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Arriver dans les locaux d'un commissariat était habituel, mais ce n'était pas le cas pour ceux de la police scientifique. Même si on retrouvait des correspondances, l'ambiance et les attitudes semblaient légèrement différentes. Les muscles tendus, j'avançais aux côtés de Devon jusqu'à une salle d'interrogatoire. Je trouvais leur choix curieux, n'ayant été qu'un témoin. Or, d'après l'inspecteur en herbe, il s'agissait de la procédure. Devon se positionna devant la porte tandis que je sentis une main m'agripper le coude. Je me retournais pour découvrir Evans, qui m'avait quitté en cette matinée après avoir passé près de 24heures à mes côtés. Il m'avait assuré revenir pour l'interrogatoire.

« Tu as tenu parole, notais-je. »

Un sourire glissa sur ses lèvres tandis qu'un raclement de gorge nous força à observer le perturbateur :

« On y va ? Me pressa Devon. »

J'acquiesçais, et étais près à reculer lorsque la prise à mon bras se resserra.

« Ça ira ? Me fit Evans. Je serais dans la salle à côté si jamais...

-Je m'en sortirai, ne t'en fais pas. »

Il plaqua un sourire contrit sur ses traits, opina et me laissa enfin partir. J'eus le temps de voir le regard ennuyé de Devon avant d'entrer dans la salle qui n'était pas aussi sombre que ce que je m'y attendais. Elle était blanche, ressemblant à une pièce d'hôpital, et lumineuse grâce aux nombreux néons au plafond. George était déjà assis sur la table, un dossier sous son nez. Je fis un effort sur-humain pour inspirer sans déglutir, et me dirigeais vers la chaise libre face à Georges. Je m'y glissais, redressant mes mains sur la table et les y croisaient. Mes yeux passèrent outre mes lunettes, et je scrutais la forme de l'inspecteur.

« Bien le bonjour monsieur Freeman, lança alors Georges en même temps que Devon tira son assise.

-Cela fait longtemps, lançais-je. »

Habituellement, je l'aurais déjà croisé sur une autre enquête qu'il dirigeait. Il hocha son visage et je redressais légèrement mes lunettes sur mon nez, me forçant ainsi à démêler mes doigts. J'essayais tout de même de ne pas trembler, et de garder mon sang-froid. Je détestais être dans cette pièce, surtout que cela ne me rappelait aucun bons souvenirs. La dernière fois que j'avais été en de tels lieux, hormis l'égarement récent avec Johnson, remontait à onze années auparavant. Je me souvenais très bien des comportements des policiers, de leurs regards lourds de sens, de leurs soupçons.

« Vous connaissiez bien Travis, je ne me trompe pas ? Me rappela Georges. »

J'opinais, avant de m'éclaircir la gorge et d'expliquer :

« Nous sommes confrères. Nous nous sommes rencontrés sur une scène de crime dans le cadre de notre métier. »

Les deux hommes face à moi secouèrent positivement leur visage.

« Cela faisait combien de temps ? Me questionna le chauve bedonnant.

-Environ 3 ans. Je l'ai rencontré peu de temps après mon arrivée en ville.

-Vous venez d'une petite ville de campagne, n'est-ce-pas ?

-Exact.

-Pourquoi l'avoir quitter ? »

Mon palpitant s'affola légèrement et je dus me battre contre moi-même pour rester neutre.

« J'ai dû tout d'abord partir à cause des études. Ensuite, je n'y suis pas retourné parce que les opportunités sont souvent dans les grandes métropoles. »

Le bedonnant arqua un sourcil, souriant de manière suffisante.

« Je peux comprendre. Pourtant, je ne pense pas que cela soit la seule raison. J'ai fait quelques petites recherches sur vous, vous m'excuserez mais c'est la procédure. »

Mes prunelles passèrent de lui à Devon, qui restait indifférent. Il était attentif à l'échange.

« Votre nom est déjà apparu dans une affaire d'homicide doublé de kidnapping et possible séquestration. »

Ma respiration devint plus courte, et mes mains se firent moites. Je tentais tout pour ne pas m'agiter. Personne n'était au courant, jusqu'ici. Je ne voulais pas que cela change, et encore moins qu'Evans entende. Ce savoir changeait les gens, et surtout ne m'arrangeait pas.

« En effet, articulais-je difficilement.

-Vous êtes le seul survivant... ça doit être dur, déclara pathétiquement Georges. »

Je pris une vive inspiration, ayant soudainement des envies de meurtres. Ce connard était en train de jouer au méchant flic, en utilisant mon passé pour me faire craquer. Je ne devais pas rentrer dans son jeu. Ce fut pourquoi je me contentais d'acquiescer en silence.

« Onze ans plus tard, vous revivez une tragédie. J'ai remarqué qu'on vous avait soupçonné à l'époque. Peut-être faîtes-vous une récidive... »

Je notais le regard alors acéré que Devon gratifia à Georges tandis que mon cerveau analysa ce qui venait d'être dit comme au ralentit. Etait-il en train de m'accuser de meurtres sur mes amis mais aussi sur mon collègue ? Quand je percutais cela, mes tempes me lancèrent.

« Mais c'est quoi ce connard ! Gronda alors une voix féminine qui n'avait aucunement sa place en ces lieux. »

Je dus faire un effort monumental pour ne pas scruter par-delà mon épaule et tomber sur la forme fantomatique de Jessie.

« Tu vas pas laisser passer ça, hein Axe ?! S'étrangla-t-elle. »

De mon côté, je commençais à perdre les pédales. Mon palpitant accélérait, ma respiration se hachait et mon crâne me faisait mal. Comme mon être intérieur, tout semblait tendu à l'extérieur. J'avais l'impression d'entendre des grésillements, de sentir une énergie électrique étouffante.

« Vous aviez été, certes, exhorté de tous soupçons cette fois-ci. Or, c'est étrange comme vous attirez ces situations, non ? Me poussa Georges. »

Mes paupières se plissèrent tandis que je commençais à perdre patience. Comment osait-il me sous-entendre de telles horreurs alors même qu'il avait été témoin de ma crise dans l'ambulance ? Pourquoi me poussait-il ainsi à avouer un crime que je n'avais pas commis ?

« Il est vrai que nous n'avons jamais retrouver l'assassin. Souvent, pourtant, il est sous nos yeux, lâcha-t-il. »

Ce fut le mot de trop et je ressentis une énorme vague de chaleur et de tension en moi. Ma poitrine semblait se comprimer, mes doigts tremblaient et tout mon corps me tiraillait. Mon coeur, lui, claquait tellement fort dans la poitrine que j'avais l'impression qu'il sortirait de ma cage thoracique. Les grésillements se firent plus puissants et je notais deux pairs d'yeux observer la lumière qui buguait. Or, je m'en fichais. J'étais désormais verrouiller sur Georges, que j'avais envie d'étriper. Devon avait l'air d'avoir ouvert la bouche, mais je n'entendais plus que mes acouphènes et mon illusion de Jessie qui insultait de tous les noms le bedonnant. Je me relevais alors avec violence, faisant voler ma chaise et frappais des mains sur la table. J'avançais légèrement mon visage vers Georges, m'écriant :

« Vous osez bafouer mon nom et ceux de mes amis et collègues par la même occasion juste à cause de votre incompétence à trouver un putain d'assassin qui adore faire souffrir des innocents ! Quand vous réveillerez-vous et trouverez les bonnes conclusions à vos soupçons ?! »

Toute l'énergie en moi quitta alors mon corps, je sentis une pression fantomatique au niveau de mon épaule, et au même moment les néons explosèrent dans la salle. J'entendis alors des insultes, suivi de précipitation alors que des bouts de verre me tombèrent dessus. Je clignais plusieurs fois mes yeux, observant alors la table. C'était quoi ce bordel ? En redressant mon visage, quelqu'un d'autre m'observait avec étrangeté : Devon. 

Déviants - Nouvelle - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant