La femme qui était venue me chercher devait avoir une trentaine d'année. Elle marchait vite, les cheveux au vent, et se retournait de temps en temps pour s'assurer que je la suivais bien. Elle avait la peau dorée et les yeux bridés, marrons foncés.
- Je suis désolée, pour ton amie. Si ça ne tenait qu'à moi tu pourrais rester avec elle.
Je ne répondis pas. Je n'avais pas très envie de parler, même si ce n'était absolument pas sa faute.
- Tu t'appelles Léo, c'est bien ça ?
Je hochai la tête. Elle avait ralenti le pas pour être à ma hauteur.
- Tu ne vas pas être trop dépaysé dans notre camp, on fonctionne exactement comme les enchanteurs. D'ailleurs tu n'as pas oublié la clé de ta chambre ?
Je lui montrai le collier qui pendait de mon cou, toujours plongé dans un mutisme total. Elle ne se laissa pas démoraliser.
- Je m'appelle Estelle. C'est moi qui viens te chercher car je devais déjà sortir donc j'ai fait un détour, si ça te dérange pas je dois faire une ronde dans la forêt. Ça va être un peu long, mais tant que je suis là ça ne devrait pas être dangereux donc ne t'écartes pas.
Je n'avais pas tellement envie d'une visite forestière mais je m'entêtai à rester dans mon silence.
Jusqu'alors on longeait la forêt sur une sorte de chemin qui, je supposais, devait mener à l'autre camp. Il devait être loin car je ne distinguais rien qui pouvait ressembler à des bâtiments. Même avec mes lunettes, que je portais peu, pour palier à ma myopie. Juste avant de nous engouffrer entre les arbres Estelle s'arrêta pour me donner des indications.
- Par précaution il vaut mieux être silencieux, même si quelques créatures sont en hibernation en ce moment. Surtout ne t'éloignes pas de moi.
Sans un mot de plus elle se faufila dans la forêt, moi sur ses talons. Durant des heures on avança entre les racines et les arbres sans croiser plus que des rongeurs et des oiseaux. On fit assez rapidement une pause pour déjeuner un sandwich avant de repartir presque aussitôt.
Mais à peine après avoir parcouru quelques mètres on entendit de l'agitation, comme des rugissements. Estelle s'élança en direction du bruit. Elle me fit signe de me baisser. Ainsi dissimuler derrière un rocher on put observer la scène. Une sorte de Lynx, en plus grand et visiblement plus féroce avec de longues dents, tournait autour d'un autre animal couché. C'était une espèce de biche au pelage gris perle et avec, étrangement, une corne argentée au sommet du crâne. Un peu comme une licorne, mais en biche. Une bichecorne. Elle était splendide, mais semblait blessée à une de ses pattes. Seulement son sang n'était pas rouge mais s'apparentait plutôt à de l'argent fondu. Elle lançait autour d'elle des regards de détresse.
Estelle avait l'air de jauger ses chances de réussir à sauver l'animal. Cependant le Lynx approchait beaucoup trop de la biche à mon goût. Il n'allait pas tarder à lui porter un coup fatal. Mué par un sentiment de profonde tristesse à l'idée de la mort de cette magnifique créature, j'agis sans réfléchir. Je pris une pomme qui attendait dans ma poche depuis que Rafaël nous l'avais apportée la veille et la projeta de mes maigres forces contre le prédateur.
Je ne savais pas trop ce que j'espérais. Qu'il s'évanouisse sur le coup ? Qu'il mange la pomme et n'ait plus faim par la suite, laissant tranquille la biche ? Evidemment le fruit rebondit lamentablement sur son pelage et le lynx se tourna vers nous en rugissant de mécontentement. Estelle écarquilla les yeux. J'étais à peu près sûr que la prochaine fois qu'elle devrait se trimbaler un sorcier en herbe elle lui préciserait de JUSTE la suivre, et de ne rien faire.
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FantasyEncore une version de cette histoire, mais cette fois terminée ! Philaé et Léo sont deux amis qui vivent depuis de nombreuses années dans le même orphelinat jusqu'au jour où un inconnu vient les chercher à 5h du matin sans avoir de problèmes avec la...