Les Chroniques d'Irishtarya // Tome 1 : Les Ailes silenciées

La légende des Huit géants

Dans l'espace froid, vide et intemporel de l'Univers, avant même la naissance de la moindre créature apte à pouvoir l'observer, une lumière était arrivée. Plein de rêves et d'espoir pour ce terrain de jeu géant au milieu duquel il se situait, l'Être tout-puissant qui venait soudainement de prendre place, de ses douces mains, se saisissait de l'invisible poussière qui deviendrait par la suite la matière. Avec, comme l'on construit des châteaux de sable, il forgeait dès lors les étoiles, les galaxies, ainsi que pléthores de planètes, les organisant en multiples systèmes. Même ce Seigneur, à qui le temps et l'espace appartenait, ne pouvait se douter que des siècles voire des milliards d'années plus tard, son doux regard se poserait sur une incroyable histoire.

Celle-ci débutait par un soir calme et sans lune. Plongé dans l'obscurité, le monde semblait empreint d'une sérénité sans nulle comparaison. Sur des lieues à la ronde, que cela soit au creux des vastes plaines ou au sein de denses forêts, seuls les bruits de la Nature, et les cris de quelques petits animaux, osaient percer le paisible silence. Non loin cependant, quelque part au Nord-Est d'une région, des voix s'élevaient dans les airs, chantant à l'unisson avant de diminuer en volume. L'une d'elle prenait à cet instant le relais tandis que les autres se taisaient :

— Écoutez, écoutez ! Venez et entendez. Ce que je conte vous transmettre, je le tiens de nos lointains ancêtres.

C'était le ton, profond et grave, d'un vieux conteur plein d'ardeur. Entouré d'une foule attentive, autour d'un feu de camp projetant leurs ombres sur de grands sapins, il entonnait d'anciens chants. La voix qu'il avait témoignait de son grand âge. Pourtant, celle-ci était stable, fluide et forte. Son propriétaire avait, de toute évidence, une très grande expérience en ce qui concernait l'exercice auquel il s'adonnait auprès du public installé.

— Une légende ancienne raconte nôtre histoire. Mais, bien que mythe, je vous le certifie, vous pouvez y croire. Celle-ci parle de Dieux Dragons, au nombre de huit, qui créèrent notre monde et sa cohésion. C'était il y a quelques millénaires, bien avant qu'Irishtarya ne devienne nôtre Terre. Ces êtres mes enfants, vous les connaissez, ce sont les Dragons de Toronaë...

Le barde, le sourire franc, regardait autour de lui toute l'assemblée venue pour l'écouter réciter les légendes des anciens temps. Des plus jeunes aux plus âgés, pas un seul membre du public n'osait le quitter des yeux de crainte de louper quoique ce soit. Enthousiaste, ce dernier continuait donc d'entonner.

— Nombre de temples leur sont dédiés. Pourtant, nul ne les a vus ni ne les connaît, même parmi les plus avisés. Nul récit, nulle légende, aucun écrit ne saurait représenter leur puissance tant elle est grande... sauf ce dernier. Aussi écoutez, écoutez, l'histoire que je souhaite vous raconter.

L'interprète marquait une pause et retirait sa capuche afin de mieux voir son public, dévoilant son visage. C'était un Inshou, membre d'une race lycanthrope de cet univers. Le poil gris de vieillesse, teinté par endroit d'un blanc plus tendre, surtout au niveau de ses yeux, comme deux tâches autour de ces derniers. Quant à la foule autour de lui, composée de ses pairs, elle semblait admirative, vu le nombre d'années possédées par le narrateur, de sa prouesse à raconter le récit malgré tout.

Aussi, en ces lieux habités et au plus grand plaisir du vieux loup à l'apparence de barde ou de troubadour, c'était surtout parmi les plus jeunes, aisément impressionnables, que l'on ressentait le plus une soif insatiable. L'un d'eux, le regard empli d'étoiles face à l'histoire, n'avait pas hésiter un instant de plus pour questionner son aîné.

— Dites Monsieur, iels étaient comment les Dragons de Toronaë ?

Le vieil Inshou esquissait un sourire.