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— Mademoiselle Withers, vous ne pouvez pas entrer.

La secrétaire bondit de son bureau, claquant ses talons à grande vitesse sur le marbre du sol pour me rattraper. Son tailleur bien trop serré l'en empêche. Je suis bien plus rapide qu'elle et me dirige vers la grande porte blanche à quelques mètres de moi, au bout du couloir.

— Mademoiselle Withers ! Attendez. Vous n'avez pas le droit d'entrer comme ça, répète-t-elle essoufflée.

— Ces locaux m'appartiennent, indirectement certes, ajouté-je à voix basse avant de reprendre clairement : j'entre si ça me chante et quand ça me chante.

Ne se résignant pas, elle continue de courir dans ma direction, tentant de suivre la cadence des grands pas que j'effectue. Mais il est trop tard lorsque je pousse, de mes mains, les deux portes qui me font face. L'homme à son bureau ne prend pas la peine de lever les yeux face à mon arrivée turbulente. Question d'habitude je suppose. Pendant ce court instant, la secrétaire à mes trousses pénètre aussi en trombe dans ce bureau avant de se confondre en excuses.

— Ça ira Theresa, retournez travailler.

Je me tourne, lançant un regard entendu à la vieille femme, lui faisant comprendre mon message « j'avais raison ». Elle ferme la porte et mon attention se tourne de nouveau vers cet homme qui continue de gribouiller de l'encre sur un tas de papiers. Je reste stoïque, sans parler, attendant qu'il daigne m'accorder une seconde. Après trois signatures, il relève son regard vers moi en s'adossant nonchalamment contre le dossier de sa chaise. Il croise lentement ses jambes.

— Que me vaut cette nouvelle visite inopinée, Iris ?

— Jasper.

— Oui ?

— Tu choisis très mal tes gardes du corps.

Il se redresse en silence pour se mettre face à l'immense baie vitrée qui recouvre la moitié des murs, offrant sa vue sur Boston.

— Jasper est passé me donner sa démission plus tôt dans la matinée en se plaignant, souffle-t-il. Tu sais que tu fais baisser le taux de satisfaction salarial au sein de mon entreprise ?

— Est-ce que c'est ma faute si aucun d'eux ne tient plus de 3 mois ?

Mon père se retourne dorénavant vers moi, me fixant de son regard qui m'exprime toute son amertume.

— Tu as raison sur un point, mes compétences en matière de recrutement sont à déplorer, c'est pourquoi j'ai engagé quelqu'un pour s'occuper exclusivement de cette tâche. Il s'avère, comme toujours, qu'avec une bonne somme d'argent et quelques échanges d'informations, il est plus facile d'obtenir la perle rare tant convoitée.

— Où veux-tu en venir ?

— Patience ma fille, patience.

Quelques secondes après la fin de sa phrase, des pas s'élèvent de l'autre côté de la porte. Mon père et son sens du timing oratoire me font toujours angoisser. Mon regard se pose sur la poignée qui tourne lentement sur place comme pour faire planer le suspense. Je la fixe comme s'il avait invité le diable en personne. Je respire profondément, me demande ce qu'il va trouver à m'imposer dans mon quotidien. L'encadrement de la porte libère un léger espace, signe que la personne s'approche. Je fixe d'abord ses chaussures, craignant de relever le regard. Pourtant, la tentation est forte et me pousse à détailler des pieds à la tête l'homme qui s'approche.

Mon regard passe de ses chaussures de ville noir lustrées à son pantalon de costume droit de la même couleur sur lequel reposent les mains jointes de l'homme. Une ceinture maintient une chemise blanche lisse et sans imperfections. Tout le long remonte une cravate noire bien serrée et tenue par une broche. Par-dessus, une veste de costume noire sans défaut encadre de larges épaules. Petit à petit, mes yeux rencontrent son visage. Une fine barbe de trois jours, blonde très foncée, recouvre une imposante mâchoire. Je discerne rapidement une cicatrice au creux de son menton. Mon regard parcourt rapidement ses lèvres dont celle inférieur est plus gonflée. Je ne m'y attarde pas jusqu'au moment de rencontrer ses yeux. Sans réfléchir, mon regard atterrit dans le sien et je découvre sans grande stupéfaction qu'ils sont bleus. Ses cheveux sont châtains, coiffés naturellement en arrière. Un homme élégant mais ordinaire et ennuyeusement prévisible. Sans expression faciale, je me tourne de nouveau vers mon père qui attend, un rictus sur les lèvres.

Private security T.1 [En Auto-édition avec BOD]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant