Le théâtre des sentiments.

Chapitre 5:Sous le feu des projecteurs

La semaine suivante, Mitsuri, toute guillerette, avait voulu accompagner Kyojuro pour assister à la nouvelle répétition. Le groupe avait un bon rythme de travail. Certains avaient même commencé à apprendre leurs texte.

Lorsque le groupe fut au complet, Kyojuro les salua avec bonne humeur et présenta son amie au groupe. Grâce à elle, ils allaient pouvoir jouer avec les lumières. Il laissa un instant son groupe d'élève, le temps d'expliquer à Mitsuri comment gérer les projecteurs.

-De toute façon, dit finalement Kyojuro, je resterai pas loin et je viendrai t'aider sur certaine scène.

La jeune femme acquiesça avec entrain. Kyojuro se retourna vers le reste du groupe et marqua le début de la répétition. Il avait noté sur son calepin quelques scènes qu'il voulait revoir, et d'autres qu'il voulait absolument réaliser car ils n'en avaient tout simplement pas encore eu l'occasion.

-Nous allons commencer par la scène 2, avec Gwynplaine, Ursus et Dea. J'ai eu une idée pour améliorer la mise en scène.

Sur ce, Rengoku grimpa sur la scène et indiqua à chacun des apprentis comédiens les nouveaux déplacements qu'il avait envisagé. Il fit signe à Mitsuri de baisser la lumière après avoir quitter la scène, et la comédie commença.

-C'est vraiment bien! Souffla Mitsuri à son amie lorsqu'il revint près d'elle, et en si peu de temps! Ajouta-t-elle sur un ton admiratif.

-Oui! C'est un très bon groupe, j'ai été chanceux, dit Rengoku en lui souriant.

Mitsuri lui rendit son sourire. Kyojuro était toujours très modeste, mais quelque fut le talent de ses élèves, si ils arrivaient déjà à un si bon résultat, c'est que son enseignement était largement à la hauteur. Il révisèrent ainsi plusieurs scènes avant que Rengoku ne propose de faire une pause, suite à quoi ils allaient s'attaquer aux scènes qu'ils n'avaient pas encore eu l'occasion de jouer. C'était des scènes qui décrivaient la fin de l'histoire ce qui mettait en avant, tout de même, leurs bonne avancée. Toutefois, elles font parti des scènes les plus importante. Et, à ce titre, Kyojuro avait déjà prévu d'y adresser une attention toute particulière. Le petit groupe profita de cet instant de répit pour boire, discuter, et même manger un peu. La scène sur laquelle ils allaient reprendre décrivait l'altercation entre les lords et Gwynplaine. Une scène clef, qui marquait un tournant dans l'histoire de l'Homme qui rit.

Rengoku s'était installé à côté de Mitsuri pour, comme promis, l'aider avec les lumières.

-Comme tout à l'heure, occupe toi de l'intensité des lumières, fit il en montrant son texte, sur lequel il avait ajouté plus d'indication pour le jeu de lumière, je m'occupe des couleurs.

La scène était plongé dans le noir. Tanjiro était assis au centre. À sa droite et sa gauche se trouvaient 3 étudiants, qui incarnaient donc les lords. Tanjiro était nerveux. Il ne savait que trop bien à quelle point cette scène était importante. Il laissa échapper un léger soupir. C'est alors que les lumières commencèrent à éclairer la scène, juste assez pour que les comédiens puissent être distingués.

-Qui êtes-vous ? d'où sortez-vous ? Fit alors un étudiant à la droite de Tanjiro, en le regardant d'un air qui imitait avec brios le mépris.

-Du gouffre, répondit Tanjiro qui avait gardé sa têtebaissée, contribuant ainsi à la tension dramatique de la scène.

-Qui je suis ? je suis la misère. Poursuivit Tanjiro en relevant enfin la tête, Mylords, j'ai à vous parler. Le jeune homme se leva et avança vers l'avant de la scène. En cet instant, une lumière orangé s'éleva sur la scène, semblable à une flamme brillante, éclairait en premier lieu le visage de Tanjiro.

-Mylords, vous êtes en haut.
C'est bien. Il faut croire que Dieu a ses raisons pour cela. Vous avez le pouvoir, l'opulence, la joie, le soleil immobile à votre zénith, l'autorité sans borne, la jouissance sans partage, l'immense oubli des autres.
Soit. Mais il y a au-dessous de vous quelque chose. Au-dessus peut-être. Mylords, je viens vous apprendre une nouvelle. Le genre humain existe.
Les assemblées sont comme les enfants ; les incidents sont leur boîte à surprises, et elles en ont la peur, et le goût. Il semble parfois qu'un ressort joue, et l'on voit jaillir du trou un diable.

Comment avait il pu passer à côté de ça? Les lèvres entrouvertes, Rengoku ne parvenait plus à détourner les yeux de lui. Dès l'instant où Tanjiro s'était levé, il avait capté l'attention de tout ceux qui étaient présents.

L'éclat enflammé des projecteurs faisaient pétiller les yeux du jeune Kamado, dans lesquels on pouvait lire une réel amertume, tristesse, et même une pointe de colère. Il jouait incroyablement bien. Son empathie naturelle l'aidant très certainement. Les yeux de Rengoku suivait chacun de ses gestes. Chacun des traits de son visage qui changeaient au fil de sa tirade. Mitsuri suivait consciencieusement le texte, lorsque ses yeux tombèrent sur une annotation de son ami. Il aurait dû passer du rouge au bleu mais rien ne s'était produit sur la scène. La jeune femme se tourna vers Kyojuro et ouvrit de grands yeux. Elle ne l'avait vu qu'une fois avec ce visage là.

-Je suis celui qui vient des profondeurs. Mylords, vous êtes les grands et les riches. C'est périlleux. Vous profitez de la nuit. Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l'aurore.
L'aube ne peut être vaincue. Elle arrivera. Elle arrive. Elle a en elle le jet du jour irrésistible. Et qui empêchera cette fronde de jeter le soleil dans le ciel ? Le soleil, c'est le droit. Vous, vous êtes le privilège. Ayez peur...je suis désolé, fut contraint de couper Tangiro après quelques secondes de silence, j'ai un trou de mémoire.

Il posa directement son regard sur Rengoku, un sourire gêné gravé sur ses lèvres. Il s'en voulait de devoir couper le jeu de la sorte. Tournés vers lui, les yeux de Kamado semblaient encore plus brillants. L'éclairage rendait ses prunelles émeraude plus perçante. Le doctorant se sentait comme transpercé de part en part.

Face au manque de réaction de son amie, Mitsuri dû lutter avec elle même pour se retenir de rire. Elle lui donna un petit coup de coude pour le faire revenir à lui. Le jeune homme eut d'ailleurs un léger sursaut. Brusque retour à la réalité.

-Ce...ce n'est rien Kamado! S'exclama enfin Kyojuro, c'est même normal, tu as appris beaucoup de texte en peu de temps!

Rengoku baissa les yeux vers le texte et lui souffla la suite de sa réplique, permettant à Tanjiro de redémarrer sa mémoire. Kyojuro en était sûr à présent. N'en déplaise à Tengen, il n'aurait pas pu rêver mieux pour incarner le rôle principal.