L'Antre d'Arstalon

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Cela avait pris davantage de temps que ce que les deux compagnons avaient imaginé. En effet, bien que le territoire allant des Inshou à celui des Narviath n'était guère très long en soi, divers facteurs expliquaient cette dissonance entre ce qu'ils avaient anticipé et la réalité. Pour Astryhs, le fait d'avoir volé à l'aller en quelques heures seulement lui avait fait croire que le retour, terrestre, ne prendrait pas énormément plus de temps et serait moins contraignant que cela. Quant à l'aîné, le vieux loup était abusé par quelques souvenirs malicieux d'une lointaine jeunesse qui lui avait fait croire que quelques lieues ne seraient pas aussi gourmandes en temps et en énergie. A cela s'ajoutait qu'ils avaient du travers la forêt de l'Est de nuit, ce qui n'était pas aussi aisé que la journée. Et ce n'était finalement qu'au lever du soleil, quand celui-ci pointait ses premiers rayons, que les deux comparses aperçurent enfin leur destination.

Au loin se dressaient, fiers et menaçants, les imposants Monts de Kébor qui projetaient leur ombre sur les plaines de Salem. Ces vastes espaces de verdure, tapis de vert au parfum de fleurs, s'étendaient de long en large sur des lieues à la ronde. Une légende locale voulait que l'endroit était jadis un désert, jusqu'au jour où le Dieu dragon Hornieth vint s'y reposer et que, sitôt le géant couché, l'endroit se soit aussitôt recouvert de prairies. De l'autre côté, comme énoncé plus tôt, une incroyable chaîne montagneuse pointait vers le ciel. Là aussi, la légende apportait son lot d'explication. Durant son sommeil, le titanesque dragon aurait frappé le sol de sa queue, déclenchant la sortie de ces pics de roches devenus montagnes. Les Monts de Kébor étaient réputés pour leur situation géographique particulièrement hostile. Se trouvant au Nord de Palmiès, le climat y était froid et il ne fallait guère monter longtemps avant que l'air ne s'y raréfie. Aussi, peu d'espèces avaient le mérite d'y vivre. Et les Narviath, pairs d'Astryhs, en faisaient parti.

Pour faciliter leur traversée, le Narviath et l'Inshou empruntèrent un chemin facile à travers les plaines, avançant vers le territoire des redoutables dragons. Par ailleurs, ces derniers étaient déjà au courant de l'intrusion qui venait de s'effectuer. Discrètes, les sentinelles avaient repéré le leur et le vieillard qui l'accompagnait. L'information avait tôt fait de circuler jusqu'à arriver au principal concerné : le dirigeant de cette communauté. Et lorsque le Narviath, accompagné de l'Inshou franchissait le portique qui signalait l'entrée de l'Antre d'Arstalon, l'accueil y était déjà tout préparé. Des dizaines de lézards, les ailes dressées et montrant les crocs, donnaient un sérieux avertissement à l'étranger. Ohfen cependant ne semblait point inquiet et, suivant toujours son jeune ami, se retrouvait en face de celui qu'il cherchait : le maître des lieux ou plutôt la maîtresse des lieux. Un silence de plomb régnait un instant, les deux êtres se fixant du regard. L'imposante dragonne fut la première à le rompre d'un rire retentissant.

Quelle surprise ! Mais ne serait-ce point mon louveteau préféré, Ohfen Croc-dansant ? Quel bon vent t'amène ? Demanda la dirigeante tandis qu'autour, l'attroupement et la tension due à sa présence, se dissipait, chacun retournant à son occupation.

Le vieux canin pointait l'enfant.

Je traversais par mont et par vaux, dispersant ma chanson, récitant quelques mots, quand j'ai trouvé ce garçon. La curiosité me prenant, faisant fi de raison, je pris avec moi l'enfant, pour qu'il retrouve sa maison.

Le jeune concerné affichait un sourire gêné et se glissait prestement derrière la matriarche.

Je te remercie d'avoir pris soin de lui. Sa curiosité insatiable nous cause bien des soucis. Nous avions grande peur de ne pas le voir revenir. Néanmoins, je ne m'attendais point à ce que ce toi qui nous le ramène. Et je remarque par ailleurs que tu as toujours ton éternelle habitude de parler en chanson. Ton prédécesseur faisait de même... Est-ce là chez les conteurs une inévitable malédiction ? Prononçait-elle avec un rire léger.

Les Chroniques d'Irishtarya // Tome 1 : Les Ailes silenciéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant