Chapitre 3

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Dôme 134 (Paris)

Théo courait à en perdre haleine. Il n'arrivait pas à se faire une raison. Marc, son ami, la seule personne en qui il avait entièrement confiance était mort. Assassiné comme un chien en pleine nuit.

Au fond de lui, Théo était persuadé que ce jour fatidique finirait par arriver. Depuis qu'il avait créé avec Marc, l'organisation des Marqués, il savait qu'il prenait des risques pour lui et ses proches. Il s'était fait tellement d'ennemis dans toutes les Zones du monde. Pourtant, le jeune homme restait convaincu qu'il pouvait les protéger. Aujourd'hui, il prenait enfin conscience de son erreur.

Dans sa course effrénée, Théo sentit tout à coup des gouttelettes glisser sur ses joues. De gros nuages noirs commençaient à obscurcir le ciel. Rapidement, une trombe d'eau tomba, formant d'immense flaques d'eau sur le sol. Si les passants se dépêchaient de se mettre à l'abri, Théo, lui, continuait de courir trempé jusqu'aux os. Il ne savait même pas où il allait.

À bout de souffle, il s'arrêta après plus de cinq minutes de course intense. Il tomba à genoux et poussa un cri empli de rage et de désespoir. Sa haine et sa colère étaient tellement intense, que l'espace d'un instant il eut peur de ce qu'il pouvait faire. Il ne s'était jamais senti aussi anéanti depuis le fameux incident dix ans auparavant. Ce jour-là, il s'était juré de ne plus jamais se sentir aussi impuissant. Il pensait apprendre de ses erreurs mais au fond, il n'avait pas changé. il était toujours ce même gamin de onze ans, terrifié à l'idée qu'on lui fasse du mal. Qu'on fasse du mal à ses proches.

Pour la première fois de sa vie, Théo était perdu. Lui qui d'habitude planifiait tout jusqu'aux moindres détails, ne savait pas quoi faire. Il se sentait vide, dénué de toute humanité. Comme si dans son cri, toutes ses émotions s'étaient envolées. Il n'arrivait même pas à verser une seule larme. Prenant conscience de son état, Théo décida qu'il devait absolument reprendre son calme. Redevenir ce jeune homme de vingt et un ans qui savait pertinemment ce qu'il faisait et où il allait. Il devait trouver un plan, une stratégie à mettre en place. Dans des moments de doute, Théo avait toujours son rituel lui permettant de prendre une vue d'ensemble de la situation. Il commença par prendre une grande respiration et retira ensuite son serre poignet de son avant-bras gauche laissant apparaître la trace d'un ancien tatouage. Il prit son accessoire dans ses mains et commença à réfléchir à la suite.

Pour commencer, il y avait trop de questions sans réponses. Comment Marc était-il mort ? Qui l'avait tué ? Des zonards ? Lesquels ? Il y avait tellement de possibilités. Même si Théo avait déjà sa petite idée derrière la tête, il devait d'abord commencer par confirmer sa théorie. Il n'avait pas le choix, il devait se rendre au QG plus tôt que prévu pour organiser une réunion de crise. Ses hommes devaient déjà être au courant de la situation.

Toujours à genoux, Théo se releva en puisant dans toutes les forces de son corps. Il était resté un long moment par terre. Là, il regarda autour de lui pour savoir où il était. Les panneaux des rues lui indiquaient qu'il se trouvait probablement en périphérie du centre ville à plus de quinze minutes de l'université. Il avait donc couru aussi loin ?

Avec sa mémoire, le jeune homme avait retenu la carte entière du Dôme 134. Il connaissait l'endroit par cœur. Il avait même étudié les anciens plans de l'avant KE. À l'époque où le Dôme 134 s'appelait encore "Paris". Bien sûr ces plans étaient illégaux, il les avait dénichés au marché noir. Grâce à eux, il avait découvert l'existence d'un ancien réseau de métro souterrain maintenant à l'abandon. Marc et lui avaient décidé que l'endroit était parfait pour y créer le Quartier Général des Marqués. Une idée brillante puisque personne ne connaissait l'existence de ces tunnels. De plus, cela permettait d'accéder au QG à travers plusieurs entrées et sorties. La plus proche de lui se trouvait à presque  cinq minutes. Heureusement, la pluie avait fait fuir la majorité des passants. Il pouvait donc tranquillement continuer son chemin sans se soucier des regards curieux.

Arrivé à destination, il ouvrit la bouche d'égout qui trônait au milieu d'une ruelle sombre et froide. Épuisé par sa précédente course, il lui fallut plus de force que d'habitude. Il descendit l'échelle et se retrouva dans une allée salle empreint d'une puanteur qui lui donna le haut le cœur. Il avait beau avoir l'habitude de prendre ce chemin, il ne s'était jamais habitué à l'odeur des caniveaux. Ni aux rats d'ailleurs. Il continua son chemin sachant très bien où il allait. Des néophytes trouveraient en cet endroit un véritable labyrinthe, mais pour lui et les autres zonards, c'était leur deuxième maison.

Après un long moment de marche rapide, il tomba sur les anciens rails du métro rouillés par le temps et l'humidité. Là, il trouva une dizaine de wagons abandonnés au milieu de nulle part : son QG.

Il s'approcha du premier compartiment et toqua tout en respectant le code. Deux coups brefs puis un. Un homme d'âge mûr lui ouvrit. Avec son style élégant, ses yeux d'un bleu persan et ses cheveux mi-long attachés en queue de cheval, Théo n'eut pas de mal à le reconnaître. C'était Éric, un des six lieutenants des Marqués. Sans lui laisser le temps de prononcer un mot, Théo força le passage :

- Éric, dis-moi tout ce que tu sais et sans omettre le moindre détail.

- Pour l'instant, je n'en sais pas plus que toi, répondit son lieutenant de sa voix rauque. Il me faudra encore quelques heures avant d'avoir un état des lieux complet.

Théo sentit un moment d'hésitation. Éric ne lui disait pas tout.

- Épargne moi ton discours bidon. Je t'ai demandé de tout me dire, s'énerva le jeune homme.

- Écoute, rien n'est encore sûr d'accord ? Il vaut mieux avoir toutes les informations avant de....

- Éric ! Je déteste me répéter, coupa Théo de sa voix autoritaire.

Son interlocuteur soupira. Malgré ses quarante ans passés et ses cinq  ans d'ancienneté dans l'organisation, il n'arrivait toujours pas à se défendre face à son chef.

- Très bien comme tu veux. Selon nos premières informations, Marc a été tué d'une balle dans le cœur. Un tir précis à plus de 300 mètres. Une précision comme celle-ci, on ne la retrouve que chez des zonards hautement qualifiés. Il s'agit probablement des Soldats de l'Ouest.

Théo n'était pas surpris. C'était bien un coup de ces zonards de la Zone 2.

Au moins maintenant Théo en était sûr. Il savait très bien ce qu'il allait se passer. Au fond, il avait prit sa décision à la minute où il avait appris la mort de Marc.

On s'était pris à un des siens. On l'avait attaqué personnellement.

On lui avait déclaré la guerre et il comptait faire un massacre.   

Les MarquésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant