Dôme 291 (New-York), huit heures après l'assassinat
Quand Meg se leva pour ouvrir les rideaux de sa chambre, elle pressentit que sa journée allait bien se passer. Les rayons du soleil irradiaient la pièce d'une chaleur presque anormale pour un mois de septembre.
Et dire qu'hier, il a neigé ! se disait-elle.
Le temps en faisait bel et bien à sa guise. Ce n'était pas pour lui déplaire, Meg détestait par-dessus tout le froid.
Elle enfila son pantalon noir, son T-shirt blanc crème et sa veste rouge (sa préférée) et se dirigea vers sa salle de bain. Une fois prête, elle alluma la radio du séjour et se prépara son petit déjeuner : du tofu végétal sur du pain toasté. Meg, comme la plupart des habitants de ce monde, était végétarienne depuis toute petite. La viande, bien trop chère, était considérée comme un plat luxueux servi uniquement lors de grandes occasions. Elle n'en avait jamais goûté, mais cela ne la dérangeait pas pour autant. Elle se sentait dégoûtée de manger des animaux qu'elle savait créés artificiellement par l'Homme.
En musique de fond, Meg pouvait entendre la radio branchée sur la chaîne Humeur 291, l'une des stations les plus écoutée du Dôme 291. Elle adorait écouter l'horoscope du jour qui lui permettait de savoir comment sa journée allait se passer.
- Si vous êtes Gémeaux cette journée sera la vôtre ! Tous les voyants sont au vert ! Partez l'esprit tranquille pour cette journée très spéciale ! Il se pourrait même qu'une annonce importante chamboule votre vie ! annonça l'animatrice.
Meg était aux anges. Cette journée était la sienne ! Rien ne pourra empêcher sa bonne humeur !
Son petit déjeuner fini, il était temps pour elle de partir travailler. Elle attrapa ses clés et son sac, éteignit la radio et ferma la porte de son appartement. Par précaution, elle vérifia, qu'elle avait bien sa pierre de Tourmaline au fond de son sac. Cette pierre lui avait été offerte par ses parents pour son anniversaire. C'était son porte bonheur, une pierre anti-stress qu'elle utilisait beaucoup depuis qu'elle avait arrêté de fumer.
À 24 ans tu te ruines la santé avec cette saleté ! lui répétait sa mère qui avait finalement réussi à la convaincre.
Depuis, elle se sentait mieux, désintoxiquée. Clean depuis six mois maintenant, elle se sentait véritablement libérée d'un poids. Maintenant, dans les moments de stress, elle s'amusait à jouer avec sa pierre. La poids et l'aura de l'objet la rassuraient.
Quand Meg sortit dans la rue, elle fut d'abord surprise par la quasi absence de piétons pour un lundi matin. Elle continua son chemin tout en branchant ses écouteurs sur son bipeur. Elle avait pris l'habitude depuis quelques mois de se rendre à pied à son travail. Jusqu'à présent, elle prenait les transports en commun mais Meg avait horreur des espaces confinés. Elle s'était donnée un mois pour essayer de vaincre sa peur mais rien à faire, elle restait paralysée à l'idée de monter dans un train. Elle préférait mille fois faire un détour de dix minutes quitte à partir plus tôt de chez elle.
Concentrée sur la musique dans ses oreilles, elle mit du temps à s'apercevoir du nouveau tag, peint dans la nuit, sur le mur Est du Dôme : Kill GMKE ! We want New York ! Elle traduit tout en essayant de se souvenir de ses cours de langues anciennes de l'université : À bat le GMKE ! Vive New York ! Le message était accompagné d'une colombe noire, l'emblème des Soldats de l'Ouest.
Meg n'était pas surprise, ce genre de message révolutionnaire était monnaie courante au Dôme 291. Ces autoproclamés "résistants" rêvaient du monde d'avant. Un monde que la plupart n'avaient jamais connu. Ils utilisaient les langues de Babel, parlées bien avant le Krach écologique, pour se faire entendre. Aujourd'hui, le monde avait la chance de partager une seule et même langue. C'était même l'une des premières mesures du Gouvernement mondial du krach écologique : "bannir les langues de Babel qui condamnent les Hommes à ne pas se comprendre". Meg connaissait cet article par cœur. Elle avait dû apprendre l'intégralité de la Constitution pour passer les examens d'entrée au Squad.
Petite déjà elle possédait un sens de la justice aiguisé. C'était donc devenu tout naturel pour elle de travailler dans l'agence de protection du Squad. Elle savait que son travail avait un but, qu'elle protégeait des vies. Enfin, ça c'est ce dont elle rêvait. Ne travaillant que depuis quelques années, elle se coltinait les délits mineurs : vols, dégradations de biens publics... Les grosses affaires revenaient à ses supérieurs, des hommes la plupart du temps. Meg, elle, s'occupait des petits délinquants du coin.
Elle faisait ce travail depuis des années mais elle ne comprenait toujours pas cette fascination des jeunes pour l'Ancien Monde. New York, comme toutes les villes du monde, n'existait plus depuis longtemps. Elles avaient été remplacées par des Dômes possédant chacun un numéro à trois chiffres. Le GMKE, considérant ces villes comme "polluantes et en désaccord avec la Constitution climatique", avait décidé de ne pas les reconstruire suite à la grande catastrophe du Krach écologique. Le monde n'était plus le même et il fallait s'y faire.
Meg venait de la Zone 2, l'ancienne "Amérique" et habitait le Dôme 291, le nouveau "New York". Pourtant, elle ne se sentait ni américaine ni new-yorkaise, à l'inverse de ces résistants des Soldats de l'Ouest. Des "zonards" comme le monde les surnommait. Il en existait dans toutes les Zones sous des noms différents mais leur but était unique : abattre les lois dictatoriales du GMKE et revenir à l'Ancien Monde. Si ces zonards se disaient agir pour le Bien de tous, Meg en était sûre : c'était purement et simplement des terroristes. Ils pouvaient tuer au nom de simples idéaux. Le Noël rouge, Le Vendredi noir... tous ces attentats resteraient à jamais gravés dans l'Histoire comme les plus grands désastres de l'après KE.
Chaque année, Meg assistait à la commémoration des victimes des zonards et chaque année elle se sentait en colère contre ces terroristes. Elle pensait que le Squad était un bon moyen de canaliser sa haine. De travailler pour faire le Bien autour d'elle. Pourtant, elle restait bloquée au niveau d'agent de terrain. Ses supérieurs pensaient qu'elle était trop impulsive pour pouvoir être promue. Mais Meg était persuadée qu'on lui refusait sa promotion à cause de son âge et de son sexe.
Mais aujourd'hui, son horoscope le lui avait dit : elle allait avoir une bonne nouvelle. Aujourd'hui, elle le sentait, on allait accepter sa promotion ! Elle pourrait enfin faire ce dont elle a toujours rêvé : protéger la population !
Déterminée, la jeune femme arriva au pied de l'immeuble du Squad. Elle entra tout en saluant l'agent de sécurité. Ils ne se connaissaient pas vraiment mais Meg aimait de temps en temps discuter avec lui de tout et de rien. Au début, elle pensait qu'il cherchait à la draguer. Il faut dire qu'avec son visage si particulier, Meg était très populaire auprès de la gente masculine comme féminine. Pourtant, ses yeux couleurs vert et ses cheveux roux et mi-longs ont longtemps été pour Meg une source de complexe.
La jeune agente monta les escaliers de l'immeuble pour arriver à son bureau. Elle ouvrit la porte et sut tout de suite qu'il était en train de se passer quelque chose. Quelque chose de grave.
Sa bonne humeur du matin en prit un sacré coup. Tout le bureau était en ébullition. Des collègues couraient devant elle papiers dans les mains, les lignes d'urgence n'arrêtaient pas de sonner et son chef était en grande discussion avec un agent spéciale du Squad que Meg connaissait vaguement. Elle ne l'avait jamais vu aussi énervé.
D'un coup, la panique lui noua la gorge. Que s'était-il passé ? Qu'avait-elle manqué ? Elle essaya de chercher des réponses à ses questions mais n'en trouva aucune. Tout le monde était bien trop occupé pour lui répondre. Sur une des tables, elle dénicha le journal de ce matin abîmé par sans doute, les nombreuses mains l'ayant manipulé. Elle s'approcha et commença à lire l'article de la une. Là, son monde se brisa. D'un coup, elle comprit.
Elle comprit comme tout le monde au bureau, que la guerre allait éclater.
Foutu horoscope se disait-elle.
Finalement, elle avait bien besoin d'une cigarette.
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Les Marqués
Ciencia FicciónIl y a des années le monde a changé. Le Krach écologique a tout chamboulé. Aujourd'hui, c'est la loi du plus fort qui domine. Du jour au lendemain, Marc Lechier, une des personnes les plus influentes au monde meurt assassiné. Sa mort ne peut signi...