Chapitre 20

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La conversion se poursuis jusqu'à l'heure du dîner. Dans quel traquenard suis-je encore tombé ?

Je souhaitais rentrer chez moi au plus vite, mais je me retrouve à feuilleter les vieux albums de Liliane. Les anniversaires, les réveillons de Noël, les balades en forêt, les mercredi jeux de société... Tous ces clichés, collés dans des albums religieusement conservés dans une malle au grenier, témoignent de son goût, un poil trop prononcé, pour les Polaroïd. La moindre occasion était bonne pour sortir l'appareil. Je ne compte plus le nombre de fois où son flash m'a ébloui.

Ce regain de nostalgie ne nourrit qu'un seul but : gommer mes traumatismes... ou plutôt ceux de Liliane. Tout n'est que spéculation, mais je suis prêt à mettre ma main à couper qu'elle souhaite me raccrocher à quelques bons souvenirs. Ils existent, c'est indéniable. Je ne fais pas la gueule toutes les photos.

Pour être honnête, cette soirée me fait beaucoup de bien. Délier les langues, laisser ce flot vérités s'échapper, allège mes épaules d'un fardeau trop longtemps supporté. Qu'il est doux de connaître cette sensation, celle de mon cœur qui ne cherche plus à s'échapper de ma poitrine. À présent, il bat calmement la mesure, ne sursaute plus au moindre bruit. Pour la première fois depuis des années, je sais que je dormirais à point fermé.

Le livreur sonne à la porte. François revient les bras chargés de pizzas. L'odeur alléchante du fromage fondu et des pepperonis a raison de mes dernières velléités de fuite.

Je ne repars que tard dans la nuit. François me raccompagne car le médecin m'a déconseillé de prendre le volant, et ma voiture n'est probablement plus en état de rouler. J'ignore d'ailleurs où elle se trouve, mais je m'en inquiéterais demain. J'ai déjà suffisamment de choses à penser.

« C'était important pour Liliane, me confie-t-il. Merci d'être venu.

— Nous avions besoin de nous expliquer, de mettre les choses à plat. Maintenant, nous pouvons repartir du bon pied pour le peu de temps qu'il me reste. »

Serait-ce une pointe de tristesse qui parcours son visage ? Fugace, au point de me faire douter qu'elle n'ait jamais existé. Le visage de cet homme est ainsi fait. Il ne trahit que rarement ses émotions, matérialise à merveille la réserve et la prudence avec lesquelles il témoigne son affection. Seule Liliane parvient à voir au travers. Elle comprend la réelle signification de ses silences, de ses regards appuyés, et de sa pudeur lorsqu'il lui dit « je t'aime » au travers d'un « tu as bien dormi ? ».

« Comment tu vas ? »

Je saisi la réelle portée de cette question : Où en est ma maladie ? La pitié qui hante ses yeux ne saurait être plus explicite, quand bien même serait-elle indiqué au marqueur sur son front.

« Ça va. Quelques nausées par-ci par-là, mais les réels symptômes n'apparaîtront pas tout de suite.

— Et tu vas faire quoi maintenant ? Tu as des projets pour les semaines à venir ? »

Je repense à Claire, au sentiment d'urgence qui m'avait enjoint à presser l'accélérateur.

Que le destin se mette en travers de ma route, je le défierais de me stopper. Que la chance me quitte, je redoublerais d'efforts. Que l'univers m'envoie ses plus beaux signes, je les ignorerais. Rien ne m'empêchera de la retrouver, si ce n'est la mort.

« J'ai quelques trucs à régler. »

François ne tente pas d'en savoir davantage, il comprend que je ne souhaite pas m'étendre sur le sujet.

Le reste du trajet s'écoule sans un bruit. Mes paupières sont lourdes... Je lutte pour qu'elles ne se ferment pas, mais leur insistance a raison de moi : je leur accorde quelques secondes de repos.

Pour que tout nous sépare.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant