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A croire que la nouvelle faisait sensation. Je n'avais jamais encore vu autant de mes confrères rassemblés. Cela avait même attiré des journalistes nationaux, reconnaissables par leurs vêtements tirés à quatre épingles, et les locaux se mélangeaient à ces derniers en paraissant presque des clowns vêtus de leurs sweaters ou gilets décontractés. De mon côté, je me glissais parmi mes collègues, cherchant Johnson et Travis des yeux. A cette pensée, je percutais avec un pincement au cœur que le journaliste ne serait plus jamais parmi la foule. La réalisation fut étrange, et je me rappelais des obsèques auxquelles j'avais assisté, après que sa famille n'est récupéré son corps. Cela me fit penser à sa femme, qui avait été libéré grâce à son talentueux avocat qui l'avait fait passer pour déranger psychologiquement, permettant aux lourdes charges pesant sur elle concernant la complicité de meurtre avec son mari de disparaître. J'ignorais si sa femme et ses enfants étaient comme lui, des déviants. Je secouais mon visage, certainement livide à cause de cette divagation. Ce fut comme une prise de conscience, ou plutôt une claque. Je réalisais que mon monde devenait plus fou qu'avant, et que je m'adaptais étrangement bien. J'avais pourtant passer onze années à lutter, nier, craindre.

« Tu en tires une tête, déclara alors Johnson en me tirant de mes pensées. »

Je redressais mon visage, m'apercevant que j'étais déjà proche de la bande adhésive tout autant que l'était le flic. Je secouais mon visage, tentant de me reconnecter avec la situation actuelle. J'étais sur les lieux des faits, à quelques mètres de ceux-ci. Je voyais de loin les corps sous blouse s'activer. Je posais donc la question qui me brûlait désormais les lèvres :

« Le Fanatique ? »

Il haussa des épaules, jetant un œil par-dessus son épaule. Ses yeux sombres revinrent ensuite sur ma carrure, et il m'expliqua d'une voix basse pour ne pas échapper les informations auprès de mes confrères :

« Peut-être, mais quelque chose chiffonne Devon dans cette mise en scène. »

Il marqua ensuite une pause, me scrutant alors avec curiosité.

« Tu n'es pas censé ne pas être là ? Se rappela-t-il. »

Je ne pus retenir mon rictus. Ce fut donc mon tour de bouger mes épaules dans un mouvement évasif.

« J'étais le plus près, arguais-je. »

Il acquiesça, non sans darder un regard sur moi. Il allait parler lorsqu'il fut interpellé par l'un de ses collègues. Il ébouriffa mes cheveux avant de s'en aller. En quelques pas, je ne perçus plus que son dos musclé.

***

La conférence était déjà bien entamée, et comme mes collègues, je notais les premières informations et en relayais sur les réseaux sociaux. Ils n'avaient pas assurés la piste du Fanatique, même s'ils retrouvaient des similitudes avec ce dernier. D'après ce qu'ils disaient, on retrouvait cet intérêt pour les anciens rituels. Pourtant, rien ne permettait à cet instant d'assurer qu'il s'agissait de lui à cause d'une inscription qu'ils ne transmirent pas. Mes yeux se promenèrent alors sur l'assemblée, attentive ou pas. En même temps, nous avions déjà eu les informations nécessaires à l'article. Certains attendaient avec impatience l'instant réservé aux questionnements, et j'étais certains que beaucoup tenteraient de leur arracher de force des nouvelles piquantes. Ils se contenteraient d'une réponse particulièrement polie et politique avant de passer à une autre interrogation. Je rangeais donc mon calepin dans ma sacoche. Je commençais à tourner les talons quand un visage m'interpella. Je fronçais les sourcils, remarquant parmi la foule une vieille connaissance d'une des villes dans lesquelles j'avais vécu. La brune à la peau métisse, ses cheveux coupe afro, avaient toujours dénoté et attiré les regards. Je me faufilais donc parmi les divers inconnus, la rejoignant avec aisance. J'ignorais pourquoi, mais j'étais poussé à faire cela.

« Quelle rencontre inattendue, m'entendis-je dire. »

Deux perles verts d'eau se positionnèrent sur moi, et un lent sourire éclaira son visage. Marianna me dessina de ses yeux, articulant :

« Tu n'as pas changé, Axel.

-Je te renvoie le compliment, rigolais-je. Tu es détaché par la radio ?

-Un flic qui se fait trucider ainsi, ce n'est pas tous les jours. Personne ne peut louper une telle info, acquiesça-t-elle à sa manière. »

Elle avait toujours le don pour répondre en de longues phrases, comme jadis Kylie l'avait fait. Instinctivement, je portais ma main à mon portable que je déverrouillais. J'avais envoyé un message à mon amie d'enfance, m'assurant de sa sécurité. Je savais que cela deviendrait un TOC, mais je n'en avais que faire. Elle était vivante et rien ne me séparerait encore une fois d'elle. Je ne les avais pas tous perdu cette nuit-là, et je n'étais plus seul.

« Tu as l'air d'aller mieux, évalua alors Marianna en me tirant de mon inattention. »

Sa remarque me surprit, et j'arquais un sourcil.

« Tu n'observes plus autour de toi comme si quelqu'un avait prévu de te tuer, m'assura-t-elle. Ta position est aussi différente.

-Tu es toujours aussi effrayante, fis-je en imitant un frisson exagérément.

-C'est pour ça que tu adorais quand je te collais aux pattes, je suis sûre que tu as un truc pour les psychopathes. »

Je roulais des yeux, non sans sourire.

« Je ne suis pas comme toi qui adore Joe de You, lançais-je en me rappelant toutes ses comparaisons avec lui lors de nos passages sur les scènes de crime. »

Elle papillonna des yeux, jouant aux innocentes.

« Pensez-vous que l'inspecteur serait mort parce qu'il s'approchait de la piste du Fanatique ? Interrogea alors l'un des journalistes, captant ainsi notre attention. »

Alors que le policier répondait, Marianna ricana amèrement. Je posais alors un regard interrogateur sur elle, ayant oublié sa manie à être sarcastique dans ces moments-là. Elle venait de me le rappeler malgré elle. D'ailleurs, elle lâcha en se penchant vers moi :

« Peut-être qu'il était simplement trop gênant pour ceux qu'il visait... »

Je ne compris pas sa phrase, et elle ne me l'expliqua pas plus. Au contraire, elle se concentra d'abord sur la réponse puis leva sa main dès qu'ils cessèrent les échanges sur ce sujet.

Déviants - Nouvelle - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant