Chapitre 35 : La chasse aux souvenirs (époque : 2022) (2/2)

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13H, centre-ville.

Le psycho-criminologue et l'agent de la CIA se retrouvent en dehors du complexe habituel. L'officier s'est habillé en civil afin d'être plus discret, bien que son allure et sa coupe de cheveux trahissent sans l'ombre d'un doute son appartenance aux forces de l'ordre. Le clinicien quant à lui porte le même uniforme froissé et délavé que tous les jours.

Se voir en pleine journée sous les rayons du soleil est une curieuse expérience pour ces deux hommes. Pour le criminologue, accepter que les néons percent l'abîme qui le recouvre ne s'avère pas simple ; mais pour l'officier, faire face de jour à une créature de nuit lui révèle la mesure de l'atypicité de son collègue.

« Même sans pluie, même sur le temps de midi, les nuages viennent nous priver de la luminosité, saloperie de météo. » ronchonne J. Stevens un œil fermé pour supporter déjà les rayons qui leur parviennent.

T. Lewis constate ainsi que le Docteur n'a pas l'intention de s'adapter à son milieu professionnel, restant invariablement le même en toute circonstance. A celui qui s'aventure dans les terrains exigus de la pensée intime ne ressent l'exigence superficielle des codes sociaux.

Entre une fumée d'épaisse cigarette chargée en tabac roulé et un café serré, il parle d'une toux grasse :

- Théodore, ce qui s'est passé est loin d'être normal.

C'est la première fois que J. Stevens appelle l'officier par son prénom, ce qu'il ne manque pas de relever et d'interpréter.

- Je comprends votre méfiance, comme le besoin de se voir ailleurs. Depuis le meurtre de Stare, il se passe des choses étranges ici...

- Je peux jurer qu'il a soigné ma blessure de ses mains... continue le clinicien sans se soucier des propos du jeune agent.

T. Lewis comprend soudainement que le psychologue ne lui parle en rien du contexte social, des considérations politiques ou encore de la pression au travail. Il lui évoque ses questionnements personnels.

- Je ne... je ne comprends pas, Docteur...

- Je vous jure sur la vie de mon assistante qu'il a soigné ma blessure de ses mains.

- Votre assistante ? Vous avez une assistante, Docteur ?

- Bien sûr, comme tout entrepreneur je ne suis pas familier des questions administratives.

J. Stevens passe sa main sur le ventre, par-dessus la chemise tâchée.

- Certaines personnes possèdent du magnétisme au creux de leur paume, paraît-il, propose sans conviction T. Lewis.

- Ça ne ressemblait en rien à tout ce que l'on a pu me narrer.

J. Stevens caresse sa blessure. Il en ressent encore quelques douleurs qui lui rappellent que les coups existèrent et que ses pensées, comme trop souvent, ne s'éloignent pas du champ de la rationalité.

- Non, poursuit-il, non, ce n'était pas spectaculaire, la blessure a cicatrisé sous mes yeux. Du magnétisme... j'ai toujours pris ça pour du charlatanisme. Moi qui possède le don de guérir les maladies mentales par la pensée, je devrais pourtant être le premier à croire en un homme guérissant de ses mains.

- Mes recherches sur lui n'ont abouti à rien quant à son identité, dit, désolé, T. Lewis.

- J'ai l'intuition étrange, et je ne vous le cache pas, particulièrement rare, de pouvoir lui faire confiance.

- Je n'en suis pas surpris.

- Vous lui feriez également confiance, agent ?

- Non ce n'est pas ça, sourit le petit homme blond. Je ne m'étonne pas que cette intuition de confiance envers un autre vous soit étrangère.

L'Histoire du Dr J. Stevens (Partie 2) [ShortList Watty22... -Edité-]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant