Chapitre 10

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Je trébuchai, pour la cinquième fois, et m'écroulai par terre comme un bébé essayant de marcher pour la première fois.

- "Relève-toi. Dépêche." M'ordonna Adrien.

Je relevai la tête et lui lançai un regard froid.

- "Non." Lui répondis-je fermement.

Le grand blond se retourna vers moi et me prit violemment par le bras pour me relever.

- "Lève-toi j'te dis." Me dit-il, la mâchoire serrée.

- "Et moi je te dis non. T'es bouché ou quoi ?" Lui crachai-je.

Il me repoussa alors de toutes ses forces au sol, sans aucune pitié. Ma tête heurta un tronc d'arbre, sans pour autant me faire perdre conscience.

- "Tu sembles oublier qui est en position de force ici. C'est moi qui donne les ordres." Me dit-il froidement.

- "Je m'en fou. J'ai plus rien à perdre. Je ne te suis plus, c'est fini." Lui répondis-je avec un sourire satisfait.

Il fronça les sourcils et serra les poings. Derrière lui, Léa nous regardait sans rien dire, cachée derrière un arbre. Elle serrait dans ses bras la licorne en peluche rose et tremblait légèrement.

- "J'ai la tête qui tourne et une envie perpétuelle de vomir. C'est fini, je n'ai plus assez de forces pour te suivre. D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi je te suis. J'ai remplie ma part du marché. Je devrais être libre." Rajoutai-je.

- "Ta gueule Gabriele. Ta gueule. Je m'en fou complet que tu sois à bout de force. Tu nous suis, un point c'est tout." Me dit-il, furieux.

- "Papa... Tu as dit un gros mot..." Signala Léa d'une petite voix.

- "Toi aussi Léa, tu fermes ta gueule ! J'en ai marre de vous entendre toutes les deux !" Cria-t-il en se retournant vers sa fille.

La jeune fille ouvrit de grands yeux effrayés et laissa échapper quelques larmes.
En la regardant pleurer silencieusement, Adrien se calma. Je le vis desserrer les poings et relâcher ses épaules.
Il s'assit alors contre un arbre et prit sa tête dans ses mains.

- "Qu'est-ce que j'ai encore fait... QU'EST-CE QUE J'AI ENCORE FAIT PUTAIN ?" Hurla-t-il.

Léa couru vers moi et enfouie sa tête sous mon bras. Mon instinct de femme prit le dessus et je tentai de la rassurer en caressant doucement ses longs cheveux blonds.
Il faisait nuit, cela faisait maintenant deux jours que nous marchions.
Adrien ne savait pas où il nous emmenait. Cela se voyait clairement dans ses yeux.
Il avait sans arrêt cette petite lueur effrayée dans le regard.

- "Adrien... Il faut qu'on s'arrête quelque part. On n'en peut plus. Toi aussi d'ailleurs. Quelques heures de sommeil ne nous feraient pas de mal à tous." Lui dis-je doucement.

Il leva la tête vers moi et son regard croisa le mien. Il était complètement perdu. Cela se voyait. En plus de ça, de grosses cernes entouraient ses yeux, ainsi que ceux de sa fille et certainement les miens.

- "D'accord. D'accord. On va s'arrêter quelque part. Il faut juste qu'on trouve un endroit pas trop fréquenté." Nous dit-il finalement.

Il se releva lentement et regarda sa fille avec regret. Celle-ci se cacha derrière moi sans dire un mot.
On marcha encore pendant quelques minutes jusqu'à ce qu'on aperçoive au loin une vielle étable cachée en grande partie par du lierre.
Adrien s'arrêta et tendit un bras vers nous.

- "Attendez-moi ici, je vais vérifier qu'elle est bel et bien abandonnée." Nous dit-il avant de s'éloigner en trottinant.

Le silence régnait. Seuls les chants d'animaux nocturnes, comme des chouettes et des criquets, trouaient ce silence assourdissant.
Léa leva la tête vers moi.

- "Gabrielle... Tu penses que mon papa est un méchant ?" Me demanda-t-elle, les yeux emplis de larmes.

Que répondre à ça ? Que répondre à cette petite fille innocente qui n'a absolument rien demandé à ce qui lui arrive ? D'ailleurs, c'est tellement injuste. La vie est injuste.
Qu'a fait cette gamine, tout simplement adorable, pour avoir une mère prostituée et un père violent ? Rien. Absolument rien. Elle était juste née dans la mauvaise famille.
Je serrai Léa dans mes bras de toutes mes forces.

- "Je pense que ton père ne va pas bien. Qu'il est malade. Au fond, il ne doit pas être méchant. Il faut que tu sois forte ma puce." Lui chuchotai-je.

Adrien revint en courant vers nous et nous regarda de manière étrange en découvrant sa fille dans mes bras.

- "Le... Le champs est libre, venez." Marmonna-t-il.

On amena donc les valises à l'intérieur. L'étable était grande mais complètement abandonnée. Une grosse couche de poussière recouvrait le sol et le toit était ouvert à plusieurs endroits.
Seulement ce n'était pas important, à ce moment-là, tout ce que nous voulions c'était dormir, nous reposer, reprendre des forces.
Adrien saisit une valise, l'ouvrit et en sortit trois paquets de chips.
Il m'en lança un puis se dirigea vers sa fille lentement, comme pour ne pas l'effrayer.

- "Tiens ma chérie, il faut que tu manges un peu." Lui chuchota-t-il d'une voix douce.

La fillette me lança un regard effrayé.

- "Ton père a raison, il faut que tu manges ma puce." Lui dis-je en souriant légèrement.

Elle tourna alors la tête vers son père et saisit d'un bras tremblant le paquet de chips que lui tendait celui-ci.
Le visage d'Adrien se voila d'un léger voile de tristesse en voyant la peur que sa fille avait à son égard puis alla s'asseoir plus loin.
Chacun ouvrit sa poche et mangea en silence, sans un regard pour les autres.
Puis Léa émit un bâillement et entra dans son petit sac de couchage rose après m'avoir adressé un léger sourire.
Une fois que celle-ci fut endormie, j'entrai à mon tour dans un sac de couchage et fermai les yeux. Le sommeil me vint immédiatement.
Après seulement cinq petites minutes de repos, quelqu'un me secoua.

- "Gabrielle."

Je grognai en enfouissant ma tête à l'intérieur du sac.

- "Gabrielle."

La personne me secoua à nouveau. Je jetai un regard à l'extérieur.
Adrien était penché au dessus de moi en semblait attendre une réponse de ma part.
Je me redressai donc, non sans lâcher un soupir d'exaspération.

- "Quoi ?" Lui demandai-je sèchement.

- "Désolé de te réveiller... Je... Je voulais seulement te remercier d'être aussi gentille avec ma fille. Je ne suis pas un bon père, elle mérite tellement mieux..." Me dit-il avec émotion.

- "Ça, c'est clair, tu n'es pas à la hauteur." Lui dis-je méchamment. "Si tu ne veux pas perdre son amour, tu ferais mieux de changer radicalement. Arrête d'être violent. Arrête de lui faire peur en lui criant dessus comme un demeuré."

- "Oui... Je sais." Me repondit-il avec regret. "Je vais faire des efforts. Promis."

- "Ce n'est pas à moi que tu dois faire cette promesse. Mais à elle."

Il me lança un dernier regard désespéré en partit se coucher.
Je replongeai dans mon sac de couchage et fermai les yeux.
Cette fois-ci, le sommeil mît plus de temps à venir.
Je ne cessai de penser.
À quoi ?
À l'avenir.
À Léa.
À Adrien.
Et aussi à ce ventre qui ne m'épargnait pas et continuait à me rendre malade.

Mémoire KidnappéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant