L'Histoire du Dr J. Stevens (Partie 2) [ShortList Watty22... -Edité-]

Chapitre 44 : La fin du cycle (époque : 2022) (1/4)

Le personnel de détention en retrait, J. Stevens et T. Lewis échangent, proches, les mains sur les genoux, épuisés par les événements.

- Docteur, absolument rien de ce qui s'est passé ici ne représente à mes yeux une forme de normalité.

- Je vous crois sur parole Théodore, et pourtant cela représente mon quotidien, s'en amuse le psychologue.

- Que s'est-il passé là-dedans ? demande l'agent de la CIA en posant une main sur l'épaule de son collègue. Avez-vous obtenu les informations que nous cherchions ?

- J'ai plus de certitudes sur certains points et toujours des questionnements sur d'autres.

J. Stevens tire avec force sur sa cigarette et s'en allume une seconde dans la foulée et frottant nerveusement le dessus de la main sur son front moite.

- Vous me partagez ces informations...

- La tentative d'homicide est bien un ordre venu d'une autre temporalité, directement relié aux actuels projets énergétiques, explique-t-il en s'agaçant sur son briquet dont les étincelles sont stériles d'incendie.

- Vous a-t-il donné une preuve ?

- Aucune que je puisse vous témoigner solidement, répond-il en jetant le briquet pour se saisir d'un paquet d'allumettes que lui tend le surveillant.

- Je vois... constate T. Lewis. Et pourquoi une « Famille » enverrait-elle quelqu'un pour l'en empêcher par la suite ?

- Ça ne va pas vous plaire, agent Lewis, réagit le clinicien en allumant le feu.

- Dîtes-moi, rien ne me semblera plus farfelue que nos hypothèses.

- Je ne serais pas si catégorique à votre place, dit-il en tirant profondément sur le tabac.

- A ce point ?

Le visage de l'agent se liquéfie. Jamais sa tenue, sa coiffure, ses pensées et ses émotions ne furent mises à si rude épreuve sans action pure, échange de coups de feu ou intervention concrète.

- Je vous l'ai dit, sourit le psycho-criminologue, ça ne vous plaira pas. Le Pr William Andrews que vous voyez ici a été volontairement envoyé à une époque plus reculée que la nôtre. Voici la raison première de son parcours.

- Pardon ? prend notes l'agent. Il ne devait pas être ici pour empêcher des projets ?

- Si, par la suite, mais ce n'était pas le but principal.

- Reculée... demande-t-il en fermant un œil comme pour compter des années qui défilent. Reculée comment ?

- Comme au début de l'histoire, répond J. Stevens en constatant à quel point sa chemise est encore froissée.

- Je ne comprends pas.

Le Dr Stevens pointe de sa main l'entaille dans le lit du prisonnier.

- Comme l'histoire de cette croix.

- Attendez, êtes-vous en train de me dire que...

Les yeux de l'agent pétillent de curiosité et de confirmation.

- Voyez vous-même, fait constater J. Stevens en plaçant sa tête en arrière.

- Et le Pr Hart Bietez dans tout ça ? reprend l'officier avec soupçon, comme si toutes les parties du mystère devaient être immédiatement dévoilées.

- Je n'en sais pas plus, regrette le psychologue, le Dr Andrews n'était pas au courant. Si nous y voyons plus clair sur le début et la fin, avec Iscariote et Ballier comme leaders, j'imagine que Bietez est l'équivalent de notre époque, évalue-t-il en écrasant le reste de son mégot. Quant à son rôle précis... continue-t-il en allumant un énième bâton enflammé, comme eux, il a connu le voyageur temporel.

- Pourquoi une croix déformée de la sorte ? s'impatiente T. Lewis en prenant des notes.

- La croix... C'est toujours la direction qui nous donne le sens de l'histoire.

- Dans ce cas, reprend l'agent en mangeant le bout de son stylo, le Président Buore, le conseiller Whedon, l'entrepreneur Stare...

- Je ne sais pas. Au mieux, des pions pensant être des pièces ; lorsque les pièces elles-mêmes ne sont que des morceaux de bois sur un échiquier bien plus grand qu'elles.

- Et ce monstre-là ? T. Lewis pointe l'autre cellule. Pourquoi l'éventreur de Londres est-il ici ?

- Aucune idée, souffle J. Stevens. Mais il en sait plus que nous...

- Je vois, marmonne l'agent. Et l'enfant relié à l'enquête anglaise ?

- Aucune idée non plus.

- Et... celui de cette cellule-ci ? indique T. Lewis en regardant la porte au fond du couloir. Vous en a-t-il dit quelque chose ?

Le psycho-criminologue sent les mémoires le saisir une fois de plus, descendre des neurones les plus virulents en direction des tripes pour lui serrer les organes ventraux.

« Avez-vous sauvé votre mère, Docteur ? » entend-il depuis le Néant, suivi du glas de la pire des réponse pour tout enfant quel que soit son âge : « non ».

J. Stevens se rapproche de la porte de la cellule en question pour y coller son oreille, comme si des sons y étaient discernables. T. Lewis indique aux surveillants de ne pas s'inquiéter et de sécuriser les passages. Il fait également un signe particulier au surveillant posté à l'entrée du couloir pour lui donner l'information.

« Jess ! Jess ! Où es-tu espèce de petit salaud de petite merde qui ne fait rien que nous pourrir la vie ? » cherche tel un prédateur un homme puissant avec une froideur glaciale dans la voix. « Où est-il ce salaud, ce morveux ? Jamais vu un salaud si jeune, cet imposteur, tu vas voir... »

« Amar, Amar, laisse-le ce soir ! » s'arrache en arrière les mots d'une femme apeurée.

La gardienne empêche le Docteur d'ouvrir la porte. Elle se place volontairement devant lui, avec un regard de pitié. Elle lui agrippe le bras de désespoir et tente de hurler, mais aucun son ne sortit jamais d'un visage sans bouche, d'un corps sans cordes vocales, d'un fantôme devenu Gardien.

« Docteur, vous pensez avoir sauvé votre mère, sérieusement ? »

La voix de William Andrews blesse le cœur de l'enfant qui sommeille encore en Jonathan Stevens. Bien avant le Docteur, bien en-deçà du professionnel, bien en amont de l'adulte, l'enfant vulnérable qui ne put ni sauver ni protéger. Parfois, les mots ont le pouvoir de frapper par-delà le temps, mettre à terre le passé depuis le présent.

Le psycho-criminologue écarte la Gardienne en prenant soin de ne pas la brusquer.

« Tout va bien, je suis prêt à voir la Vérité. » la rassure-t-il.