Chapitre 22-3

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En attendant Frederick, je décidai de m'installer au bar pour boire une bière. Seul, je prenais le temps d'apprécier l'instant.

Après avoir bu une gorgée, je jetai un regard autour de moi. Il y avait peu de monde. Les gens de ce club très fermé arrivaient en général un peu plus tard. C'était des hommes d'affaires riches et célèbres qui partageaient tous les mêmes idées. Un réseau qui trouvait ses origines dans les puissantes confréries universitaires du pays.

L'université. Cette époque n'avait été que fureur et tempête. J'étais incapable de dire le nombre de bagarres que j'avais provoqué ou les agressions gratuites que j'avais commises. Le moindre prétexte était bon pour m'éclater les poings, éclater les lèvres de mes victimes. Difficile, exigeant, terrifiant, je faisais vivre un cauchemar à mes rivaux, encore plus s'ils étaient d'origine hispanique.

Mon esprit continuait de se balader dans le passé, dans mes ténèbres les plus profondes. Et puis, une pensée terrifiante s'imposa à moi. Jusqu'où aurai-je été capable d'aller en ce temps-là ? Aujourd'hui, j'avais trente ans, j'avais le recul nécessaire sur les choses. Je ne pensais pas être plus tolérant, mais plus patient. La prison m'avait apporté cette constance.

Un calme étrange s'empara de moi quand l'image de Blue m'apparût. Son sourire suffisait à m'apaiser. Auprès d'elle, mes brusques changements d'humeur se faisaient de plus en plus rares ces derniers mois. À cet instant, je ne voyais plus mon verre. Je sombrais dans les immenses yeux noirs de Blue. Je fermai les paupières de toutes mes forces et inspirai profondément pour la chasser de ma tête, pour dissiper la sensation de sa peau nue sous moi et ses longs soupirs quand je lui faisais l'amour.

— Vous avez la mine de quelqu'un qui a besoin de compagnie !

Je me tournai vers la voix masculine, au timbre chantant. Un homme plus petit que moi, vêtu d'un costume rouge et noir, s'assit à ma droite. Son teint hâlé et ses traits amérindiens détonnaient dans cet endroit "réservé" à la population blanche de New York. Il avait une soixantaine d'années, pas moins. Ses cheveux grisonnants, impeccablement coiffés, étaient ramenés vers l'arrière. Je scrutai son visage, creusé par les rides. Bizarrement, il me rappelait quelqu'un.

Je détachai mon regard de lui et balayai l'endroit des yeux.

— Qui êtes-vous ? Qui vous a laissé entrer ?

L'homme parut amusé par ma question.

— C'est le moment où les équipes tournent. Il y a un léger relâchement dans la surveillance.

Je plissai le front, suspicieux. L'homme haussa les épaules et déclara :

— J'avais besoin de vous parler, Olsen. Ce club m'a l'air moins dangereux que les locaux de votre société.

Mon attention se dirigea vers les portes puis à l'autre bout de la salle. Des hommes de la sécurité étaient en train de se parler en nous fixant avec insistance.

Je revins sur mon voisin inconscient qui ne paraissait pas mesurer la gravité de la situation.

— Vous allez vous faire jeter, déclarai-je d'une voix froide et lisse. Vous n'êtes pas le bienvenu, ici.

Je pris mon verre et bus une nouvelle gorgée.

— Ces gros bras n'oseront rien me dire. Je suis avec vous, je ne risque rien.

Je lui adressai un regard lourd de menaces.

— Croyez-moi, je ne bougerai pas le petit doigt pour vous. Maintenant, dégagez !

Deux hommes de la sécurité se rapprochaient de nous tout doucement. D'un instant à l'autre, l'inconnu allait être chassé de cet endroit sans aucun ménagement.

Burn, beautiful Crow ( Version Française )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant