Chapitre 8: Tasse

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La soirée commence à peine, et voilà que depuis le balcon, Aiolos reconnaît déjà trois nouvelles voix dans l'antre du chevalier du Bélier. La voix douce et hésitante de Shun, les brèves paroles rauques de Ikki, et la voix calme mais parfois incisive du sage Shaka. Il apprend que, ne sachant pas trop quoi faire de leur soirée, Shun et Ikki ont choisi de concert de se rendre ici pour essayer tant bien que mal de changer les idées du plus jeune. La Vierge, quant à lui, dit très franchement à ses frères d'armes qu'il est là simplement parce qu'il n'arrivait pas à méditer ce soir – chose bien étrange venant de sa part mais passons. Bref, voilà déjà trois invités arrivés en avance, et il espère bien qu'il ne sera pas découvert dans sa cachette.


Pour patienter, le Sagittaire termine son moka – vraiment très bon ce truc, et il s'accoude au balcon, qui ne donne pas sur le reste du Sanctuaire mais sur un petit jardin, comme celui du Grand Pope, mais plus modeste dans ses dimensions et plantations. Une grande table en plastique blanche fait un peu tache dans la nuit naissante, mais celui qui s'est épris du Gémeaux aîné sourit en l'observant. Cette table, qui remplit son office lorsque des repas de groupe s'organisent sur cette terrasse, montre à elle seule toute l'envie et l'investissement du jeune Bélier quant à réunir ses collègues depuis l'accord de paix entre les dieux. Avec le Cancer, ils sont deux à toujours organiser des petites choses, plus ou moins justifiées, dans le simple but de créer et renforcer les liens entre cette fratrie qui a la chance de pouvoir se retrouver dans un contexte plus clément. Certains prennent cette nouvelle situation avec fatalité, se voyant contraints de continuer ce qu'ils venaient de quitter en mourant et étant désormais liés aux autres Chevaliers pour l'éternité. Mais Aiolos sait qu'en fait, rares sont ces personnes-là. Elles ne rechignent que pour la forme, mais elles sont au fond ravies. Après tout, ce n'est pas DeathMask, grincheux et pessimiste de service, qui grogne dès qu'une semaine se passe sans qu'il n'y ait eu ne serait-ce qu'une petite réunion ? N'est-ce pas Aphrodite qui, même s'il fait mine de garder ses distances, s'inquiète pour tout le monde et souhaite tout le temps s'enquérir des dernières nouvelles du Sanctuaire ? Et Camus, dont les silences et les regards sont si profonds, ne dit-il pas « hélas » des lèvres tout en hurlant « hourra » des yeux ? Le Sagittaire est convaincu : il n'y a pas que le devoir qui lie ces douze hommes, non, treize avec Kanon et quatorze avec Shion. C'est bien une belle et forte amitié, capable de les faire rayonner tous ensemble comme le soleil et de détruire n'importe quel obstacle que les hommes et les dieux dresseraient devant eux ! Leur orgueil même se désagrège quand ils ne se retrouvent qu'humains dans les bras de leurs semblables. Cette histoire, même si elle est la seule qu'il connait à cet instant, est tellement belle, si belle qu'elle gonfle son cœur d'émotion et que sa moue pensive se tord légèrement. Cette histoire est trop belle pour que l'un d'entre eux ne s'en retire. Aiolos relève la tête, et prie les dieux et les étoiles de lui donner la force nécessaire pour ouvrir les yeux de Saga, au moins ceci, quitte à devoir sacrifier son amour pour lui.


Mince, lui qui pensait avoir des idées arrêtées et avoir prévu ce qu'il allait dire à son ancien ami, voilà qu'il perd désormais tous ses repères... Doit-il vraiment lui faire voir son amour alors que d'après Mû il est si troublé ? Le peut-il ? Que doit-il vraiment faire pour lui ?


Oh, et puis, pourquoi réfléchir ? Aiolos s'en est toujours mieux sorti dans le feu de l'action, c'est dans sa nature même. Son cœur parlera et ne dira que ce qui est juste, car il est lié à celui de son frère d'armes et sait comment l'appréhender. Alors il n'a pas à s'en faire ni à douter. Seulement à respirer profondément, à regarder les étoiles qui commencent à briller dans le ciel empourpré, et à fermer calmement les yeux pour mieux profiter de la brise légère qui vient lui apporter son soutien.

Apollon et DaphnéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant