Chap. 17 bis : Kamereon ; le prince et la princesse

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On s'était moqué de son physique, encore une fois. Son nez était trop long, ses yeux trop petits, sa poitrine pas assez développée, sa peau trop noire, ses cheveux trop clair et gras. Elle était "trop", surtout dans sa classe face aux filles parfaites semblant s'être cloné tant elle se ressemblait, avec seul leur coupe de cheveux pour se différencier. Elles étaient toutes parfaites. Sauf elle, elle était trop : trop différente de leur clonage. Alors on se moquait d'elle, comme si elle était un monstre, au point qu'elle ne finisse pas le croire. Et elle détestait ça.

Elle en avait marre d'être "trop", d'être le monstre sortant du moule. Alors elle l'avait fait disparaître. Elle s'était transformée. Le monstre qu'elle était s'était transformé en princesse. Sa peau était comme les autres : blanche, voir plus brillante, son visage lumineux avec un nez et des yeux à la bonne taille, une poitrine désireuse et avait rejoint l'épique des filles seulement différentiable par leur coupe de cheveux. Elle ne se faisait plus insulter, elle ne se faisait plus frapper dans les toilettes ; elle ne voyait plus un monstre dans le miroir. Elle s'était même fait des amies. Elles la conseillaient beaucoup sur comment devenir la parfaite princesse, grâce à son alter. Alors elle avait changé, beaucoup. Le monstre était devenu une très belle collégienne puis une princesse. Elle changeait d'identité tous les temps, cherchant toujours à satisfaire l'idéale de princesse de ses amies. Elle était même à nouveau sortie du moule, sauf que là, c'était parce qu'elle était trop belle, trop désirée, trop princesse. Et on aimait ce genre de trop. Alors elle était heureuse.

Enfin, c'était ce qu'elle croyait. Il avait fallu qu'un nouvelle élève arrive pour qu'elle s'en rende compte. Il ressemblait à un prince charmant. Toutes les filles de la classe le désiraient. Comme elle. Ils étaient le prince et la princesse.

Mais elle souhaitait être plus. Alors c'est ce qu'elle avait fait grâce à ses amies. Elle avait enchaîné les identités, pour devenir trop bien pour le prince. Mais le prince ne voulait pas qu'elle soit trop.

Un jour, il s'était interposé entre elle et ses amies. Il leur avait dit que ce qu'elles lui disaient n'était pas correct, qu'on s'en foutait du physique et que ce n'était que l'intérieur qui comptait. Des vraies paroles de prince, des fausses paroles. Néanmoins, elle avait pris la peine de l'écouter lorsqu'il racontait qu'il la préférerait au naturel. Alors c'était ce qu'elle avait voulu faire.

Mais elle ne put le faire. Elle avait oublié à quoi elle ressemblait. Seul des photo d'elle enfant l'indiquait dessus. Mais ce n'était pas ce à quoi elle ressemblait dont elle avait besoin, mais de sa taille. À force de ne jamais revenir à sa forme d'origine pour la laisser grandir et prendre sa taille, elle avait disparu. Le monstre avait disparu pour laisser place à une princesse, comme elle le souhaitait tant autrefois. Pourtant, lorsqu'elle s'est rendu compte de ça, elle n'a fait que pleurer, durant des jours. Elle s'était rendu compte qu'elle avait perdu une part d'elle-même qui ne reviendrait jamais.

Elle avait aussi compris qu'elle n'était pas heureuse. Ses amies ne l'aimaient que pour son alter. Et, même si le harcèlement n'était plus autant présent, il était déguisé par des phrases qui se voulaient être gentille et son identité avait disparu pour laisser place à de centaines d'inconnues qui l'étouffait dès qu'elle souhaitait prendre le dessus. Elle n'était plus le monstre, mais le monstre était elle. Elle n'était plus elle.

En se regardant dans le miroir, elle ne voyait qu'une inconnue. Une princesse à la trop grosse poitrine, au corps trop mince et au visage trop parfait. C'était une princesse qui faisait attention à tout ce qu'elle disait et faisait, qui aimait le shopping, sortir avec ses amis, les plats sains, le sport et à la personnalité douce et gentille étouffante. C'était la princesse qu'elle avait créée. Mais ce n'était pas elle. Elle ne savait même plus ce qu'elle était et ce qu'elle aimait. Depuis quand elle n'osait plus dire ce qu'elle voulait ? Depuis quand elle aimait manger sain ? Au fond, qu'est-ce qu'elle aimait ? Qu'est-ce qu'elle était ? Elle ne le savait même plus, elle lui semblait être une inconnue.

Alors elle avait décidé de se refaire une identité, mais qui lui ressemblerait cette fois. Qui serait elle. Une identité qui viendrait sûrement l'étouffer, mais qu'elle dominerait pour qu'elle lui ressemble. Celle d'un monstre.

Elle avait ironiquement choisi ce physique. Car c'était comme ça que la gens la voyait petite, c'était comme ça qu'on l'avait traité, c'était comme ça qu'on l'avait obligé à se voir. Alors si c'était comme ça que tout le monde la percevait, elle n'avait qu'à le leur montrer un vrai monstre ! Elle avait choisi le fantôme de son film d'horreur préféré, puis chercher la taille de l'actrice sur internet avant de se métamorphoser pour la dernière fois.

Le lendemain à l'école, tout le monde l'avait traité comme un monstre, comme lorsqu'elle était petite. Sauf que maintenant, elle en était vraiment un. Ses amies avaient essayé de la persuader d'à nouveau changer d'identité, mais elle avait refusé. Alors elles l'avaient abandonné, faisant mine de ne plus la connaître pendant toute la journée. Tout le monde l'évitait, parlait dans son dos et elle avait même eu droit à une insulte. Mais pour la première fois depuis longtemps, elle était heureuse.

Et la semaine qui suivit, alors qu'elle reprenait peu à peu le train-train de sa vie de monstre, le prince charmant l'avait abordée à la sortie des cours, courant derrière elle. Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, il l'avait regardée dans les yeux. Sauf qu'elle n'y lisait pas de la pitié, mais un soulagement. Elle se dit que, peut-être, au fond, le prince charmant avait également été un monstre et que ça le rassurait de voir quelqu'un reprendre cette identité.

Il lui avait proposé d'aller ensemble à un festival. Une demande incongrue, illogique, d'un résonnement trop simple en se disant que, comme ils étaient voisins, les choses à l'improviste était mieux. Une logique foireuse qui fut uniquement accepté par le sentiment de curiosité et d'ennuis par la solitude les attendant chez eux. Ce fut ainsi qu'elle arrive à la première conclusion que Tori était stupide.

Et le lendemain, il était revenu à sa table avec un bento et un paquet cadeau.

- Tu sais que c'est stupide d'emballer un cadeau où je sais ce qu'il y a à l'intérieur ?
- Fait pas ta rabat-joie et ouvre ! J'ai galéré en plus pour faire le paquet !

Avec exaspération, elle ouvrit le cadeau qui fût sans surprise des boucle d'oreilles à pics.

Sous ses airs bourrus, Kamereon avait énormément été touché. Car pour la première fois, on ne lui avait pas demandé de changer pour le bijou, mais c'était le bijou qui avait été choisi pour elle. Et par cet acte trahissant l'administration qu'éprouvait Tori à son égard face à son courage, sa détermination et son évolution, l'amour avait planté ses premières graines. S'il n'avait vu qu'une princesse en détresse au début, là, il voyait une battante qui avait battu tous les obstacles sur son passage. Un véritable monstre, mais dans le bon sens du terme. Mais surtout, avant d'être tout ça, il voyait une fille courageuse qui avait réussi à voler son cœur avant même qu'elle se transforme.

C'est pour cela qu'il n'abandonnerait jamais, car tant que Kamereon serait là, elle lui donnerait tout le courage nécessaire pour continuer à vivre et sourire.

The Justice League - Tododeku/ShinsoxocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant