4.3 - Loup, qui es-tu ?

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— Comment ça, impossible ?

Son visage est marqué par l'incompréhension. Il fronce les sourcils et me dévisage.

— Toi et moi... ça n'existe pas. C'était un bon moment. Laissons-le aux souvenirs, je déclare, réaliste.

— Non, je refuse, me contre-t-il, déterminé. Je ne te laisserai pas m'échapper une seconde fois. Pas après ce que nous venons de vivre. Je n'ai jamais eu de relation aussi intense et ça, tu ne peux pas le nier !

—Ce n'est pas toi qui vas décider de ma vie !

Ses paroles m'ont énervée. De quels droits décide-t-il pour moi ?

Je lui tourne le dos et enfile ma robe, partagée entre l'envie de pleurer et de me mettre en colère. Refoulant mes larmes, je serre les poings.

Il a dû anticiper ma future évasion, car il se place devant la porte à moitié rhabillé. Il ne me laisse aucune alternative que d'écouter quand il prend la parole :

— Je ne veux pas décider de ta vie, mais tu ne peux pas nier le fait qu'elle a eu un impact sur la mienne. Tu ne peux pas t'en aller sans te soucier de ce que ta présence m'a fait. Je suis incapable de te laisser partir comme ça. Tu l'as bien ressentie, ce qu'il y avait entre nous ? Comment peux-tu ignorer ce qui est arrivé ?

En une demi-seconde, je réalise que cette rencontre n'a rien de banal pour lui aussi. Mais, je dois être forte. Ne pas me laisser séduire par ses belles paroles. Je dois me concentrer sur ce qui est important, prioritaire. Mon frère passera toujours avant. Déterminée, je lui fais face :

— Ce « nous » auquel tu accordes tant d'importance n'existe pas pour moi. Il n'est rien. C'est une chimère issue d'un bon moment. Et je devrais remettre ma vie en cause pour quelques instants passés avec toi, aussi merveilleux soient-ils ? Je suis désolée, mais ça ne fonctionne pas ainsi !

Ma voix se brise à la fin de ma phrase et mes yeux commencent à me brûler. Je papillonne des paupières afin de contrer des larmes imminentes et serre les dents de colère, masquant mon trouble.

Je ne veux pas pleurer devant lui !

Mon menton frémit et ma gorge se serre. Une tentative échouée, un dérapage incontrôlé de mes émotions. Je ferme les yeux en inspirant profondément et laisse déborder quelques larmes.

Puis les rouvrent quand il essuie mes joues avec ses pouces. L'épuisement de cette dernière semaine, les merveilleux instants que je viens de passer et sa douceur combinée m'achèvent.

Il soupire et m'attire contre lui. Je ne me défends pas, au contraire, et me laisse aller contre son torse.

Encore quelques secondes de lui.

Ses bras se referment sur moi et ses mains caressent mon dos. Ces gestes tendres me poignardent le cœur.

Pourquoi est-il aussi gentil ?

— Je crois que nous avons commencé à l'envers, tous les deux et je voudrais le rectifier. Je m'appelle Gabriel...

Je me redresse vivement et plaque mon index sur ses lèvres.

— S'il te plaît, pas de nom !

Il retire ma main et me demande, perplexe :

— Pourquoi ?

Ahurie, je me recule et me détache de lui. La tristesse est partie avec mes larmes. La colère, sous-jacente, jaillit :

— Pourquoi ? Tu oses me demander pourquoi ? Tu as vite oublié l'origine de notre rencontre ! D'accord, tu as pris ton pied deux fois avec moi, mais la vie, c'est pas ça ! Un claquement de doigts et tout ne tombe pas aussitôt dans tes bras ! Toi et moi, sommes de deux mondes différents, alors retourne dans le tien et laisse-moi me débrouiller avec le mien !

Je termine ma tirade à bout de souffle.

— Je suis sûr que nous pouvons passer outre ces détails, argumente-t-il avec une certaine assurance.

— Passer outre ? Mais je n'ai pas envie de passer outre ! je lui balance, sidérée. C'est peut-être facile pour toi, mais cela ne l'est pas pour moi !

— Parlons-en, alors. Ça n'engagera pas nos vies d'en discuter. Tu ne crois pas ?

Sa voix, toujours aussi calme, me désarçonne.

Comment fait-il pour le supporter ?

Je soupire de lassitude et le fixe droit dans les yeux :

— Je dois faire face à beaucoup de choses et t'avoir dans ma vie, en ce moment, ne ferai que la compliquer. C'est aussi simple que cela et la discussion s'arrête là. Tu peux te pousser, s'il te plaît !

— Aucune situation n'est insurmontable. Il suffit d'en avoir conscience et d'en parler. Accorde-moi juste quelques minutes.

Ma parole ! Mais on dirait moi quand je veux arriver à mes fins ! Il agit de la même manière !

Malgré tout ce qu'il pourra me dire, mon choix est déjà fait. Il l'a toujours été. Cette évidence m'explose à la figure et anéantit cet espoir infime que j'entretenais au fond de moi. Un fantasme que d'espérer un peu de bonheur, comme un rêve, une illusion gardée secrète dans le fond de mon cœur.

Je pose la main sur la poignée, la déverrouille et renouvelle ma demande avec un ton plus imposant, de nouveau guidée par mes sentiments :

— Je ne veux rien entendre de ce que tu as à me dire ! C'est mon choix et tu dois le respecter. Maintenant, pousse-toi. Je veux m'en aller !

La tristesse envahit ses beaux yeux gris et mon cœur se serre de le voir ainsi. Je dois rester ferme.

Pour ma survie.

— Il n'y a rien qui te fera changer d'avis ?

Je secoue la tête, le regard à l'opposé. Il soupire, puis s'écarte. Juste un pas sur le côté.

Je ne cherche même pas à me retourner quand j'ouvre la porte. Je pourrais être tentée par la douceur de ses bras, la chaleur de son regard, l'assurance de ses mots. Le couloir semble interminable et cette douleur lancinante qui ne cesse de me marteler.

J'ai l'impression de l'abandonner... de m'abandonner.

Mes pas s'allongent, ma cadence s'accélère et je sors de l'hôtel en courant.

Encore quelques ruelles avant de pénétrer dans ma chambre, la respiration de travers. La porte claque derrière moi. Je me déshabille et allume le jet de la douche. J'attends à peine et fonce sous la tiédeur de l'eau.

Les gouttes s'explosent sur mon visage et je reste là, sans bouger, les yeux clos, tentant d'endiguer le flot d'émotions qui approche aussi vite qu'un cheval au galop.

Ce n'est d'abord qu'un frémissement. Un nœud, un peu trop serré, dans la gorge. Un spasme incontrôlé de ma respiration, puis un simple son, étouffé par mon poing. Mes lèvres se resserrent autour de mes doigts que je mords de plus en plus fort. Mais la douleur est incomparable à celle qui traverse mon cœur.

Je tombe accroupie, puis m'affale dans le bac de douche quand je réalise mon choix.

Mon erreur. Ma peur.

Mon corps tout entier est maintenant secoué par des plaintes rauques que m'arrachent mes pleurs.

Les minutes, épuisantes, défilent quand je dis adieu à « Rébecca ».

Que je dis adieu à ses bras.

Les spasmes diminuent. Mon esprit est confus. Tout ce mélange dans ma tête. J'en veux à la terre entière pour l'injustice que je subis.

Pour mon frère et son supplice. Pour la perte de mes parents à cause de ce chauffard qui m'a tout pris et s'est enfui. Libre aujourd'hui, alors qu'il m'a emprisonné à vie.

Pour Gabriel, le prénom d'un ange qui maintenant devenu mon enfer.

Pourquoi cela fait-il aussi mal ?

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 22, 2022 ⏰

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