Jian accusait les coups sans broncher. Il était lui même abasourdi par ce qu'il s'était passé dans cet appartement, mais une pensée le fit sortir de sa léthargie.
— Seema, il faut que tu t'en ailles d'ici. Ce n'est plus sûr pour toi ! Le marchand cherchera forcément à s'en prendre à toi aussi.
Il attrapa les poignets de la jeune femme et l'obligea ainsi à arrêter de s'en prendre à lui. Les larmes coulaient sur ses joues rougies par la colère et elle mit quelques instants avant de se calmer. Quand elle réalisa la position dans laquelle elle se trouvait, elle recula soudain et alla se terrer contre un mur. Tel un animal sauvage. Intimidée, Kara s'approcha d'elle et frotta sa tête contre sa cuisse, mais Seema ne lui prêta pas attention.
De son côté, Jian se releva et épousseta son pantalon.
— Je suis sérieux, Seema, il faut que tu quittes la ville. Tu as provoqué un des marchands les plus influents de le Cité du Haut. Je ne pense pas qu'il compte s'en arrêter là.
La jeune femme haussa les épaules, le regard perdu dans le vague.
— Et alors ? Je n'en ai rien faire. Qu'il vienne me chercher.
Jian franchit la distance qui les séparait et s'accroupit face à elle.
— Tu ne peux pas dire ça. Teja ne voudrait pas t'entendre le dire.
À ces mots, les sanglots de Seema reprirent de plus belle.
— Elle était si jeune... elle ne méritait pas ça. Pas à cause de moi.
C'était ce qu'il y avait de plus dur à accepter. La vie dans les Bas-Fonds était difficile et rude. Il arrivait souvent qu'un enfant meurt faute de nourriture, d'une blessure infectée ou à cause d'une maladie que l'on n'a pas pu soigner...
Là, c'était trop injuste. S'en prendre à une enfant qui n'avait rien fait, c'était immonde. Ce monde valait-il vraiment la peine de vivre si l'on pouvait s'en prendre à une petite fille sans être puni derrière ? Était-ce vraiment la loi du plus fort qui prévalait ?
— Je vais le tuer.
Elle avait déclaré cela d'une voix blanche, mais déterminée. Jian écarquilla les yeux, sidéré.
— Je ne crois pas, non. Tu as merdé en libérant ses chevaux, il s'est vengé, maintenant tu quittes la ville.
Seema secoua la tête avec vigueur.
— Je dois venger la mort de Teja. Et pour ça, je vais le tuer.
— Seema, écoute-moi (Jian pris son visage entre ses mains, l'obligeant ainsi à le regarder). Tu sais te battre comme personne. Je te l'ai déjà dit. Mais tuer, ce n'est pas la même chose. C'est une étape que tu ne veux pas franchir.
— Qu'est-ce que tu en sais, toi ? éclata la jeune femme en le repoussant. Tu as déjà tué quelqu'un ?
Jian fit non de la tête et elle continua.
— Ne viens pas me dire ce que je dois ou ne dois pas faire ! Je te l'interdis ! Tu as eu ce que tu voulais, non ? Tu as eu belle somme d'argent grâce à moi. Alors maintenant fous le camp d'ici et laisse-moi toute seule !
— Par les esprits, Seema ! Tu ne te rends pas compte que tu vas droit vers ta mort si tu fais ça ?
La jeune femme se mit alors à crier, ivre de colère.
— Ne me parle pas des esprits ! Où étaient-ils quand Teja est morte ? Que faisaient-ils pendant qu'ils enlevaient la vie de son petit corps fragile ? Je ne veux plus entendre parler des esprits ! Ils sont lâches. Ils ont des facultés qu'ils refusent de partager avec nous. Ils vivent heureux, pendant que nous subissons le déséquilibre que les plus puissants nous imposent. S'ils s'inquiétaient pour nous, crois-tu vraiment qu'il y aurait les Bas-Fonds et la Cité du Haut ? Je n'ai jamais aimé les esprits, mais aujourd'hui je les exècre ! Je les hais du plus profond de mon coeur !
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Seema : l'appel
FantastikÀ dix-neuf ans, Seema vit dans les Bas-Fonds de la ville de Guza. Aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle n'a jamais connu ses parents et a grandi avec les Enfants Abandonnés. Alors que son quotidien de voleuse est bien rôdé, un évènement va la for...