5

171 11 9
                                    

 < Oliver >

Ses talons m'appellent, martelant le parquet ciré de la pièce principale. Dos à elle, je me retourne lentement et reste de marbre. Mes yeux balaient sa silhouette sublimée d'une robe couleur lavande. Ses lèvres ressortent grâce à son rouge à lèvre flamboyant. Elles jouent distraitement avec ses doigts, ce qui ne lui ressemble pas. Ses cheveux sont ondulés pour l'occasion, seules deux longues mèches sont réunies à l'arrière de sa tête. En détaillant son visage, je remarque que ses yeux sont fatalement mis en avant. C'est à ce moment là, lorsque je prête réellement attention à son allure que je m'aperçois d'une chose. Ils sont différents, la nuance de l'un est plus claire que l'autre. C'est infime, léger, subtil, seule une personne qui la remarque elle, peut admirer l'alternative de ce marron. Elle sourit, patientant pour que je la guide. Cette fois, elle ne se jette pas sans attendre dans la voiture et je me réjouis presque de ce progrès.

— Vous êtes prête ?

— Et vous ?

Je ne réponds rien et me contente de tendre mon bras vers la sortie pour lui ouvrir la porte d'entrée puis la portière de la voiture. Le trajet est mouvementé, la circulation est dense. Je redouble d'attention. Withers garde le silence depuis suffisamment longtemps pour que je me pose des questions sur son état après sa crise d'angoisse. Elle regarde défiler les couleurs du ciel parsemées d'un mélange orangé et rosé, offert par cet été dorénavant fini. Elle croise son regard au mien dans le rétroviseur central au moment où je me reconcentre sur la route. Elle a l'air épuisée.

— Merci.

D'une petite voix qui n'ose plus croiser mon regard, elle brise timidement le silence.

— Je vous demande pardon ?

— Pour cet après-midi, merci d'avoir été là.

— Et moi je suis désolé.

Dans le petit miroir, je vois son visage passer de l'étonnement au questionnement, ce qui lui fait relever la tête. Elle me regarde désormais et sa particularité m'est maintenant impossible à ignorer.

— Pourquoi ?

— J'aurais dû prévenir, pour ma sortie mais aussi pour Dayton.

— Ne vous en faites pas. Nous ne sommes pas amis après tout.

Vrai. Je me rends compte que mes excuses sont stupides mais pour la première fois depuis notre rencontre, nous arrivons à nous exprimer calmement, comme des adultes et non comme des adolescents. Nos disputes semblent loin à cet instant où nous réussissons à nous dire les choses sans cri. Mais elle a raison, nous ne sommes pas amis. Je suis simplement là pour la protéger et remplir les termes de mon contrat. Au fond, l'animosité qu'elle suscite en moi n'est jamais loin, c'est pourquoi nous ne pourrons jamais être amis et c'est bien mieux ainsi. Monsieur Withers ne me paie pas pour sympathiser avec elle.

Nous arrivons sur les lieux où les néons ont repris le relais sur l'éclairage naturel du soleil. La fraîcheur du début de l'automne est rendue omniprésente par la lune qui domine le ciel. Vérifiant que mon arme est bien calée dans la cingle attachée dans mon dos, j'entre rapidement aux côtés de Withers. Elle avance lentement vers ses amis et je la regarde prendre chacune des personnes présentes dans ses bras. Je garde mes distances, quelques mètres plus loin, pour lui laisser l'intimité de sa soirée. Une des femmes à la table me désigne du menton. De là où je suis, je ne peux ni lire sur leurs lèvres, ni entendre leur conversation qui semble s'être orientée autour de ma personne. Je resserre ma cravate, mal à l'aise dans ce genre de moment. Withers se retourne mais ne se focalise que quelques secondes sur moi.

Je scrute les lieux à la fois pour m'occuper que pour trouver une personne, un objet ou un endroit qui pourrait représenter un quelconque danger. Mes anciens réflexes ne sont pas rouillés, au contraire, ils sont à vifs, comme si je n'avais jamais cessé mon activité, il y a deux ans. Mes yeux balaient les lieux avec vitesse et précision. De ma hauteur, l'entrée donne sur de nombreuses tables et canapés où se réunissent différents types de groupes pour diverses occasions. Withers se tient sur un canapé au milieu de la pièce à rire, sirotant un cocktail. Quelques marches donnent un accès, en contrebas, à une large piste de danse encore très peu fréquentée. Un grand et long bar se tient sur la droite, personne n'est encore allongé saoule dessus. Quelques personnes seules y sont assises, le regard dans le vide ou porté au fond de leur verre.

Private security T.1 [En Auto-édition avec BOD]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant