite non pas par mon seul Moi mais également par mon Ca qui fait attention de choisir les bons mots pour ne pas heurter la société, et par mon Surmoi qui récite ses fantasmes à travers des insinuations inconscientes, des lapsus ou des phrases que je ne peux lire. Pourtant, à travers tout cela, j'ai l'impression que les topiques de Freud sont en harmonie avec mon histoire, que le Ca accepte les mots du Moi, et que le Surmoi respecte leurs volontés. J'aime cela.

Je n'ai pas le temps de noter la dernière phrase dite par mon professeur que la cloche sonne déjà la fin du cours. Je souffle car le cours d'après ne me plait aucunement : mathématiques. Je n'ai jamais été une grande scientifique. Etant plus jeune, je souhaitais devenir médecin ou astronaute. Alors j'ai travaillé. Mon père m'a acheté des manuels de médecines, des dictionnaires sur le vocabulaire médical... Mais tout cela me paraissait hors de portée. Et puis, pour devenir astronaute il faut avoir beaucoup de qualité que je n'ai pas eu l'envie de développer étant plus petite. J'avais pensé à devenir ingénieure en aérospatial, mais la physique était une grande barrière à ce but. En somme, les sciences ne m'ont jamais aimé, et cette haine se voit réciproque. Cependant, mon père était ingénieur, alors il me donnait des cours, m'expliquer les calculs que je ne comprenais pas et m'encourager dans chaque nouvelles voies envisagées. Malgré sa lâcheté, il a été un bon père pendant quelques temps.

Dans le couloir, j'accélère le pas pour ne pas faire face à Grace. Sauf qu'elle me connait par cœur et malheureusement elle avait prévu mon détour par les laboratoires de chimies pour l'éviter. Je la trouve adosser près de la porte de la salle n°3. Je souris. On avait biologie dans cette salle ensemble l'année dernière.

-Tu n'as jamais été très forte au cache-cache Hope.

-Pourtant au loup je te battais à plate couture.

-Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ?

-Je n'en sais rien, les circonstances de notre rencontre n'étaient pas favorables à l'annonce d'une bonne relation.

Elle me transperce de ses yeux verts, en les plongeant dans les miens.

-Je savais que votre histoire de rencontre sur internet était bidon. Tu n'acceptes jamais les inconnus, surtout les garçons.

Elle avait raison. La Hope d'avant le faisait. Puis cette même Hope a rencontré un garçon qu'elle a accepté en quatrième sur une application. Il l'a manipulé, l'a fait espérer alors qu'ils ne se sont jamais vus. Alors la Hope d'aujourd'hui s'est promis de ne plus le faire. Mais j'aurais dû me souvenir que cette promesse je l'ai tenu à Grace. Car c'est elle qui a du me ramasser à la petite cuillère quand il s'en est allé. Et c'est elle qui m'a dit qu'accepter les gens que l'on ne connaissait pas était trop dangereux. Une promesse du petit doigt plus tard, et je ne le fis plus jamais. Ironiquement, la Grace de maintenant accepte toutes les demandes d'amis qu'elle reçoit. Mais pour la plupart, c'est pour en tirer profit comme collecter des informations sur ces personnes pour mieux les cerner, ou encore pour leur jouer des tours si l'occasion se présente. C'est le genre de personne à aimer rendre justice soi-même. Elle m'a toujours impressionnée pour cela. Elle sait se venger, tout en ne dépassant pas les limites du respect ou de l'illégal. C'était ma sœur de cœur. La personne que l'Univers a mise sur ma route, ma deuxième famille. C'est elle et moi contre tous. Elle et moi contre ce lycée, contre cette ville et contre le monde. C'est elle depuis le début.

Mon histoire mal écriteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant