Chapitre 15

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Un seul de ses bras passé autour de mes épaules, et c'est toute ma volonté qui s'évapore. Pourquoi est-ce que je n'arrive jamais à lui tenir tête ?

Elle m'emmène rejoindre ses amis sur de grandes couvertures étendues à même le sable. L'apéro qui s'y tenait avait très vite tourné à la beuverie. Je le devine aux hommes et femmes ivres mort incapables d'articuler des mots de plus de trois syllabes. Ils nous accueillent avec quelques grognements, tandis qu'une demie-douzaine d'esprits toujours alertes se contentent de me dévisager.

Claire nous suit, visiblement mal à l'aise. Comment pourrait-il en être autrement ? Eloise s'avère bonne actrice quand elle le souhaite. Un sourire timide par ci, un compliment par là. C'est clair que le masque qu'elle porte est peint avec une extrême méticulosité. Seulement, il suffit d'y regarder de plus près pour discerner toutes ses aspérités et avant que même que l'on puisse s'en apercevoir, il se fend puis se brise. Claire l'a probablement remarqué : c'est une femme perspicace.

« Les amis, je vous présente mon p'tit froussard.

— Salut le p'tit froussard » scandent-ils d'une seule voix.

Je me raidis au contact des doigts de Eloise le long de mon dos. Cette simple approche se révèle encore plus douloureuse que la flamme d'un briquet contre ma peau.

« Eloise, je ne peux...

— C'est le gamin que mes parents ont recueilli. J'ai grandit avec, donc c'est un peu comme un petit frère pour moi » me coupe-t-elle.

Mon estomac fait de drôles de bruits. Voilà que même mon corps la rejette. Serais-je devenu allergique à Eloise ? Ce serait une bonne excuse pour ne plus la revoir et m'épargner la corvée des repas de « famille ».

« Donc, les potes, le petit frère. Le petit frère, les potes. »

J'ai le droit à quelques signes de la main, des hochements de tête, et des sourires en coin, rien de plus.

« Eloise, je ne vais pas pouvoir rester.

— Tu plaisante ! Tu sais bien que tu ne peux pas partir avant que je ne t'en donne l'autorisation. »

Les souvenirs de toutes ces nuits m'assaillent. Je redeviens ce gamin craintif, planqué sous sa couette. Ai-je seulement cessé de l'être un jour ?

« Il doit me raccompagner, intervient Claire. Nous sommes venus ensemble et je ne dois pas rentrer trop tard. Je commence le boulot de bonne heure demain matin.

— Vous avez bien le temps pour un shot, non ? Pierre qu'est-ce qu'il nous reste ?

Elles se toisent avec tant de hargne que je sens des frissons remonter le long de ma colonne. Je connais ce regard qu'affiche Eloise, et il n'annonce jamais rien de bon.

Claire se saisit de ma main. Je sursaute. Elle sort son téléphone portable, déverrouille l'écran et le tourne vers moi.

« Tu as vu l'heure, il faut absolument que l'on y aille, tu ne crois pas ? »

J'aurais tellement aimé qu'elle ne voit jamais cette facette de ma personnalité. Je suis pitoyable. Incapable de m'opposer à celle qui m'a terrorisé toute mon enfance, qui m'empêche, encore aujourd'hui, de dormir sans une veilleuse.

« Désolé, Eloise, mais on ne va pas pouvoir rester. Ce sera pour une prochaine fois. »

Je ne lui laisse pas le temps d'ajouter autre chose et me détourne en emmenant mon héroïne du jour. Je lui tiens sans doute trop fermement la main, mais elle ne s'en plaint pas. Au contraire, elle entrelace ses doigts aux miens et me murmure après que nous nous soyons éloigné de quelques mètres :

Pour que tout nous sépare.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant