Les Marqués

Prologue

Dôme 134 (Paris)

Perché sur le toit d'un immeuble, Levy attendait bien patiemment l'arrivée de sa cible. 23h55, il avait encore un peu de temps devant lui.

Cela faisait maintenant une semaine qu'on l'avait embauché pour mener à bien sa mission. Au début, il avait cru à une mauvaise blague. Étant donné, l'identité de son employeur et le nom de sa cible, il ne pouvait pas y croire. Mais son patron avait su se trouver très convaincant. Surtout avec 300 millions de leks. Levy aurait beau travailler toute sa vie, il ne parviendrait jamais à économiser autant d'argent. Et pourtant il en avait besoin pour réaliser son rêve : vivre une petite vie tranquille rien que lui et sa fille, Sasha. Loin de la ville, loin de ce monde corrompu, loin de tous ces morts.

Il y a dix ans, Levy avait tout perdu dans un incendie : sa femme, ses amis, sa maison. Tout ce qui lui restait, c'était sa précieuse petite fille. Il devait se battre pour elle, pour son avenir. Il en avait le devoir en tant que père et en tant qu'adulte de la génération avant KE. Pour cela il était prêt à tout, y compris à accepter les pires boulots, ceux dont personne ne voulait. Qui aurait cru qu'un jour, lui, ancien policier, se serait reconverti en tueur à gage ? 

Levy n'était pas fier de ce qu'il était devenu. Il n'a jamais voulu tuer qui que ce soit. Il s'était engagé dans la police pour protéger la population. Mais lui, comme tant d'autres, avait admirablement échoué. Maintenant, c'était la loi du plus fort qui dominait. Tuer ou ne pas être tué. Lui, avait choisi d'être fort, de tuer pour protéger sa fille. C'était la seule chose dont il se sentait capable aujourd'hui. Alors oui, quand on lui a dit qu'il pouvait gagner autant d'argent pour une mission, il a tout de suite sauté sur l'occasion. Même si cela voulait dire que son acte allait engendrer une guerre aux conséquences désastreuses. Il avait tellement de sang sur les mains que maintenant il s'en fichait. Le monde entier pouvait s'effondrer, il n'en aurait rien à faire. 

Aujourd'hui, il l'avait juré, ce serait sa dernière mission. Après cela il prendrait sa retraite. Lui et sa fille iraient peut-être au Dôme 141, on dit que c'est un véritable paradis pour ceux et celles qui le cherchent. En fermant bien les yeux, il se voyait déjà Sasha et lui, jouant dans les vagues de la mer Méditerranée.

Il ne devait pas échouer. Pas ce soir. Il jeta un œil à sa montre, 00h02, sa cible ne devrait plus tarder maintenant. Levy le surveillait depuis des semaines. Il connaissait son emploi du temps par cœur. Il n'avait qu'une chance et c'était ce soir. Alors, d'un geste assurée, Levy sortit son fusil de sa housse de violon.

Il savait ce qu'il devait faire.

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L'homme était exténué. La semaine qui venait de s'écouler avait été très éprouvante pour lui. Rien ne se passait comme prévu. Il n'avait qu'une envie : rentrer chez lui et dormir toute la nuit. Il regarda sa montre : 00h05. Il quittait son local un peu plus tard que d'habitude. Cela ne lui plaisait pas. D'ordinaire, il partait toujours à la même heure. Encore un signe que sa journée allait mal se finir, ou mal commencer cela dépendait des points de vue.

En ouvrant la porte qui donnait sur la rue, l'homme fut d'abord étonné du froid glacial. Septembre était déjà là et pourtant les températures avoisinaient déjà celles de l'hiver. Il jeta un œil dans la ruelle, pas une âme qui vive. Il faut dire que le couvre-feu était déjà dépassé depuis plus de trois heures. Personne ne risquerait de se prendre une amende de 10 000 lenks. Heureusement, lui, en était exempté. Il avait obtenu une dérogation exceptionnelle du GMKE. Bien sûr, c'était un faux. De nos jours, on trouvait des faussaires extrêmement doués pour ce genre de boulot.

Sur le chemin du retour, il repensa au mois qui venait de s'écouler. Il devait absolument parler à son chef de ce qu'il avait découvert. Pour le moment il avait été très prudent, mais ce n'était plus qu'une question de temps avant que quelqu'un ne remarque qu'il avait volé des informations importantes. Avec ce qu'il avait appris aujourd'hui, il en était maintenant certain : il devait les prévenir. Mais comment l'expliquer à son chef ? Comment lui dire que ce qu'il craignait le plus était en train d'arriver ? Il ne pouvait pas lui faire revivre son traumatisme à nouveau. Il en était incapable. Pourtant, il n'avait pas d'autre choix.