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Prendre une décision et la mettre en œuvre était deux choses totalement différentes. Au cours du week-end à la campagne, j'avais fini par intégré l'idée que je me devais à moi, pour moi et pour personne d'autre de quitter Mathieu.

Je n'étais pas encore parvenu à le faire.

J'avais suffisamment de respect et d'égard pour lui pour ne pas me contentais de lui envoyé un message à la va-vite sans plus d'explication. Mais, chaque fois que nous nous voyions, quand nous n'étions que tous les deux dans notre petite bulle, je ne parvenais pas à me convaincre de venir gâcher l'étincelle de bonheur dans ses yeux. Au cours de ces quatre années, j'avais fini par comprendre qu'il avait besoin de moi presque autant que j'avais besoin de lui. J'étais son inspiration, sa respiration. Le petit souffle lui permettant d'affronter la vie quotidienne.

Je m'en voulais de devoir mettre un terme à ce que nous partagions, mais cela ne pouvait plus durer. Les mensonges m'avaient épuisé aussi bien physiquement que mentalement. Je rêvais d'une relation tout ce qu'il y a de plus banal. Je rêvais de ne plus avoir à me cacher. De simplement vivre.

Et sur cette note, Martin était revenu à la charge. Il n'avait jamais véritablement cessé en réalité. Depuis l'anniversaire de Manu, il continuait de m'envoyer des messages, de tenter de trouver un moment pour qu'on puisse se voir. J'avais toujours refusé. Jusqu'à ce que par lassitude ou peut-être besoin de me mettre en danger je finisse  par accepter.

Installait au bureau présent dans ma chambre, je m'interrogeais sur la signification de ce que je m'apprêtais à faire. Je ne voyais pas cela comme une tromperie, d'abord parce que nous allions juste boire un café, ensuite parce que pour tromper il aurait fallu que je sois en couple. Mais étais-je vraiment en couple si personne ne le savait ?

Lorsqu'il rentrait chez lui pour rejoindre le lit de sa femme, est-ce que cela était une tromperie à mon égard ?

Les choses étaient donc floues, ce qui me permettait d'enfiler ma veste sans être étouffé par la culpabilité. Mais j'acceptais que les choses fussent malsaines. Je n'allais pas à la rencontre de Martin, parce que j'avais développé un quelconque intérêt pour lui. J'y allais parce que pour la première fois depuis que je m'intéressais au garçon, j'avais l'opportunité de vivre un date dans un lieu public. À la connaissance de tous, oui, parce que dès que j'avais accepté, il s'était empressé de le dire à Manu, qui elle-même l'avait dit à Paul.

Si la première avait été ravie et m'avait abreuvé de conseils, en tout genre partant de ma tenue vestimentaire à la manière dont je devais me tenir, le second s'était contenté de me demander l'heure et le lieu m'indiquant, qu'il ne serait pas loin au cas où. J'avais levé les yeux au ciel avant de mettre en avant à quel point il exagérait. Je n'étais pas une demoiselle en détresse et Martin n'était pas un monstre dont il fallait me protéger. J'étais de toute manière suffisamment grand pour me protéger moi-même.

La personne qui ignorait tout de ce rendez-vous, mais qui avait pourtant tout intérêt à le savoir, c'était Mathieu. J'aurais pu lui dire. Plutôt honnête par nature, j'assumais le choix que j'avais fait de voir Martin. Mais je ne voyais aucun intérêt dans une telle démarche. Je ne faisais pas cela pour le rendre jaloux ou pour l'inciter à quitter sa femme (j'avais bien compris qu'il ne le ferait jamais), alors pourquoi l'en informer ?

En revanche, une idée avait commencé à germer dans ma tête, très vite étouffée par ma raison. Peut-être que nous pourrions faire évoluer notre relation, et par cela il fallait comprendre, me laisser faire mes propres expériences avec d'autres personnes. Je n'avais pas poussé plus loin cela, car c'était Mathieu que je voulais.

Personne d'autre.

C'était aussi Mathieu que je ne pouvais pas avoir, pas comme je le voudrais en tout cas.

Quatorze Carats 💎Où les histoires vivent. Découvrez maintenant