Chapitre 17

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Dunkerque — Cinq mois plus tard.

Le soleil cogne fort aujourd'hui. Je regarde ma montre pour la dixième fois en l'espace d'un quart d'heure : il est 09h25. Eh non... perdu. Les aiguilles ne reculent toujours pas. Pourquoi suis-je venu déjà ? J'en suis à mon deuxième chocolat-chaud et je n'ai toujours pas réussi à me calmer. Mes mains deviennent de plus en plus moites, si bien que je passe mon temps à les essuyer contre mon jean.

La terrasse est pleine. Les serveurs se démènent pour satisfaire les aoutiens anglais qui envahissent la cité de Jean-Bart à cette période de l'année. Cafés, thés, crêpes, viennoiseries s'entrecroisent dans un défilé ininterrompu de plateaux et d'assiettes.

Elle me manque, c'est indéniable, mais je ne me sens pas encore prêt à la revoir. Que pourrais-je bien lui raconter ? On ne peut tout de même pas discuter de la pluie et du beau temps, pas après tout ce que l'on a vécu.

« Bonjour, me dit-on d'une voix fébrile. »

Je relève la tête de mon café et manque de faire tomber ma cuillère. Claire se tient devant moi, encore plus rayonnante que dans mes souvenirs. Elle porte une robe d'été rouge à motif fleuris, assez courte pour laisser entrevoir ses jambes et au décolleté suffisamment éloquent pour ne laisser aucune place à l'imagination. Son maquillage discret met en valeur ses hautes pommettes, ses lèvres pleines et ses iris d'un vert intense. Elle n'a rien perdu de son talent, elle sait toujours comment s'apprêter pour me faire défaillir. J'en oublierais presque la raison de notre rupture.

« Bonjour, je suis content de te voir. Je t'en prie assied-toi. »

Je distingue un léger tremblement au moment où elle tire la chaise opposée pour s'y installer. Sans doute ne suis-je pas le seul à stresser de cette rencontre.

« Tu m'attends depuis longtemps ?

— Non, je viens d'arriver. »

Je vois bien qu'elle n'en crois pas un mot, qu'elle a remarqué ma tasse presque vide, mais elle passe tout cela sous silence.

« Je te remercie d'avoir accepté de me voir. J'espère que ça nous permettra de repartir du bon pied.

— Je préfère te couper tout de suite, Claire. Si je suis venu, ça n'est pas pour que nous nous remettions ensemble. »

Elle cille, son sourire s'efface l'espace d'une seconde. Puis, son visage retrouve sa bonne humeur habituelle, comme si m'a remarque ne l'avait jamais affecté.

« Ce n'est pas ce que je te demande. »

Elle se tait au moment où le serveur approche pour prendre notre commande. Je reprends un chocolat-chaud, elle prend un thé.

« Tu me manque, me dit-elle en posant sa main sur mon bras après que le serveur se soit éloigné.

— Claire...

— Non, attends. Laisse moi finir s'il te plaît. »

Ses yeux se fondent dans les miens. Ils me partagent un millier de paroles muettes. Certaines choses ne pouvaient plus être dîtes, elles ne le méritaient plus. Seulement, les yeux ne savent pas se taire...

« Je t'ai blessé, je le sais. Je m'inquiétais pour toi mais ça ne me donnait pas le droit de faire ce que j'ai fais. »

Elle ne tient pas en place, se frotte vainement les mains l'une contre l'autre dans l'espoir de se calmer. Je ne l'ai jamais vu aussi vulnérable. Je ne dois pas céder à mon envie de la prendre dans mes bras.

« Pour tout ça, je te présente mes excuses, ajoute-t-elle, la voix encombrée d'un sanglot.

— Je sais que tu ne pensais pas à mal en agissant ainsi, mais je suis incapable d'oublier. Crois-moi, j'ai essayé. J'ai vraiment essayé.

Pour que tout nous sépare.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant