L'Histoire du Dr J. Stevens (Partie 2) [ShortList Watty22... -Edité-]

Chapitre 18 : Une croix pour Washington (époque : 2022)

Scotland Yard, Londres.

Jamais Jonathan Stevens n'avait vu Trudy Lona discuter autant. Les cheveux détachés, la cigarette en main, les mots qui défilent, le relâchement de la pression et la confiance sont visiblement de puissants conducteurs de conversation.

- Nous l'avons identifié grâce à son tatouage caractéristique. Il s'agit d'une forme de croix inversée.

Le Commissaire et le psycho-criminologue se regardent brièvement, avec ce même éclair d'intelligence dans leurs yeux.

- Une étrangère disparue, avec ce tatouage et ses affaires...

- Je vois, ses amis ont fait un signalement.

- Non, c'est un hôtel qui l'a immédiatement identifié dans nos multiples appels.

- Ah oui ?...

C. Naghten s'étonne machinalement en lisant le dossier.

- Célia Notae. C'est confirmé donc, une Américaine, encore.

- Oui, Commissaire.

- Pardon, Célia Notae vous avez dit !

J. Stevens s'étonne en arrachant les photographies et documents des mains du commissaire qui le laisse faire.

- Oui, répond surprise T. Lona. Vous connaissez ce nom Dr Stevens ?

- Encore une information qui se croise, comme c'est surprenant... rumine C. Naghten. Docteur, cette croix, nous sommes d'accord que c'est la même forme que ce que l'autre malade s'est gravé sur la peau ?

- Nous sommes d'accord... lui répond l'experte.

- Que faisait-elle ici ? disent de concert les deux hommes, le psycho-criminologue en alerte, le commissaire suspicieux.

- Apparemment, la victime était ici depuis très peu, aidée par des amies. A l'hôtel, ils nous ont informé qu'elle avait un nourrisson en arrivant, mais pas hier en partant. Peut-être l'a-t-elle laissé à ses connaissances dans le coin ?

- Une jeune mère ? s'attriste C. Naghten.

Il croise le regard de sa collègue. Elle considère longuement le psycho-criminologue toujours absent, livide, sous le choc, puis elle ajoute :

- Elle effectuait des recherches, paraît-il, à propos d'un psychologue américain qui aide la police sur une affaire de crimes.

Lona et Naghten regardent ensemble Stevens.

- Donc vous, Dr J. Stevens, dit froidement le commissaire. Pouvez-vous nous expliquer ceci ?

- C'est donc pour cela que vous nous avez immédiatement rejoint à l'extérieur. Je me demandais pourquoi il y avait un tel empressement à nous parler...

- A vrai dire, docteur, je préfère prendre l'air quand il ne pleut pas.

- Ces derniers temps, vous ne devez pas sortir souvent.

Il réfléchit, sort une nouvelle cigarette.

- Pourquoi voudrait-elle me retrouver ? Je ne l'ai vu qu'une fois il y a un an, sur l'autre continent.

- Un coup d'un soir qui traverse l'atlantique un an après pour vous retrouver ? T. Lona s'esclaffe. Soit vous êtes un sacré coup, soit votre rencontre n'était pas fortuite.

J. Stevens trouve la remarque pertinente. Cette évidence le déconcerte, comment n'y avait-il pas pensé ?

- Vous nous expliquez cette forme de croix tant que vous y êtes ?

- Ce n'est pas la première fois que je la vois. Jack Sallow l'a gravé lui aussi sur ses victimes.

- Le couturier ? Le célèbre tueur en série américain ? Vous êtes sérieux ?

- Le grand homme en noir, ce James Whedon, il avait aussi une croix tatouée derrière sa montre. Ce genre de détails ne m'échappe pas.

- Et vous voilà subitement rappelé et notre éventreur expatrié ? Tout cela dans le cadre d'une tentative d'assassinat politique...

- Mais j'imagine que ceci vous était destiné Dr Stevens...

Elle lui tend une partie du document de Jack l'éventreur appartenant à la victime.

- De quoi s'agit-il ?

Le Commissaire n'apprécie visiblement pas le manque d'informations. Il agit avant que le psycho-criminologue ne réagisse, toujours aussi perturbé.

- Pardon Commissaire. C'est une lettre retrouvée sur les lieux du crime, parmi les affaires brûlées. Elle appartenait à la victime, nous avons pu en récupérer une partie et scanner ce qui était possible. Cela nous a bien aider à croiser les informations et comprendre qu'elle était à votre recherche, Docteur.

- Mais qu'y est-il indiqué ?

- Des phrases sans aucun sens, d'autres avec son trajet, enfin sa recherche du Dr Stevens qu'elle connaissait. Merci Docteur de ne pas m'avoir menti.

- Vous souhaitiez vérifier l'authenticité de ma réaction.

- Absolument, répond-elle déterminée.

- Je comprends.

- Je m'en doute.

Il sourit difficilement, approuvant la démarche de l'experte tout en étant terriblement affecté par cette soudaine absence d'un fantôme pourtant déjà disparu.

- Je dois y aller.

Il ne croise pas leurs regards.

Il reste plongé dans ses pensées troublées et ses émotions retournées durant un long moment, le temps de rassembler ses affaires et vider son bureau.

Au moment de traverser le bâtiment pour partir, il entend les agents du commissariat se rassembler et l'applaudir. Jonathan Stevens se retourne.

La criminaliste et ses collègues le saluent personnellement avec un simple « Docteur » dont l'écho signifie « les vivants comme les morts vous remercient ».

A la porte de sortie, le commissaire lui ouvre l'accès.

- Merci l'américain, exprime C. Naghten.

Dr J. Stevens ressent une émotion étrange dans la poitrine. Lui, si vide, il vit en quelques temps tristesse, peur, colère, et maintenant joie.

Il répond un simple :

- Amor fati.