Les Guerres Arcaniques Tome 1: La Tempête des Illusions

Chapitre Dix

Pharrah, Shali, Linlek, Cardan et leur tutrice Kinaya s'étaient réfugiés dans une caverne creusée dans une montagne. Ils avaient marché pendant deux jours, l'endroit où les avait emmenés l'Elfe n'était plus sûr. Le vent glacé s'engouffrant dans l'abîme leur mordait les joues. La neige avait désormais rendu les routes impraticables. Pharrah ne put dormir l'esprit tranquille. De sombres rêves entachèrent sa nuit, la forçant à se réveiller en sursaut alors que la lune était au plus haut dans le ciel. Ses amis dormaient tous paisiblement alors que le ronflement du vent dans la caverne s'était fait plus assourdissant. Kinaya veillait sur le feu, le remuant parfois avec le bout de sa lame.
-        Tu devrais de reposer, fille de Taurem.
-        Il y a bien trop de tourments qui m'en empêchent. Tu... as connu mon père ? se risqua-t-elle à demander.
-        Il a forgé mon armure.
Elle retira sa cape, laissant apparaître une étincelante armure blanche. Le plastron laissait fièrement apparaître un ronil en or. Les solides jambières étaient finement taillées et les gantelets présentaient de fins renforcements tranchants.
-        J'ai arresté une lame avec ce gant et elle s'est brisée net. Ton père était un forgeron d'exception, mon amie. Je lui dois tant. J'aurais aimé le connestre davantage, c'était un homme bien et juste. Il a dit qu'il voulait étudier le métal de mon épée, mais il n'en eut jamais l'occasion.
-        L'oritel est un métal qui est uniquement disponible là d'où tu viens, n'est-ce pas ?
-        C'est exact. Les Isles Loduria regorgent de trésors inestimables tels que l'oritel, la lodurite... (elle marqua une pause en plongeant son regard dans le vide) le sang des Elfes...
-        C'est odieux de vouloir torturer des Elfes uniquement pour une valeur marchande ! s'offusqua Pharrah.
-        Notre cœur est entièrement fait de lodurite, Pharrah, ce qui fait de nous des estres magiques par nature. Nous sommes immortels, alors un Elfe est une denrée inépuisable étant donné que les blessures que l'on nous fait guérissent.
Subitement, Pharrah sembla préoccupée par une autre chose. Quelque chose qui provenait du centre de la grotte. L'air se faisait plus lourd dans les ténèbres. Le sang de la jeune forgeronne bouillait ardemment dans ses veines.
-        Il ne faut pas rester ici... déclara-t-elle.
-        Hélas, nous ne pouvons repartir. Les routes sont bloquées à cause de la pluie de gel.
-        D'accord, alors... à quoi avons-nous affaire ?
-        Cette caverne a été creusée il y a deux mille ans, Pharrah. Les créatures qui se sont tapies dans les ténèbres se comptent par centaines. Je ne puis les identifier toutes.
D'horribles cris survinrent des profondeurs, accompagnés d'un fracas assourdissant de métal. Puis, les premières lignes d'ennemis apparurent à la lueur du feu. Il s'agissait d'horribles créatures aux dents pointues et à la tête difforme surmonté de deux paires de petits yeux jaunes. Leurs corps étaient maigres et en général, trois ou quatre bras les constituaient. Le tout était de couleur sombre – noir et rouge – et évidemment griffu de toutes parts.
-        Des Goules ! observa Pharrah.
-        Les Goules ne sortent jamais sans quelqu'un pour les diriger ! appuya Kinaya.
-        On s'occupera de ça plus tard ! répondit la forgeronne qui savait garder la tête froide.
Elle para deux coups de griffe et son épée arrêta net les coups. Elle profita de l'élan qu'avaient pris les monstres pour leur trancher la tête. Kinaya suivit le mouvement et exécuta sans se faire prier quatre nouvelles créatures. Les dames semblèrent danser au milieu des ennemis tant leurs mouvement étaient gracieux et précis. Pharrah s'accordait parfaitement avec sa partenaire, même si ses coups étaient plus bruts là où l'Elfe accompagnait chaque mouvement comme une chorégraphie ondoyante. Mais bientôt les ennemis furent bien trop nombreux et ces braves guerrières confirmées furent vite submergées.
Elles reculèrent, essayant d'échapper aux nombreuses griffes acérées. Pharrah hurla de toutes ses forces. Les autres compagnons se réveillèrent dans un sursaut et une panique généraux. Linlek fut à peine levé qu'il se trouva aux prises de trois Goules, essayant de le plaquer au sol. Cardan eut le temps de se placer devant la Sorcière du groupe et invoqua une barrière de glace. Mais les coups contre cette protection temporaire étaient brutaux et bientôt, elle cèderait. Kinaya tomba la première au sol. Elle, la personne la plus confirmée au sein de leur petite compagnie. Que pouvaient-ils bien faire si Kinaya, l'Eidolon de Maj'Ta, faiblissait ? Et soudain, le temps sembla totalement s'arrêter. Un cri accompagna le chaos. Trois griffes s'étaient plantées dans la peau de l'Elfe, une matière noire coulant le long de ces dernières. Pharrah fut à son tour mise en déroute. Plaquée au sol, elle essayait tant bien que mal de garder une distance avec les ennemis qui lui étaient tombés dessus avec son épée en guise de rempart. Tout semblait perdu. Leur aventure s'arrêtait là. Pharrah en eut la larme à l'œil. Elle, à qui l'Œuf noir avait échu. Elle avait déçu le Dieu en qui elle louait une dévotion sans pareil. Elle tendit le bras comme si elle espérait une aide quelconque, n'importe qui. Sa main trouva tout naturellement le feu qu'ils avaient allumé dans la caverne. Celui-ci crépita alors que la main de la forgeronne tremblait. Les flammes se mirent à danser de façon étrange, comme si l'espace se tordait autour d'elle.
Un souffle de flammes bleues envahit la caverne. L'explosion avait résonné si fort que plus aucun son ne put se mêler au phénomène. Les flammes ainsi produites balayèrent les vagues d'ennemis, les réduisant à l'état de poussière informe tandis qu'elles semblèrent protéger les proches de Pharrah, les entourant d'une aura protectrice. Le tout dura quelques minutes avant d'enfin revenir au calme. Pharrah perdit connaissance immédiatement après son exploit. Kinaya se mit à convulser sur le sol, de l'écume sortant de sa bouche.
-        Par Okapra ! intervint Cardan. L'Elfe !
Shali lui passa devant d'un pas pressé et s'agenouilla quelques secondes pour l'examiner. La blessure qu'avait reçue Kinaya était profonde et infectée de cette horrible matière noire.
-        Il s'agit de la magie de Rasankan. Ces Goules devaient être envoûtées par un sortilège de magie noire.
-         On peut faire quelque chose ? demanda Linlek, inquiet de l'état de leur guide.
-        Il faut agir vite, annonça la Sorcière en arrachant un bout de tissu de sa robe avant de l'appliquer sur la plaie et de réciter une formule. Il va me falloir une dizaine de fleurs de tipaline, des orties, quelques arnès et aussi une gueule-de-loup.
-        La neige bloque les routes, dit Cardan, on ne peut aller dehors.
-        Il va pourtant falloir. Pouvez-vous nous frayer un chemin, mestre Mage ?
-        Je peux, mais je ne suis pas sûr de tenir longtemps.
-        Il y a un autre problème, déclara Linlek. Je crains fort que vous ne puissiez trouver vos plantes, la neige a dû toutes les flétrir.
-        Ce ne sont là que les premières tombées, il y a encore de l'espoir. Si on ne fait rien, votre amie l'Elfe sombrera dans les ténèbres. Elle deviendra un Spectre, une disciple manipulée par Rasankan.
-        Et si Rasankan obtient un tel élément dans son armée, alors tout espoir sera réellement perdu... compléta le roi en observant le sol. Très bien, faites ce qu'il faut !
-        Je vous promets de faire vite. Je dirais qu'il lui reste une demi-douzaine d'heures avant que le poison n'envahisse totalement son organisme. Si aux premières lueurs, nous ne sommes pas revenus, vous devrez abandonner votre amie, je le crains.
Cardan attrapa son sceptre et ajusta son épais manteau. Il sortit le premier, la neige envahissant d'abord toute sa jambe, puis s'enfonçant jusqu'à la taille. Il récita une petite formule qui créa une bulle qui entoura également Shali. La bulle repoussa la neige et ainsi, ils purent progresser sans trop de difficultés. Ils s'avancèrent dans la nuit obscure et bientôt, leurs silhouettes disparurent entièrement, masqués par une visibilité faible couplée à la tombée incessante des flocons.