CHAPITRE 3

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Point de vue de Peter

Je décroche le cadre du mur, non sans un tremblement dans les mains. Je le range avec les autres, dans le carton. C'était le dernier. Je n'en garde aucun, c'est mieux ainsi. Évoluer dans un environnement qui ne reflète que le passé ne m'aidera pas à tourner la page. Mon studio est cruellement vide désormais, dénué de tous souvenirs. Impersonnel. Mais c'est ce dont j'ai besoin pour recommencer, une page blanche.

Je scelle le carton avec un gros scotch, histoire que je ne replonge pas dans ces vieilles photographies dès que l'envie me prendra. Je le remise sous mon lit, presque hors de portée. Je ne peux tout de même pas me résoudre à le jeter. Je le regretterai autrement. Ce sont les rares vestiges des personnes que j'ai aimées.

Mon téléphone vibre dans la poche de mon pantalon. MJ, c'est sûr. Depuis ma visite au café, elle ne cesse de m'envoyer des messages d'excuses, qu'elle voudrait juste comprendre. Je ne les lis même plus. Déjà parce que je me suis promis d'éviter tout contact. Mais surtout parce que c'est beaucoup trop douloureux. Elle me supplie des réponses que je me suis interdis de donner. Tout ce que j'avais à dire est écrit sur la lettre. Elle ne semble même pas l'avoir lu d'après ces messages. Elle devrait y songer, car il faudra qu'elle s'en contente. Je fournirai aucune informations supplémentaires. Rien que lui faire passer cette lettre a faillit la tuer. Et c'est largement trop. Depuis, la scène tourne en boucle dans ma tête. Je revois MJ à quelques mètres de se faire renverser. Le camion aveugle qui avance inéluctablement. Comment cela aurait fini si je ne portais pas mes lance-toiles ? Je ne préfère pas l'imaginer.

Sans compter que si la foule n'avait pas les yeux rivés sur la route, ils auraient tous vu d'où provenait les toiles et Spider-Man pouvait dire au revoir à son anonymat.

En laissant le carton, je m'empare de de la mallette poussiéreuse qui cache tout ce qui concerne Spider-Man, dont le costume. On ne sait jamais qui pourrait rentrer ici, j'aime mieux qu'il ne reste pas en évidence dans un placard.

Je déverrouille la mallette, fermée à clé pour un maximum de sécurité. Mon costume n'est en rien comparable à celui de Stark Industries. Celui-ci est fait maison. J'ai du investir dans une machine à coudre et m'initier à la couture, et c'était pas gagné au début . Après nombres de croquis et prototypes, je suis globalement satisfait du résultat. Bien qu'il soit dépourvu de technologies i-tech, il est très confortable et résistant. Cela suffit. Aujourd'hui, je ne suis plus que la sympathique araignée du quartier. Je crois qu'un pause sans guerre interstellaire ni combat inter-univers, m'est nécessaire. Au moins l'espace de quelques mois, le temps que je me retrouve et réfléchisse à ce que je veux réellement.

Pour l'heure, je dois aller effectuer ma ronde quotidienne. Je choisis de la faire le soir, lorsque la nuit tombe et que le crime est au plus haut.

J'enfile mon costume, accroche mes lance-toiles, ouvre la fenêtre et me jette dans la nuit.

Je voltige alors pendant près d'une heure, me balançant d'immeubles en immeuble. Dans ces moments, je redécouvre New-York, avec ces gratte-ciel qui prennent racine dans l'océan et poussent jusqu'à crever le ciel. Je m'enivre du sentiment de puissance d'embrasser la ville d'un seul regard.

Une ville relativement calme ce soir. J'ai intercepté deux voleurs de sac à main et aider une vieille dame qui avait glissé sur du verglas. C'est comme si j'étais revenu à l'époque où j'attendais impatiemment la prochaine mission que me confierai Tony, mais je devais me limiter aux "crimes" de rue. Sauf qu'aujourd'hui cette situation me convient parfaitement.

Je m'autorise une halte au sommet d'un gratte-ciel. Je retire mon masque pour mieux apprécier la vue qui s'offre à moi. J'ai toujours rêvé de partager un des ces instants magiques avec MJ. Mais elle était effrayée rien qu'en voltigeant dans mes bras, alors pour ce qui est de se retrouver au sommet de New-York, c'était inenvisageable. J'aurais dû quand même proposer, qui sait, peut-être aurait elle accepté.

Peu importe, maintenant ça n'a plus la moindre chance d'arriver.

Depuis le toit je me propulse et chute sur plusieurs dizaines de mètres. Je savoure le contact du vent glacé qui traverse ma combinaison avant de lancer une toile. Je réitère mes gestes, à chaque bascule l'impression de voler est plus grisante encore.

Rentrer ainsi, en évitant les interminables embouteillages new-yorkais, est vraiment le privilège le plus utile au quotidien. Avec le temps que je gagne, je peux m'accorder des petits détours certains soirs. Je suis conscient qui vont à l'encontre de la nouvelle vie que je me suis promis, mais c'était une routine que j'avais instaurée bien avant le sortilège du Dr Strange. Et j'ai, comme on peut dire, du mal à me défaire de mes mauvaises habitudes.

***

La petite ruelle est coincée entre deux imposantes bâtisses qui l'isolent des de la lueur des lampadaires.

Je suis collé sur la surface rugueuse de l'un des murs, me déplaçant précautionneusement jusqu'à sa fenêtre situé au troisième étage. Elle est grande ouverte. Aucune lumière n'en provient. J'agrippe le rebord et laisse dépasser ma tête de quelques centimètres.

Bien que la chambre soit plongée dans le noir, mes sens d'araignée surdéveloppés me permettent de voir qu'elle est inoccupée.

Je revois les heures que j'ai passées sur ce lit aux draps éternellement défaits ou assis à ce bureau à travailler sur des projets scolaires. Les murs habillés de croquis sont encore plus encombrés que dans mes souvenirs. S'amuse-t-elle toujours à aller en colle pour dessiner ? L'envie de me faufiler dans cette chambre me démange.

Une ombre apparaît dans le cadre de la porte. Elle allume la lumière.

Dans la panique, mes doigts dérapent. J'atterris dans un tas d'ordures et sacs poubelle.

― Pouah ! je lâche en retirant mon masque souillé.

Je plaque ma main sur ma bouche en réalisant que j'ai crié. Elle se penche à travers sa fenêtre.

― Y a-t-il quelqu'un ?

Je pris pour que l'obscurité me camoufle. Sa silhouette se retire.

Je remets aussitôt mon masque et saute sur le mur opposé à la chambre. Le temps que je lance une toile, je me retrouve face à la fenêtre où elle se tient encore. Cette poignée de secondes paraît durer une éternité durant laquelle nous nous défions du regard.

En remarquant ces yeux rougis par les larmes, je comprends que j'ai pris la mauvaise décision.

J'ai une promesse à tenir envers MJ.

Je tisse une toile et me projette dans les airs, avec cette fois-ci la ferme intention de revenir.

Spider-Man : My HomeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant