Lettre à ma mort

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Quand j'irai rejoindre les ombres
Et que j'embrasserai la poussière,
Quand vous vous amasserez en nombre
Lors d'une procession coutumière,
Soyez, je vous en prie, fiers et apaisés,
Car je l'ai effleurée pleinement cette existence.
Cessez donc votre cérémonie malaisée,
Voyez cet instant comme une délivrance.
Car oui je pars le sourire aux lèvres
Et ce sourire y restera à jamais gravé.
Alors vous aussi riez, rendez-moi chèvre,
Je ne vous en voudrai pas si vous aggravez
Le portrait flatteur et élogieux qui m'attend
Avec quelques sarcasmes plus habituels.
Ne vous en faites pas, je suis partant,
J'ai moi aussi signé ce contrat rituel
Qui propose une date d'embauche
Pour une vie à durée indéterminée.
Le chemin aura été long pour une ébauche
Et je ne regrette pas ma vie ici terminée.
Faites donc couler le champagne !
Trinquons à mon départ dans l'alégresse !
Et si les dernières paroles de ma campagne
Pour que vos rires encore progressent,
Sur cette terre embrasée par les torrents,
Doivent vous promettre à des années heureuses
Ce sera parce que je le demande en vous implorant,
Détachez-vous bien vite de la douleur doucereuse
Pour ne garder que le souvenir d'un poète instruit
Par la passion et l'échange entouré de ses proches,
Fidèles compagnons qui mon quotidien ont construit.
Allé, je vous le rappelle, lâchez donc ces accroches,
Laissez-moi vous quitter noblement pour mère nature.
En ce jour de retorouvailles saisissez l'oportunité,
Buvez à ma santé, jouez, contez vos folles aventures,
Comme je vous laisse ici-bas pour une courte éternité.

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