Chapitre 7

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Dimanche 5 septembre – 16h46 – Chloé

Après avoir appelé mes parents et leur avoir expliqué l'accident, ils m'ont promis de se déplacer jusqu'ici pour venir me soutenir. J'étais gênée de les faire se déplacer jusqu'ici, puisqu'ils habitaient à plus de 500 kilomètres de la frontière franco-belge, mais j'avais réellement besoin de soutien.

J'avais patienté plusieurs heures depuis mon réveil dans cet hôpital. L'opération de Samuel était longue et je n'avais aucune nouvelle de la part des médecins. Les seules consignes qu'on m'avait données étaient d'être patiente et de faire attention à mes mouvements à cause des mes côtes.

Les murs de ma chambre d'hôpital étaient si pâles et tristes que je passais la plupart de mon temps à vagabonder dans les couloirs, à aller à la cafétéria et à tourner en rond, me demandant si oui ou non Samuel allait s'en sortir. J'avais eu certaines crises de nerfs, tellement l'attente était insoutenable. Je pleurais par moment, soutenu du regard par des personnes autour de moi. Je ne savais pas quoi faire, je me sentais impuissante.

J'avais tenté d'appeler plusieurs dizaines de fois mes colocs, Mathéo et Théa, mais aucun des deux ne me répondait. J'étais seule, mes parents n'allaient pas être là avant le lendemain matin. J'étais pas mal loin de Lille et n'avait aucun moyen de transport. De toute façon, je ne comptais pas repartir de cet hôpital sans Samuel.

Je regardai mon téléphone portable. Toujours aucune réponse de Mathéo et Théa. J'avais reçu des messages de soutien de la famille. Mes parents avaient certainement prévenu mes oncles et tante de ce qui était en train de se passer. Je rassurai tout le monde sur mon état. C'était l'état de Samuel qui devrait inquiéter.

J'allai m'installer dans la salle d'attente principale. C'était là que les médecins venaient prévenir les proches de l'avancée et du bon ou mauvais déroulé d'une opération. C'était là qu'était ma place.

Autour de moi, une table basse sur laquelle étaient posés plein de magazines people, trois grandes plantes vertes dans trois des quatre coins de la pièce, des affiches de prévention sur chacun des murs, des numéros de téléphone pour différents secteurs hospitaliers, des chaises vides, sauf une, sur laquelle était assis un petit garçon qui devait avoir aux alentours de 6 ans. Il était là, à patienter depuis plus longtemps que moi déjà. Je me posais intérieurement la question de la raison pour laquelle il était là, et surtout, seul. Il tenait dans ses mains une lettre manuscrite qu'il lisait à multiples reprises. Il ne semblait pas particulièrement ému, ni même impatient.

Il leva les yeux de sa lettre et croisa mon regard. Je détournai le regard. Pourquoi détournai-je le regard ? Lorsque je le regardai de nouveau, il me fixait de ses beaux yeux bleus, innocents. J'esquissai un léger sourire, qu'il me rendit rapidement. Il se leva et vint s'asseoir sur la chaise à côté de moi. Je fus surprise de ce mouvement soudain, mais ça lui semblait si naturel que le malaise disparut rapidement.

« Tu t'es fait quoi là ? me demanda-t-il, en pointait du doigt ma joue.

- Je... J'ai eu un accident de voiture. Avec mon copain. Il... Il est en train de se faire opérer par les médecins.

- Comme ma maman ! Elle est aussi là-bas. »

Il me montra du doigt le bout du couloir où avaient lieu les opérations chirurgicales. J'essayai de lui offrir un sourire compatissant.

« Qu'est-ce qu'elle a eu ta maman ? osai-je demander.

- Elle est malade. Elle a une maladie qui mange l'intérieur de son corps. Elle m'a dit que c'était un méchant monstre qui se propageait partout.

- Oh... »

Je ne sus pas quoi répondre. Je crus comprendre qu'elle avait un cancer.

« Et où est ton papa ?

- Au ciel. »

Cette réponse me prit à la gorge. Je fus émue mais essayai tant bien que mal de cacher mes émotions pour être rassurante envers lui.

« Ta maman va s'en sortir, j'en suis sure, le rassurai-je.

- Non, elle va partir au ciel avec Papa, ils pourront se retrouver pour... TOUJOURS ! »

Il finit sa phrase avec un large sourire, comme si les retrouvailles de ses parents étaient le meilleur cadeau qu'on pût lui offrir. Je ne savais pas s'il avait conscience de ce qu'était véritablement la mort, et que si sa mère mourait, il na le reverrait plus jamais. Je n'osai pas surenchérir sur sa phrase et me contentai de lui sourire.

Je fus intriguée par la lettre qu'il avait en main mais n'osai pas lui demander ce qu'il y était écrit. Cela serait totalement indiscret.

Mes interrogations intérieures furent interrompues par un chirurgien qui entra dans la pièce. Il baissa son masque chirurgical et s'avança vers le petit garçon et moi. Je cessai de respirer et je sentais mon cœur battre à la chamade. Je ne voulais pas apprendre la mort de Samuel, je voulais qu'il dît « Samuel est hors de danger. Son état est stable et l'opération s'est très bien passée. Il a besoin de beaucoup de repos. Il est encore inconscient mais vous pouvez aller le voir pour qu'il ne soit pas seul lors de son réveil ». Mais ce ne fut pas du tout de moi qu'il s'agissait :

« Timothé... »

Le chirurgien se mit à hauteur du petit garçon et posa sa main sur son genou.

« On a fait tout ce qu'on n'a pu pour ta maman... mais malheureusement l'opération ne s'est pas passée comme prévu... Elle est partie. »

J'eus une larme qui perla sur ma joue et regardai attentivement la réaction de Timothé. Il sourit et répondit :

« Elle est au ciel avec Papa maintenant ? »

Le chirurgien se tourna vers moi pour m'annoncer toutes ses condoléances et commença à m'expliquer les détails de l'opération qui ont fait que ça avait mal tourné. Pourquoi me disait-il tout ça ? Il devait penser que j'étais avec Timothé et était une proche de sa mère. Je n'osai pas le couper ou lui annoncer que j'étais là pour quelqu'un d'autre qu'il finit par me dire :

« Je vais vous laisser entre vous pour... gérer cette nouvelle. »

Il partit de la salle d'attente, me laissant seule avec le petit garçon, Timothé apparemment, qui se mit à relire la lettre qu'il avait en main.

« C'est ta maman qui t'a écrit ça ? lui demandai-je.

- Oui. Elle veut pas que je pleure. Elle voulait que je garde un souvenir. »

Je le laissai lire sa lettre et, par curiosité, lit quelques lignes au-dessus de son épaule : Ne pleure pas mon ange. Tu ne seras jamais seul, je te le promets. Maman va rejoindre Papa au ciel et on sera très heureux. Tu nous rejoindras toi aussi un jour, mais dans très très longtemps, quand tu seras un grand garçon. N'oublie pas ce que je t'ai dit. Je t'aime mon ange. »

Lorsqu'il replia sa lettre, je lui posai la question :

« Quelqu'un va venir te chercher ?

- Non, pas besoin. Tu es là.

- Je... je veux dire, quelqu'un de ta famille ?

- Non, pas besoin. Tu es là. »

Je fus surprise de ses réponses. Il devait être sous le choc. Je ne savais pas trop comment réagir face à cela. Je regardai à nouveau mon téléphone portable pour espérer avoir une réponse de Mathéo ou Théa, mais toujours aucune.

Les anges pleureurs prennent LilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant