Chapitre 14

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Cette fois-ci, Tom s'était surpassé. Véritablement surpassé. Harry ne parvenait pas à retenir le large sourire barrant son visage, notamment en avisant la mine contrariée de l'autre homme. Celui-ci l'avait traîné à contrecœur dans un restaurant du quartier de Westminster pour manger un repas. C'était une petite échoppe, pas plus de quinze couverts, mais la réputation du lieu n'était plus à refaire selon les dires de l'homme. D'ailleurs, en pénétrant dans la salle, Harry avait vu le serveur afficher une mine ahurie, sa bouche s'ouvrant en un  o  assez amusant, quand il salua Tom. Il s'était ensuite éclipsé à l'arrière-boutique pour revenir avec le chef et propriétaire du restaurant.

Harry n'était guère étonné que Tom l'amène dans un restaurant où il connaissait le patron, sûrement depuis plusieurs années. Les changements et l'inconnu n'étaient pas trop le fort de Tom. Peu importe, Harry était déjà très excité de cumuler ce type de sortie depuis deux semaines avec son... petit-ami. S'il avait déjà utilisé ce terme en pensée auparavant, le fait que ce soit clair et officiel entre lui et Tom lui donnait une saveur toute particulière.

« C'est délicieux, » s'enthousiasma Harry en continuant à couper son entrecôte de bœuf. « Je ne vais pas souvent au restaurant, finalement. Avec Ron, on va souvent manger des bagels. Il y a des restaurants qui en proposent partout maintenant.»

« Ces espèces de sandwichs avec un trou au milieu composé de concombres et de saumon fumé ? » devina Tom avec une moue de dégoût. « C'est d'un tel banal. »

« Ce que tu peux être rabat-joie. As-tu seulement déjà goûté avant de critiquer ? »

Un sourire aux lèvres, Harry écouta Tom détailler un par un chacun de ses arguments pour lui expliquer combien la grande mode des bagels dans le monde de la restauration rapide était absurde. Il ne se lassait pas de l'écouter parler de sa voix basse et profonde comme si chaque sujet était particulièrement décisif pour l'avenir de l'humanité. Tom avait cette faculté de rendre tous les sujets importants et graves.

C'était étrange la manière dont ils étaient parvenus tous les deux à trouver un équilibre dans leur relation. C'était finalement facile de faire plein de choses à deux à l'extérieur en prétextant être deux amis se retrouvant pour passer un moment sympathique. C'était parfois frustrant car Harry avait de soudaines envies d'attraper la main de Tom, de se serrer quelques secondes contre lui ou tout simplement de l'embrasser mais pour le moment, il pouvait se contenter de cet étrange comportement d'amitié hors des murs de l'appartement de Tom.

C'était déjà merveilleux de pouvoir faire des choses ensembles même si Tom parvenait encore difficilement à se détendre entièrement. Ses yeux marrons fouillaient toujours autour de lui avec attention et il gardait toujours un contact visuel avec l'un de ses gardes du corps constamment posté à proximité d'eux. Harry s'efforçait d'oublier leur présence, leurs regards parfois portés sur eux et d'ignorer ce qu'ils pouvaient bien penser de lui, lui le petit jeune qui passait de nombreuses nuits dans l'appartement de leur patron. Leur relation était sans équivoque pour eux et Harry arrivait petit à petit à ne plus s'en sentir embarrassé.

« Tout ça pour dire qu'un sandwich avec du pain troué est une arnaque complète du consommateur qui pense être à la mode mais qui en réalité paie plus cher qu'un casse-croûte dans une demie-baguette classique, » trancha Tom avec sérieux.

Les lèvres de Harry s'incurvèrent de nouveau vers le haut en observant l'homme et son air placide. Comment parvenait-il à rester aussi sérieux et à tellement s'emballer, faisant tourner son cerveau à toute vitesse, pour lui sortir un exposé complet sur les bagels ?

« Oh. Probablement. Je soumettrai ton idée à Ron à notre prochain déjeuner, » dit Harry en haussant les épaules. « Je suis sûr que ça va l'intéresser. »

L'incorrigible AttractionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant