Je ne saurais expliquer pourquoi j'avais tant besoin de me faire pardonner auprès d'une personne que je ne connaissais que depuis quelques jours. Après tout, des personnes qui m'ont fui, il y en a eu tellement que je suis incapable d'en donner un chiffre précis. Parmi elles, certaines me connaissaient depuis bien plus longtemps que deux semaines comme c'était le cas avec Albert. Cependant, comment remarquer l'ajout de quelques gouttes d'eau dans un océan saturé, déjà déchaîné par les torrents, les tourments et les tempêtes ? J'était persuadé que l'habitude et l'usure m'avait immunisé contre ce type d'abandon. La trahison de Max m'avait prouvé le contraire.
Alors sans doute que cette volonté de rédemption dépassait ma situation avec Albert ? Peut être qu' en faisant tous ses efforts misérables pour me faire pardonner auprès de lui, j'espérais me faire pardonner de tellement plus, auprès de tellement plus de gens. Un moyen comme un autre de soulager ma conscience. Une conscience qui s'était emplie de remords jusqu'au débordement à Paris, et qui visiblement ne s'était pas vidé en déménageant dans le manoir maudit.
Alors armée de meilleures excuses, de mes meilleurs espoirs et de mes meilleures attentes, j'étais revenue sur le champ de bataille le lendemain, puis le jour suivant et encore le jour d'après.
Mais Albert , ne s'était montré ni le lendemain, ni le jour suivant, ni le jour d'après.
En revanche, mes espoirs, eux, avaient déjà commencé à s'amenuiser dès le lendemain, puis le jour suivant et encore plus le jour d'après.
Peut-être étais-ce un signe du destin ? Une preuve que je ne mérite pas d'être pardonné pour tout ce que j'avais fait, que la rédemption était hors de ma portée ? L'idée que le destin ait pu décider que j'étais indigne du pardon n'éveilla en moi aucun sentiment d'injustice. Je me haïssais moi-même beaucoup trop pour reprocher au destin d'éprouver ce même sentiment à mon égard.
Par ailleurs, il est possible que ce soit cette curieuse tendance masochiste qui m'ait encouragé à revenir tous les jours pendant une semaine chez Albert sans aucun espoir de le revoir prochainement . C'était devenu presque comme une sorte de rituel, une coutume qui apparut de façon si spontanée que je ne m'en étais pas rendu compte. Or il est très difficile de se défaire de ses coutumes d'autant plus quand cela signifie renoncer, par la même occasion, à sa propre rédemption. Car même si je n'y croyais plus, je refusais d'abandonner : L'espoir avait laissé place au déni.
Mme Lebouleau prit l'habitude de me recevoir en chaque début d'après-midi puis de me revoir partir aussi promptement que j'étais venu. Je ne pense pas que cela la dérangeait car elle ne se dépâtissait jamais de son sourire chaleureux et communicatif lorsqu'elle me voyait. A chaque fois, elle se contentait de monter à l'étage où j'imaginais que se trouvait la chambre d'Albert pour redescendre quelque minutes plus tard, seule, armée d'une nouvelle excuse, toujours plus originale que la précédente, pour éviter que son fils ait à me voir :
"je suis désolé ma chérie mais il a attrapé un méchant rhume", "il est allé au cinéma avec d'autres amis", " il dort pour le moment, il a eu une journée assez épuisante la veille"...
Je ne lui en veux pas. Non seulement Mme Lebouleau faisait partie de ces gens qu'il est très difficile de ne pas aimer, de part sa personnalité, mais en plus, elle semblait réellement être partagée par cette situation. Bien qu'elle ne m'ait jamais posé de questions jusqu'ici, elle sentait bien que quelque chose était arrivé. Sans doute se demandait-elle s'il fallait intervenir en obligeant son fils à descendre pour régler cette histoire une bonne fois pour toute ou bien ne rien faire car ayant peu d'informations, les risques d'envenimer le problème étaient très importants.
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NOUVEAU DÉPART
Ficção AdolescenteJe ne sais pas ce qui est pire: Quitter Paris où se trouve toute ma vie ou bien emménager dans un château perdu au fin fond de la Bretagne. Pourtant fuir tout ce qu'il s'est passé là-bas m'est plus que vital: Plus rien ne me retient dans cette vill...