Chapitre Sept

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- Allons bon, voilà autre chose... soupira une femme d'apparence jeune.
Elle rangea son épée et contempla le charnier derrière elle.
Un tas de corps se chevauchant était tristement posé là. Ces cadavres déformés par l'Esprit corrompu étaient désormais inertes, leurs parties humaines brûlées par des rayons solaires. La jeune femme responsable de ce carnage se tourna vers un homme qui semblait être le deuxième plus haut placé dans la hiérarchie. Il était affûté d'une lourde armure et portait un véritable scutum en acier dans le dos.
- Ces choses ne sont pas nées de la tempête, annonça-t-il. Ferions-nous face à une nouvelle menace ?
- Je l'ignore, avoua la dame. Il est peut-être temps que ce monde sombre. Je dois d'abord tenir un conseil en Garganie. Où en est la tempête ?
- La dernière fois qu'elle a été vue, elle était aux abords de la Forêt de Jade. Elle semble progresser vers l'Est à présent.
- Et pour l'Œuf noir ?
- Toujours aucune nouvelle, votre majesté.
La femme soupira et posa sa main sur le front en signe d'agacement.
- Combien de fois devrais-je le dire ? Je ne suis pas ta reine, je suis ta collaboratrice.
- Tant que vous serez reine de Veredoth, vous serez à jamais ma reine.
- C'est un titre que j'ai du mal à garder. Et je ne suis plus sûre de le vouloir. Mes implications dans cette guerre contre Ghärl ont pris le pas sur mes obligations de reine. Pour moi, le titre le plus important est celui d'Eidolon, nul autre.
- Il se passe quelque chose, Ketria, déclara le conseiller en croisant les bras, son regard fixé vers les montagnes au loin. La menace ne vient pas que de Ghärl. D'autres forces nous observent, plus puissantes peut-être.
- Un problème à la fois, conseiller Gryal. L'urgence est de s'occuper la tempête. Savoir qui la déclenche et pourquoi.
- Et récupérer l'Œuf noir, ajouta Gryal.
- Cela va sans dire.
Ketria abandonna son conseiller et se mit en route, sautant sur un cheval et détala à toute allure en direction de la Garganie. Il lui faudrait plusieurs semaines pour l'atteindre. Elle savait très bien que Kinaya l'y rejoindrait directement. Elle ne savait cependant pas que sa porte-parole avait vécu exactement la même chose.

*
**

Vertchamp était sens dessus-dessous. Certaines façades en pierres avaient été éventrées. Des flammes rongeaient quelques fondations en bois. Des dizaines d'hommes et de femmes étaient étendus au sol dans un bain de sang, certains d'entre eux desséchés, comme si leur corps avait subitement vieilli. Sybil se tenait au milieu des décombres, observant avec satisfaction son œuvre. À ses côtés, le Démon de verre avait recouvré l'intégralité de sa masse, de ses couleurs et de sa peau. Cependant, l'expression sur le visage de la Sorcière se décomposa brutalement. Quelqu'un d'extrêmement puissant venait de faire son entrée. Elle ressentait la puissance de cet être hors du commun jusque dans son Arcane. En effet, une silhouette inconnue et encapuchonnée s'avançait droit vers elle.
- Que fais-tu ici ? Retourne d'où tu viens, cette affaire ne te concerne pas ! cracha Sybil.
- Quelque chose me dit que tu sers les forces de Rasankan, répondit une voix doucereuse et visiblement féminine.
Sybil plissa les yeux et observa quelques marques sur son avant-bras droit. Il s'agissait en réalité de tatouages typiques du continent d'Asvari. Des lignes élégantes s'entrecroisaient dans des motifs complexes et magnifiques, témoins d'un savoir-faire indéniable.
- Qui es-tu ? souffla la Sorcière en grinçant des dents, sentant que la puissance en face d'elle dépassait tout ce qu'elle avait imaginé. Je ne crois pas t'avoir jamais vue dans les parages.
- Je viens d'arriver sur le continent, avoua l'inconnue. L'Appel semble réunir tous les Eidolons qui n'ont pas été corrompus, alors j'y réponds.
Elle retira son capuchon, révélant alors un visage assez jeune et une expression déterminée avec une pointe de malice dans les yeux. Il s'agissait d'une humaine aux yeux verts magnifiques, un visage plutôt arrondi, des lèvres pulpeuses et des cheveux blonds assez longs, semblant s'entremêler dans tous les sens, lui donnant un peu un air de sauvage.
- Mais puisqu'il faut faire les présentations, je me dénomme Ogda Lune-d'Argent et j'arrive tout droit d'Asvari. J'ai fait une longue route et je pensais me reposer un peu, mais j'imagine que cela va attendre un peu, déclara-t-elle en observant le Démon aux côtés de la Sorcière. Je vais d'abord devoir m'occuper de vous.
- Nous ne sommes pas inconscients au point d'affronter un Eidolon, répondit Sybil avec un ton hautain.
- Un Eidolon ?
Ogda sourit alors que son visage se rembrunit. Une vague de puissance l'entoura. Elle était tellement puissante qu'elle fit trembler la terre. Les cheveux de la jeune femme se soulevèrent, dansant au gré des rafales. Cette vague prit peu à peu une couleur jaune caractéristique et Ogda libéra la vague, étalant les deux intrus au sol.
- Je suis bien plus que cela, malheureusement pour vous. Il semblerait que ce ne soit pas votre jour de chance. Ou plutôt, vous pouvez être honorés d'avoir rencontré une véritable Héritière Déiste.
Les deux intrus se relevèrent avec difficulté, leur souffle étant court et leur conscience au bord de la rupture.
- Je suis impressionnée que vous soyez toujours conscients, déclara Ogda. En général, tout le monde se fait assommer.
- Tu n'affrontes pas n'importe qui, se justifia Sybil.
- Vraiment ?
Une aura sombre entoura Sybil et le démon et bientôt un voile les recouvrit entièrement avant de laisser place à du vide, comme si les deux ennemis n'étaient jamais venus ici. Seuls les décombres et les cadavres étaient témoins de leur passage.
- Une Sorcière... songea Ogda à voix basse. Il en existe encore sur ce continent ?
Elle observa les montagnes au loin. Son Arcane bouillait en son for intérieur. L'Appel la guidait vers le Nord. Elle sortit de la ville et remarqua que la neige avait déjà bien envahi les paysages alentour. Elle n'en avait que faire. La terre était son alliée. Depuis toujours, elle lui obéissait. Ogda se mit à courir et la terre commença à s'agiter autour de ses bottes. Elle prit peu à peu appui sur un rocher qui glissa sur le sol à une grande vitesse. Elle s'aida de ses bras pour s'équilibrer. Elle aimait la sensation du vent dans ses cheveux lorsqu'elle fonçait à toute allure entre les différentes contrées, cela lui procurait l'incommensurable sentiment de liberté. Elle souleva quelques monticules de terre pour caresser le sol naturel qu'elle aimait tant. La Déesse Alieka avait donné à Errea un sol solide et stable pour s'y déplacer en toute quiétude, quelle hérésie de construire par-dessus des allées pavées. Elle se dirigea donc vers le Nord, sur son rocher mouvant, glissant sans difficulté.

Les Guerres Arcaniques Tome 1: La Tempête des IllusionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant