Chapitre six

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École de Magie Céleste de Nimìlen, Faengar, Six ans auparavant...

Un élève referma l'épais volume, entouré par tant d'autres posés sagement sur les étagères, tous gardiens d'un savoir bien précis: art, musique, histoire, magie... Autour de lui, des dizaines d'étudiants s'affairaient mais il n'y prêta aucune attention. Il se leva et regagna sa chambre en empruntant un long escalier de pierre en colimaçon. Normalement, les élèves étaient quatre dans chaque chambre mais il avait une dérogation spéciale qui lui permettait d'avoir une chambre à lui tout seul. À côté de son lit beaucoup plus confortable que les autres était posée une lourde malle contenant toutes ses affaires. Sur la table qui lui servait de lieu de travail se trouvait divers parchemins manuscrits un peu éparpillés, un encrier supportant une magnifique plume rouge, une pile de livres personnels ainsi qu'une lampe à huile. Il s'installa sur la chaise et compléta alors ses notes déjà bien fournies.
Il ne devait en aucun cas rater son examen de Mage Céleste. Il avait eu les meilleurs professeurs ainsi que les meilleures conditions d'étude, sans distraction aucune. La grande épreuve était pour demain. Il était plus que prêt; depuis tout petit il rêvait de devenir Mage Céleste, de comprendre l'Arcane et de maîtriser les moindres secrets de cette énergie si puissante et dangereuse. Pourquoi certains peuples comme les Dryades en étaient naturellement pourvus alors que d'autres tels que les Humains devaient apprendre à l'absorber? Il espérait un jour répondre à cette question.
Il se précipita dans son lit et sourit d'avance à ce qui l'attendait demain. Il ferma les yeux et une lointaine ritournelle résonna dans sa tête, comme pour le bercer et le rassurer.

Du fond des vallées
Aux montagnes escarpées
Des profondeurs des océans
Aux majestueux cieux nous guettant
Tout ce qui nous entoure
Nous dévore d'amour

De villages en cités
Une femme voyage
De toute beauté
Se fondant dans le paysage
Si tu es celui qu'elle attend
Elle t'offrira un beau présent

Notre sort est-il jeté? Elle t'envoûtera
Avec ses douces paroles et son parfum de lilas
Le monde n'a que faire
D'une âme si éphémère

La dame pratique la magie
Elle manie les plantes et l'alchimie
Elle peut te guérir
Toi qui vas mourir
Et de ses enseignements
Tu ressortiras plus grand

Ses boucles noires annonciatrices de ton sort
Le rose de son regard t'entraînera à la mort
Ne le croise pas
Toi qui voyages ici-bas
Car aucun n'a pu, ici
Lui résister ainsi

Notre sort est-il jeté? Elle t'envoûtera
Avec ses douces paroles et son parfum de lilas
Le monde n'a que faire
D'une âme si éphémère

Retrouve-la car si tu lui portes secours
Elle fera de toi un roi sans nul détour
Elle te portera chance
Et avec connivence
Elle t'accompagnera
Jusqu'à ton trépas

Notre sort est-il jeté? Elle t'envoûtera
Avec ses douces paroles et son parfum de lilas
Le monde n'a que faire
D'une âme si éphémère

Et au son de cette mélodie, l'élève plein d'espoir s'endormit en priant Koredin de garder ses connaissances bien au chaud jusqu'au moment fatidique.

Le lendemain

Le lieu de l'épreuve finale était un grand espace ouvert situé dans les immenses jardins de l'école. Des gradins et tribunes étaient disposés en cercles concentriques, donnant au tout un aspect grandiose et spectaculaire, sentiment renforcé par les multiples bannières colorées flottant au vent et par les multiples lanternes colorées en papier suspendues. Dans l'une des tribunes spécialement agencée, un groupe de musiciens jouait une chanson dansante et joyeuse. À côté de ces fanfaron s'élevait une autre tribune, beaucoup plus élevés remplie par une vingtaine de personnes; les professeurs ainsi que le directeur de l'école. Ce dernier, enveloppé d'une robe rouge et bleu, se leva et ce simple geste provoqua un silence absolu. L'homme en question avait réussi à décupler le son de sa voix et elle sonnait puissante et intimidante.
- Cardan Oeil-d'Azur, notre élève le plus prometteur, va désormais, sous vos yeux, être mis à l'épreuve. S'il réussit ce rituel, il sera considéré alors comme Mage Céleste et pourra exercer ses fonctions. En revanche, s'il échoue, il ne devra plus jamais pratiquer. L'épreuve consiste simplement à garder sous glace...
Une plateforme au centre de l'arène monta dans un bruit assourdissant de chaînes. Une créature se découvrit dans une cage sombre: elle possédait huit pattes velues, la chose faisait au moins deux fois la taille du jeune homme, deux mandibules postées offensivement sur sa tête, huit horribles yeux pour guetter le moindre mouvement.
- ... ce splendide spécimen d'Aranakis! termina le vieil homme.
Cardan fit un bond en arrière. Cette bestiole le dégoûtait. Il en avait toujours eu une peur bleue. Les Aranakis vivaient principalement sur les continents de Korghian et de Berinor, ce qui amena à Cardan à se demander, dans sa tête, la chose suivante: « comment une telle créature avait pu atterrir ici? ». Mais au fond, peu importe. S'il se laissait distraire par de telles questions, il allait y laisser sa peau.
Les épreuves de fin de semestre différaient pour chaque élève. Le fait de devoir immobiliser un être vivant était une chose extrêmement complexe dans l'univers des Mages Célestes, bien plus habitués à travailler avec des corps inertes et à les changer en d'autres. Et malheureusement pour Cardan, ses études complexes l'avaient conduit à la sale manie de se tromper de formule.
L'Arakanis fondit sur lui. Il sortit de ses songes lorsqu'il vit une énorme boule verte foncer sur lui. Ce projectile était en réalité une boule de sucs gastriques que l'arachnide utilisait pour dissoudre ses proies à distance afin de manger la bouillie. Cardan effectua une roulade et vit l'attaque s'écraser contre un rocher qui tentait de résister à l'acidité. Cardan leva son bâton et prononça une courte formule qui fit s'élever des rochers, ce qui déstabilisa la créature quelques instants. Puis, paniqué, il récita une nouvelle formule qui lança une gerbe de flammes sur l'arachnide. Les petits poils constituant son corps prirent feu.
Cardan écarquilla les yeux alors que la bête se débattait pour éteindre les flammes. À nouveau, il s'était trompé de formule. Il n'osa pas le relever, conscient que la réussite de son examen était en jeu. Il rectifia la formule, ce qui eut pour effet de durcir les flammes et de libérer l'Arakanis de son supplice. Cette dernière reprit bien vite ses esprits et fonça droit sur le jeune apprenti. Il roula sur le côté pour esquiver la charge et tendit son bâton avant de réciter une nouvelle formule.
- Cenović!
Une fine couche de gel commença alors à envelopper le corps de la bête, réduisant peu à peu ses mouvements jusqu'à totalement l'envelopper. Cardan ne se décontenança pas et maintint sa concentration.
- Pulsarò! s'exclama-t-il.
La couche de gel s'épaissit alors, formant une véritable prison de glace. L'Arakanis cessa alors tout mouvement et le jeune mage observa son œuvre, un sourire au coin des lèvres.
-        Je t'ai eue ! s'exclama-t-il.
D'aucuns auraient dit qu'il parlait de la bête, d'autres mauvaises langues diront par le futur qu'il parlait de la formule. Toujours est-il que ses supérieurs validèrent son entrée dans la suite du cursus et firent de lui un authentique Mage Céleste.

Les Guerres Arcaniques Tome 1: La Tempête des IllusionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant