VIII

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Elle avait nonchalamment balancé un « Salut D. » en se posant contre la pierre, après avoir déposé sur le sol couvert de petites pierres quelques-unes des fleurs qui l'empêchait de s'asseoir.

« Je me suis dit que j'allais venir te voir. Après tout, c'est ce qu'ils font dans les films, non ? Ils viennent et ils s'assoient sur les tombes. C'est ridicule, si on y réfléchi vraiment, mon fessier est probablement sur ta tête et en vérité tu m'aurais probablement envoyé valser à travers le cimetiere mais t'es plus là alors, je fais ce que je veux. »

Le sourire sur ses lèvre s'ombra.

« Tu fais chier. Je sais que j'ai pas le droit d'être en colère, parce que de toute façon ça sert à rien t'as crevé alors être en colère contre de la pierre ? Merci mais non merci. Mais tu fais chier, quand même. Ethan est là. Ethan a toujours été là, pas vrai ? Et la brune ? C'est qui la brune sur les photos ? C'est elle qui a appelé pas vrai ? Pourquoi Ethan ne la connait pas D ? C'est qui cette fille ? Ta meuf, j'suis sûre. Mais merde, t'aurais pu nous le dire non ? C'est pas comme si c'était un lourd secret ! Après tu savais peut-être pas que t'allais crever.
Certainement pas d'ailleurs. C'est ridicule tout ça ! Regarde je me retrouve dans ce pauvre cimetière à parler tout seule comme une pauvre folle alors que je suis encore super jeune. »

Ses poings vinrent heurter le matériaux dur à côté de ses cuisses. Les paumes de ses mains s'enfoncèrent sur ses yeux où la marée se faisait montante.

« Tu vas me dire, c'est pas bien différent de ces youtubeuses beauté qui parlent seules à leur caméra après tout et tu n'as pas tord. Maman m'a donné ton téléphone, c'est comme ça que je sais pour la brune. En voyant les photos j'ai eu
l'impression de découvrir que t'avais une vie. Non mais je sais que t'avais une vie mais tu vois t'étais... comme la lune. Je voyais que la partie éclairée, et je m'en contentais. C'était si beau. Et maintenant je découvre qu'y avait cet autre côté, ce côté pas éclairé. Enfin, pas moi. Et je te vois sourire sur les photos, ou faire la gueule, ou juste pas exprimer d'émotions. Ça fait bizarre. Tu me manques. Tu sais que t'étais plutôt beau gosse ? Ouais, à la James Dean tu nous l'a joué. Mais t'sais t'étais pas obligé de la jouer à fond à la James Dean avec l'accident et tout. T'as toujours été dans l'excès de toute façon. »

Elle ferma les yeux, inspira profondément comme il le lui avait appris et souffla tout l'air que pouvait contenir ses poumons en tentant de faire partir avec toute les merdes qui encombraient son esprit. Médite Livia. Médite.

Elle sursauta quand, en soulevant ses paupières, ses yeux tombèrent sur la silhouette de Victoria.

« Salut Livia. »

Sa voix douce emplit son coeur d'une chaleur rassurante. Elle l'observa se pencher gracieusement pour déposer les fleurs qu'elle avait apporté. Livia balança ses jambes hors de la pierre pour faire de la place à la jeune femme.

« Désolée je ne voulais pas te déranger. »

« Tu pouvais pas savoir que j'allais être là. Au contraire, ça me fait plaisir de te voir. Comment tu vas ? Merci pour les fleurs. »

« Oh. C'est rien. Je... ça va. J'ai pas perdu mon frère. »

« Il était plus avec vous qu'avec nous alors, je crois que si. D'une autre sorte. T'as le droit... d'avoir de la peine je veux dire. Enfin, la minimise pas parce que je suis là et... Tu peux me parler, tu sais, si tu veux, si ça t'aide. »

« Ethan m'a dit que tu voulais parler de lui ? Des photos sur son téléphone ? T'as trouvé des choses qui t'ont choquées ? »

« Non, pas vraiment. J'ai juste découvert une autre facette de mon frère. Je suis curieuse, c'est tout. »

« T'as écouté ses enregistrements ? »

« Ses enregistrements ? »

« Oui. T'as son téléphone là ? »

Livia se tortilla, saisit l'appareil de sa poche arrière et le tendit à la délicate brune. Elle pianota un instant sur l'écran avant de le lui rendre. Ses grands yeux bleus étaient si purs, et bordés d'eau salée.

Elle rompit leur emprise hypnotisante pour regarder le cellulaire. Le Dictaphone était ouvert et une trentaine d'enregistrement défilèrent sous son pouce pailleté.
Victoria sorti un câble blanc de son sac, le brancha à l'appareil, consulta la jeune femme du regard et lui tendit un des bouts arrondis pour qu'elle l'enfonce dans son oreille.

Elles passèrent un moment, silencieuses, à écouter sa voix grave et tendre parler ou chanter. Il enregistrait tout un tas de conneries. Comme son journal, son dictaphone était empli de soirées, de moments, de poésies, de chansons, de sa vie.

« Qui est-ce qui chante avec lui là? »

« Thomas, non c'est Ethan je crois. »

« Ethan ? Ethan sait chanter comme ça ? »

« Oui... on est tous plus ou moins portés par la musique, je crois. On aurait pu former un groupe, on l'a juste jamais fait. »

« On chantait ensembles, Damiano et moi. Il était au clavier et on chantait tous les deux pour les gens. C'était bien, on a fait quelques anniversaires, quelques bars, et même un mariage. »

« Wow ! »

« Il ne vous en a pas parlé ? »

« Il ne parlait pas beaucoup de lui. Ton frère, c'était typiquement le genre de personne dont tu te sens super proche, et qui te fait rire énormément. Pourtant, quand on te pose de vrais questions personnelles sur lui tu te rends compte que tu sais pas grand chose. »

« Je vois. »

Elle lui offrit un sourire contrit, son téléphone sonna et elle alla un peu plus loin en s'excusant pour prendre l'appel. En raccrochant, elle s'excusa a nouveau et quitta les lieux après lui avoir collé ses lèvres délicates sur le front.

« Merci Victoria ! »

« J'espère que tu arriveras à comprendre qui il était. »

𝐋𝐚𝐬𝐜𝐢𝐚𝐦𝐢 𝐯𝐢𝐯𝐞𝐫𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant