4

144 10 6
                                    

— Je vous conseille L'école des femmes, de Molière.

Sa voix est proche de mon oreille tout comme son souffle chaud. Je me tourne vers lui, surprise par le choix qu'il vient de faire. Curieuse, je n'hésite pas à le questionner.

— Pourquoi ?

— Une femme en quête de liberté. Je trouve que ça colle avec votre image.

Je lui aurais bien répondu une réplique cinglante en lui envoyant une pique mais je me retiens en me mordant la langue, donnant tout son sens à cette vieille expression datant.

— Vous aimez lire ?

Il se détourne pour faire face à la bibliothèque reluquant chaque livre et effleure à son tour les couvertures à hauteur de ses doigts. Je me rappelle soudain qu'il avait commencé à lire un livre, il y a de ça une semaine et que je n'ai toujours pas pu connaître ses goûts littéraires. Ma question tombe donc à pic pour résoudre ce mystère.

— Ça m'arrive.

Carter n'est vraiment pas très loquace et cette barrière ne m'aide en aucun point à le percer à jour pour connaître plus de choses à son égard. J'ai besoin de savoir, d'avoir les dés en main pour la suite.

— Votre auteur préféré ?

— Jane Austen.

— Vraiment ? m'étonné-je surprise.

— C'est ce que vous auriez aimé m'entendre répondre.

— Je n'essaie pas de vous piéger.

Sans réponse de sa part, je saisis finalement un roman d'amour qui traîne dans ma pile à lire depuis bien trop longtemps. J'allais me dérober pour rejoindre ma chambre quand il reprend miraculeusement la parole.

— Ernest Hemingway.

Je m'arrête immédiatement et me retourne pour le détailler. Je suis un peu surprise de son choix mais en même temps, ça lui correspond plutôt bien. Un contraste qui lui ressemble en fin de compte.

— Un romancier de guerre. C'est un choix intéressant, pourquoi ?

— Cela me rappelle certaines choses.

— Votre livre favori de Hemingway ?

— Un peu tous.

— Aller, je suis certaine qu'un roman a plus marqué votre cœur qu'un autre.

— Il y a bien longtemps que plus rien ne marque mon cœur Madame Withers.

Je me fige et reste sans voix ne sachant quoi répondre à cet instant. Cette phrase semble sonner comme une révélation. Mon corps frissonne une demi-seconde, imaginant la dure réalité de ses aveux. Qui êtes-vous réellement Carter ? Ses yeux ne me regardent plus et j'en conclus qu'il regrette ses paroles et d'avoir parlé aussi vite. Il retourne s'asseoir dans le canapé sans emporter avec lui de livre. Je ne relève pas, de la même manière qu'il l'a fait avec moi plus tôt. Ma tête continue pourtant de vouloir réfléchir à ce que ses propos pourraient vouloir dire mais je la fais taire.

*

Aujourd'hui, le silence dompte mon appartement depuis plusieurs heures. Je n'entends pas la cafetière couler, les pages d'un livre se tourner, les notifications d'un téléphone sonner, la télévision s'animer. Rien, le calme règne dans la pièce principale et c'est étonnamment étrange. Même si Carter ne fait que très rarement du bruit, j'entends chaque jour sa présence. Pourtant, il n'est pas là et je commence doucement à me poser des questions.

Private security T.1 [En Auto-édition avec BOD]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant