Chap. 20 : mort

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Un rire moqueur, un autre fier et un dernier sadique s'assemblaient avec les moqueries de leurs sous-fifres pour animé la vielle rue délabrée de Takayama.

Ils l'avaient laissé comme mort.

Enfaîte, il était comme mort.

Il fixait le ciel, le regard vide.

Ou plutôt vidé, dans l'incapacité de réfléchir après un trop gros effort ou trop embrumé par la fatigue que pour faire autre chose que regarder ce qui l'entourait. Alors c'est ce qu'il fit : fixer le monde autour de lui.

Il y avait deux immeubles, un à sa droite et l'autre à sa gauche. Ils étaient vieux et sombres. Il se demanda qui y vivait.

Peut-être une maman débordée qui peinait à nourrir ses nombreux petits monstres ? Ou peut-être un petit vieux qui regardait la télé en se demandant ce qu'il s'était passé dans son parcours pour qu'il vive dans cet appartement miteux et dans ce quartier dangereux ?

Lui ne se demandait pas comment il en était arrivé jusqu'à là. Il n'en avait pas envie, il était fatigué.

Alors il se concentra sur autre chose : ce qu'il entendait. Justement il entendait que peu de chose, ce qui attira son attention. Depuis quand les si nombreuses voitures traversant la route en face des deux appartements étaient si silencieuses ? Depuis quand les oiseaux avaient arrêtés de crier ? Depuis quand il y avait une respiration erratique proche de lui ?

Il fut obligé d'à nouveau faire usage de sa vue afin de comprendre ces informations étranges. Il faisait nuit, enfin pas totalement. Un dernier rayon de soleil filait sur la route déserte en face de lui. Les oiseaux étaient déjà partis se coucher, et c'était ce qu'il devrait faire. Mais il n'avait pas envie d'y penser.

Alors il se concentra sur autre chose : ce qu'il humait. Mais il ne humait rien. Aucune odeur polluée venant de pots d'échappements ou des nombreuses poubelles jonchant les rues. Il devrait paniquer de ne pas pouvoir sentir les odeurs. Mais il n'avait pas envie d'y penser.

Alors il se concentra sur autre chose : ce qu'il goûtait. Il goûtait quelque chose d'âcre, métallique et avec un étrange arrière-goût de sels : du sang. Un goût qu'il avait appris à connaître et qui lui avait appris que ce n'était pas bon signe. Il devrait vérifier son état, mais il n'avait pas envie d'y penser.

Alors il se contenta sur autre chose : ce qu'il sentait. Il se concentra d'abord sur sa grande douleur à l'estomac. Douleur étrange à décrire, mais ça lui faisait mal : même horriblement mal. C'était comme si des milliers d'aiguilles s'étaient enfoncés dedans. Il avait aussi très mal à la main. Peut-être était-elle gonflée, cassée ou avait été arrachée. Il ne savait pas. Il avait trop mal à la tête que pour essayer de tourner la tête vers son bras, qui n'entrait malheureusement pas dans son champ de vision. Son pied gauche lui faisait presque la même sensation, mais elle n'était pas brisée en deux. Donc sa main ne devait pas être arrachée. Toutefois, pour son oreille, c'était une autre affaire. Il avait rarement eu mal à oreille, mais il se doutait qu'une douleur pareille n'était pas normale. C'était sûrement pour ça qu'il avait du mal à entendre tout ce qui l'entourait. La bonne nouvelle était qu'il avait trouvé la réponse à la lourde respiration qu'il entendait : c'était la sienne. Son nez était cassé. C'était sûrement aussi pour cela qu'il ne pouvait pas sentir les pots d'échappement. Son corps ressemblait à un pantin désarticulé salie de bleu et de coupure. Son corps lui criait qu'il était en mauvais état. Mais il n'avait pas envie d'y penser.

Alors il se concentra sur autre chose : mais il n'avait plus rien. Il avait déjà exploité ses cinq sens et n'en possédait malheureusement pas de sixième. Mais heureusement, quelque chose vint occuper son esprit. Plus précisément un froissement de tissu, suivit d'un gémissement de douleur puis de bruit de pas. C'était Sutaru Hayato.

The Justice League - Tododeku/ShinsoxocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant