Nous nous assîmes à une table dont Angèle était en train de débarrasser. Pendant qu'elle s'activait à retirer les assiettes, Desya la fixait d'un regard charmeur. Ses joues se teintèrent de rouge. Elle releva la tête et adressa un petit regard furtif à Desya puis un sourire timide avant de détourner les yeux, mal à l'aise. Quand elle disparut, j'interrogeai immédiatement Olsen.
— Que fabriquez-vous avec Angèle ?
Le jeune homme tourna sa tête vers moi. Une lueur incrédule passa à ce moment au fond de ses yeux.
— Je sors de prison, je peux bien prendre un peu de plaisir.
Il contint un petit rire de mépris avant d'ajouter :
— Mais vous ne pouvez pas comprendre, vous êtes une none.
Je redressai mes épaules, m'interdisant de faiblir.
— Et je suis bien contente d'en être une face à un homme comme vous.
J'allais ajouter autre chose pour remettre la discussion sur la bonne voie, mais Desya me coupa la parole :
— Sérieusement, vous n'avez jamais goûté au sexe de votre vie ?
Le fantôme d'un sourire passa sur ses lèvres. Je m'empourprai. Avec un coup d'œil par-dessus son épaule, je m'assurai que personne ne nous entendait puis je revins sur lui en m'empressant de changer de sujet :
— Poursuivons l'entretien commencé avec Manuela.
J'ouvris le dossier un peu trop brusquement pour remplir le rapport demandé par le juge et interrogeai Olsen :
— Comment se sont passées vos premières heures au Marcus Café ?
Je relevai mes yeux sur lui. Le jeune homme se cala au fond de son siège en gardant le silence. Son comportement détaché m'agaçait.
— Desya, vous vous pénalisez tout seul. Je peux ne rien marquer dans ce dossier, mais vous devrez en assumer les conséquences.
Olsen inclina la tête et disciplina soigneusement ses traits. Mes mots ne paraissaient pas lui faire grand-chose. Sur un ton présomptueux, il répondit :
— La ville verse à votre association d'importantes subventions au vu des bons résultats que vous avez avec la population d'East Harlem. Le programme pilote dont je suis actuellement le cobaye représente combien ? 80%, 90% sur vos chiffres de cette année ? Pour faire court, Bluebell, si je coule, votre association coule aussi, car j'aurais planté toutes vos statistiques. Sans résultats, vous n'avez plus de budget. J'ai fait Columbia, pas une formation de serveur.
Mon regard cilla. Je collai mon dos contre mon siège pour réfléchir un instant. Intérieurement, je brûlais de colère. J'imaginai une Bluebell en train de tout casser en haut, dans ma tête. La vaisselle les cadres, les bibelots... C'était comme ça qu'il voulait me voir : déstabiliser. Mon silence lui procurait un plaisir pervers, je le voyais bien. Dans un immense effort, je me ressaisis.
— Les chiffres ne m'intéressent pas, nous parlons là d'être humain. Pour être honnête, oui, l'association a besoin de subvention pour aider les personnes qui en ont le plus besoin, comme vous.
— Comme moi ? répéta-t-il en levant un sourcil.
Olsen soupira, regarda autour avant de revenir sur moi.
— Répondez à mes questions et je répondrai aux vôtres, Bluebell. C'est la nouvelle règle du jeu.
Je répliquai pleine de hargne :
— Non, ça ne se passe pas comme ça ! On ne joue pas, là, Desya.
Olsen fit comme s'il n'avait pas entendu mes derniers mots et insista :
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Burn, beautiful Crow ( Version Française )
RomanceDesya, 30 ans, sort de prison après avoir purgé une peine de cinq années pour violence en réunion et incitation à la haine raciale. En liberté conditionnelle, il est choisi pour intégrer un programme pilote dont le but est de réinsérer dans la socié...